Vu la requête, enregistrée à la Cour le 12 octobre 2009, présentée pour Mme Besouanbewe Béatrice A, domiciliée ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903560, en date du 17 septembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 1er septembre 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite, ensemble, la décision du préfet du Rhône du 16 avril 2009 portant rejet de son recours gracieux ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un récépissé de dépôt de demande de titre de séjour dans le délai de 7 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la décision portant refus de titre de séjour a été prise sans examen suffisant de l'ensemble de sa situation ; que les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et désignant le pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elles sont, en outre, entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 25 février 2010, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient, à titre principal, que la requête introductive de première instance était irrecevable car tardive ; à titre subsidiaire, que sa décision de refus de titre de séjour est régulièrement motivée et que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;
Vu le mémoire enregistré le 24 mars 2010, présenté pour Mme Besouanbewe Béatrice A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Elle soutient, en outre, que la fin de non-recevoir soulevée par le préfet du Rhône doit être écartée dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il aurait été informé, par un avis de passage laissé par les services postaux, de ce que le pli contenant la notification de l'arrêté contesté était mis en attente au bureau de poste ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2010 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- les observations de Me Matsounga, avocat de Mme A,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée à nouveau à Me Matsounga ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d'un mois suivant la notification, demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif (...) et qu'aux termes de l'article R. 775-2 du code de justice administrative, concernant les requêtes dirigées contre les décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français : Le délai de recours est d'un mois à compter de la notification de la décision attaquée. Il n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif préalable ;
Considérant qu'il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action introduite devant un tribunal administratif, d'établir que l'intéressé a régulièrement reçu notification de la décision contestée ; qu'en cas de retour à l'administration du pli contenant cette décision, cette preuve peut résulter, soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, d'un avis d'instance prévenant le destinataire de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté préfectoral en date du 1er septembre 2008 refusant à Mme A la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français, et fixant le pays dont elle a la nationalité comme pays de destination, qui mentionne les voies et délais de recours, lui a été adressé par voie postale, le 2 février 2008 ; qu'il ressort des mentions de l'accusé de réception produit par le préfet en première instance que le pli de notification, présenté au domicile de l'intéressée à une date indéterminée en l'absence d'indication de date de présentation dudit pli, a été retourné au préfet, non réclamé, le 19 septembre 2008 ; que la copie de l'enveloppe produite au dossier ne fait pas apparaître de mention indiquant que le destinataire a été avisé, par le dépôt d'un avis de passage, de ce que le pli correspondant était à sa disposition au bureau de poste ; que le préfet ne produit aucune attestation du service des postes certifiant l'accomplissement de cette formalité ; que, par suite, l'arrêté contesté ne peut pas être regardé comme ayant été régulièrement notifié à Mme A ; que le délai de recours contentieux fixé par les dispositions précitées ne saurait, dès lors, être opposé à l'intéressée ; que, par suite, la demande d'annulation enregistrée au Tribunal administratif de Lyon, le 16 juin 2009, n'était pas tardive ; qu'en conséquence, le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que cette demande de première instance était irrecevable ;
Sur la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, ressortissante ivoirienne née le 24 avril 1962, est entrée en France le 14 septembre 1993 ; que, le 28 juillet 2001, elle a épousé un compatriote né le 16 décembre 1967, arrivé sur le territoire français le 6 janvier 1989 et titulaire, à la date de la décision contestée, d'une carte de résident valable dix ans ; que Mme A exerce une activité professionnelle de garde d'enfant ; qu'ainsi, eu égard à l'ancienneté de la résidence habituelle de l'intéressée sur le territoire français et aux attaches familiales qu'elle possède en France, en la personne de son époux, lequel séjourne depuis longtemps et régulièrement dans ce pays, et nonobstant la circonstance qu'elle s'est maintenue sur le territoire français en usurpant l'identité d'une ressortissante française, la décision du 1er septembre 2008 par laquelle le préfet du Rhône a refusé à Mme A la délivrance d'un titre de séjour a porté au droit de cette dernière au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; que cette décision a, dès lors, méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est, par suite, illégale ; qu'il y a lieu d'annuler, par voie de conséquence, les décisions du même jour faisant obligation à Mme A de quitter le territoire français et désignant le pays de renvoi ainsi que la décision du 16 avril 2009 portant rejet du recours gracieux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision portant refus de titre de séjour du 1er septembre 2008 du préfet du Rhône et les décisions subséquentes, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Rhône délivre le titre sollicité à la requérante ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à Mme A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 600 euros au titre des frais exposés par Mme A dans l'instance et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0903560, en date du 17 septembre 2009, du Tribunal administratif de Lyon, ensemble les décisions du préfet du Rhône, du 1er septembre 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme A, faisant obligation à cette dernière de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite, ainsi que la décision du préfet du Rhône du 16 avril 2009 portant rejet de son recours gracieux, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale à Mme A dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat (préfet du Rhône) versera à Mme A une somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Besouanbewe Béatrice A, au préfet du Rhône et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2010, à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. du Besset, président de chambre,
Mme Vinet, conseiller.
Lu en audience publique, le 30 juin 2010.
''
''
''
''
1
5
N° 09LY02303