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30/06/2010 | FRANCE | N°10LY00591

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 30 juin 2010, 10LY00591


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 16 mars 2010, présentée par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'ordonner, en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 0905318, en date du 11 février 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 28 octobre 2009, par lesquelles il a refusé à M. Naim A la délivrance d'un titre de séjour, il a fait obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et il a d

signé le pays à destination duquel il serait éloigné s'il n'obtempérait pas à l...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 16 mars 2010, présentée par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'ordonner, en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 0905318, en date du 11 février 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 28 octobre 2009, par lesquelles il a refusé à M. Naim A la délivrance d'un titre de séjour, il a fait obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et il a désigné le pays à destination duquel il serait éloigné s'il n'obtempérait pas à l'obligation qui lui était ainsi faite ;

Il soutient que les actes que M. A a commis dans son pays et qui ont été regardés comme de nature à l'exclure du bénéfice des dispositions de la Convention de Genève, sont contraires aux lois et règlements applicables par la France et donc portent atteinte à l'ordre public ; qu'il s'est borné à s'approprier les motifs des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile, seules autorités compétentes pour déterminer la gravité, la véracité et la nature des faits, pour rejeter la demande de titre de séjour ; qu'il pouvait donc légalement lui refuser la délivrance d'une carte de résident en qualité de conjoint de réfugié, au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public ;

Vu le jugement dont est demandé le sursis à exécution ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 28 avril 2010, présenté pour M. Naim A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête présentée par le PREFET DE L'ISERE ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement du 11 février 2010 du Tribunal administratif de Grenoble et d'annuler les décisions du 28 octobre 2009 du PREFET DE L'ISERE lui faisant obligation de quitter le territoire français et désignant le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre au PREFET DE L'ISERE, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de deux cents euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux jours et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient, à titre principal, que la requête aux fins de sursis à exécution déposée par le PREFET DE L'ISERE est irrecevable en l'absence de requête au fond tendant à l'annulation du jugement dont est demandé le sursis à exécution ; à titre subsidiaire, que le PREFET DE L'ISERE ne pouvait pas lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans consulter, au préalable, la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-1 du même code ; que cette décision de refus de titre de séjour est donc entachée d'un vice de procédure ; que la décision de refus de titre de séjour en qualité de conjoint de réfugié, qui se borne à affirmer que son comportement constitue une menace pour l'ordre public, sans en justifier, et qui mentionne, de façon erronée, que ses quatre enfants mineurs se trouvent dans son pays d'origine alors qu'ils sont présents en France, est entachée d'une insuffisance de motivation ; que, s'il a été informateur dans son pays, il n'a pas participé à des actes de torture ni eu connaissance de mauvais traitements et n'a jamais cautionné les méthodes de la police serbe ; qu'il doit être présumé innocent en application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en tout état de cause, le PREFET DE L'ISERE n'apporte pas la preuve qui lui incombe que sa présence sur le territoire français, eu égard à ses fonctions passées d'informateur, exercées plus de dix ans auparavant dans un contexte de guerre civile, représente une menace actuelle à l'ordre public, alors qu'il n'a commis aucune infraction sur le territoire français, où il a reconstruit sa vie avec son épouse et ses enfants ; que, par suite, le refus de délivrance de titre de séjour en qualité de conjoint de réfugié est entaché d'erreur d'appréciation et d'erreur de droit ; qu'eu égard à sa durée de séjour en France, où séjournent son épouse, titulaire d'une carte de résident de dix ans en qualité de réfugié, ainsi que leurs quatre enfants mineurs, le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'eu égard aux efforts d'intégration réalisés et à ses capacités d'insertion sociale et professionnelle en France, le PREFET DE L'ISERE a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne procédant pas à la régularisation de sa situation administrative ; que la mesure d'éloignement n'est pas motivée et que le PREFET DE L'ISERE s'est estimé en situation de compétence liée pour prendre une telle mesure et a, ainsi, commis une erreur de droit ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation, est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français et méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la requête enregistrée à la Cour le 16 mars 2010, sous le n° 10LY00590, présentée par le PREFET DE L'ISERE, tendant à l'annulation du jugement dont est demandé le sursis à exécution ;

Vu la décision du 17 mai 2010, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant du Kosovo entré irrégulièrement en France le 24 mai 2004, selon ses déclarations, a vu sa demande d'asile rejetée par une décision prise 19 août 2005 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 17 juillet 2009 par la Cour nationale du droit d'asile, au motif qu'il avait exercé, sur une base volontaire et rémunérée, une activité d'informateur auprès de la police serbe, au cours des années 1988 à 1998, et qu'il ne pouvait être regardé comme s'étant désolidarisé des méthodes d'interrogatoire et de tortures, dont il a déclaré avoir eu connaissance, employées par le régime serbe qu'il servait ; qu'il y avait ainsi des raisons sérieuses de penser qu'il avait directement ou indirectement participé à la préparation et à l'exécution d'actes contraires aux buts et principes des Nations Unies au sens de l'article 1er, F, c de la Convention de Genève, l'excluant du bénéfice des dispositions protectrices de ladite convention ; que l'épouse de M. A a toutefois obtenu le statut de réfugié, le 20 novembre 2007 ; que, par décision du 28 octobre 2009, le PREFET DE L'ISERE a refusé à M. A la délivrance de la carte de résident en qualité de conjoint de réfugié, prévue au 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au seul motif que la présence de M. A sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public ; que, par jugement du 11 février 2010, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision de refus, motif pris que les actes précités, commis par M. A dans son pays d'origine, ne permettent pas de considérer que sa présence en France constituerait, actuellement, une menace à l'ordre public ;

Considérant que le PREFET DE L'ISERE fait appel de ce jugement et en demande le sursis à exécution en soutenant que les actes que M. A a commis dans son pays et qui ont été regardés comme de nature à l'exclure du bénéfice des dispositions de la Convention de Genève, sont contraires aux lois et règlements applicables par la France et donc portent atteinte à l'ordre public, qu'il s'est borné à s'approprier les motifs des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile, seules autorités compétentes pour déterminer la gravité, la véracité et la nature des faits, pour rejeter la demande de titre de séjour et qu'il pouvait donc légalement lui refuser la délivrance d'une carte de résident en qualité de conjoint de réfugié au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public ; que les moyens ainsi invoqués par le PREFET DE L'ISERE ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE n'est pas fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 0905318 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 11 février 2010 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A:

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête présentée par le PREFET DE L'ISERE aux fins de sursis à exécution du jugement du 11 février 2010 du Tribunal administratif de Grenoble, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A ne peuvent pas être accueillies ;

Sur les conclusions présentées par M. A, tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mebarki, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros au profit de Me Mebarki, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE L'ISERE est rejetée.

Article 2 : En application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat versera la somme de mille euros à M. Mebarki, avocat de M. A, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'ISERE, à M. Naim A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2010, à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. du Besset, président de chambre,

Mme Vinet, conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2010.

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N° 10LY00591


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00591
Date de la décision : 30/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : MEBARKI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-30;10ly00591 ?
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