Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 29 septembre 2009, présentée pour M. Benaoumeur A, domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0905072 en date du 20 août 2009 , par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 14 août 2009, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1196 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Il soutient que les décisions du préfet sont contraires aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; qu'elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à leurs conséquences graves sur la situation des six membres de sa famille ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 décembre 2009, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que la requête est irrecevable parce qu'elle est tardive et ne comporte aucun moyen d'appel ; que ses décisions n'ont ni porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises ni porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de l'intéressé ;
Vu, enregistré le 8 mars 2010, le mémoire en réplique déposé pour M. A et maintenant ses précédentes conclusions en faisant valoir en outre que la requête n'est pas tardive, que, pour soutenir que leur projet n'était pas précipité, le préfet ne peut se fonder sur la date de son seul visa dès lors que celui de son époux n'a été obtenu que 3 mois plus tard ; que les menaces subies sont réelles ; que le couple a des revenus réguliers et peut facilement être embauché ; qu'il reste proche des parents de M. A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2010 :
- le rapport de M. Fontanelle, président ;
- les observations de Me Rodrigues ;
- et les conclusions de M.Reynoird, rapporteur public ;
- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Rodrigues
Sans qu'il soit besoin se statuer sur les fins de non recevoir opposées par le Préfet ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ;
Considérant que M. A, de nationalité algérienne, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, par une décision en date du 13 avril 2007, qui était exécutoire le 14 août 2009, cette décision n'ayant pas été contestée ; qu'à la date de la décision contestée, il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au préfet de prendre à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant que M. A fait valoir qu'il est entré régulièrement en France le 26 octobre 2005, accompagné de sa femme, également de nationalité algérienne, et de ses trois enfants nés en Algérie en 1999, 2001 et 2004 ; que son dernier enfant est né en France le 23 février 2009 ; que sa femme, lui-même et ses enfants n'ont plus aucun lien avec l'Algérie, ses trois premiers enfants ne parlant pas la langue arabe et étant scolarisés en France, lui-même étant fils unique, son père mort et sa mère remariée avec un ressortissant français et titulaire d'un certificat de résidence de dix ans ; qu'il dispose d'un logement loué, parle français couramment, a toujours travaillé depuis son arrivée en France et obtenu une promesse d'embauche, tout comme son épouse ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que rien ne fait obstacle à ce que M. A, qui est entré en France à l'âge de vingt-neuf ans, reparte dans son pays d'origine avec son épouse, qui fait elle aussi l'objet d'une mesure d'éloignement, et ses enfants mineurs qui pourront apprendre la langue du pays et poursuivre leur scolarité en Algérie, où il n'est pas établi qu'ils n'ont plus d'attaches familiales ; que la circonstance que le mari de la mère du requérant est diabétique insulino-dépendant, ne suffit pas à établir la nécessité de la présence de M. A en France aux côtés de cette personne malade ; que, dans ces conditions, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes raisons, la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de M. A ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du 1° de l'article 3 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que M. A fait valoir que trois de ses enfants, âgés de dix, huit et cinq ans et scolarisés en France à la date de la décision attaquée, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en cas de retour en Algérie, notamment parce qu'ils ne parlent pas la langue arabe ; qu'il serait contraint de laisser, dans leur intérêt, ses enfants en France en les confiant à sa mère au cas où son épouse et lui-même seraient éloignés vers l'Algérie ; que son fils Mohammed, né en 1999, doit être suivi régulièrement parce qu'il est atteint d'asthme chronique et doit subir une intervention en France en 2010 parce qu'il présente une cicatrice boursouflée sur un avant-bras, tandis que sa fille Douaâ, née en 2001, ne peut retourner dans le village où elle a résidé en Algérie parce que c'est un lieu où elle a subi un traumatisme ; que toutefois, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A n'a pas pour effet de séparer les quatre enfants de l'intéressé de leurs deux parents ; que rien ne fait obstacle à ce que les enfants apprennent la langue arabe s'ils ne la connaissent pas encore, et poursuivent leur scolarité en Algérie ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé des enfants de M. A nécessiterait des soins qui ne pourraient pas être prodigués dans leur pays d'origine ; qu'il suit de là que la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations précitées du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision distincte fixant le pays de destination
Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés lors de l'examen de la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière, la décision fixant le pays de destination n'a méconnu ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 1° de l'article 3 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de M. A ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence ;
Considérant que M. A n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, quelque somme que ce soit au profit de l'avocat de M. A, au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Lu en audience publique, le 9 juillet 2010.
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N° 09LY02295
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