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30/06/2010 | FRANCE | N°09LY01995

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 30 juin 2010, 09LY01995


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 20 août 2009, présentée par le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902707, en date du 9 juillet 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 3 avril 2009 par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Hilaire A ainsi que sa décision du même jour obligeant l'intéressé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et celle, portant la même date, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expi

ration de ce délai à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 20 août 2009, présentée par le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902707, en date du 9 juillet 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 3 avril 2009 par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Hilaire A ainsi que sa décision du même jour obligeant l'intéressé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et celle, portant la même date, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Hilaire A devant le Tribunal administratif ;

Il soutient que le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 9 juillet 2009 est entaché d'une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que son arrêté du 3 avril 2009 en litige ne méconnaissait pas, eu égard en particulier à la très faible ancienneté de la communauté de vie entre M. A et sa compagne, qui n'est établie qu'à compter du mois de janvier 2008 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 21 décembre 2009, présenté pour M. Hilaire A, domicilié ..., qui conclut au rejet de la requête et demande la mise à la charge de l'Etat de la somme 1500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 code de justice administrative et, en cas d'annulation du jugement attaqué, de confirmer la mise à la charge de l'Etat, en première instance, de la somme de 800 euros au profit de Me Ouchia, au titre de ces mêmes dispositions ;

Il soutient que l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Ouchia, avocat de M. A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Ouchia ;

Sur la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. A, ressortissant de nationalité camerounaise né le 20 décembre 1981, soutient qu'il est entré sur le territoire français au mois de mai 2005 ; qu'en 2007, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en tant que parent d'enfant français qui lui a été refusée par décision du préfet de la Drôme du 27 septembre 2007, assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'au mois de novembre 2008, il a sollicité auprès du PREFET DU RHONE la délivrance d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale sur le fondement des dispositions des 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par la décision litigieuse, le PREFET DU RHONE a rejeté cette demande aux motifs que M. A, d'une part, ne démontrait pas participer, depuis au moins deux ans, à l'entretien ou à l'éducation de l'enfant, de nationalité française, qu'il a reconnu le 2 avril 2007 et, d'autre part, ne justifiait, ni avoir séjourné habituellement en France antérieurement à 2007, ni avoir vécu maritalement, antérieurement au 31 janvier 2008, avec sa compagne titulaire d'une carte de résident avec laquelle il a eu un enfant né le 17 janvier 2007 ; que le Tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision de refus de titre de séjour, au motif qu'elle porte au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le séjour en France de M. A n'est pas établi antérieurement à 2007 ; que si, au mois d'avril 2007, M. A a reconnu un enfant, de nationalité française par sa mère, ce dernier, né le 1er décembre 1999 sur le territoire français, était déjà âgé de sept ans lorsque cet acte de reconnaissance paternelle est intervenu ; que si M. A dispose, depuis le mois d'avril 2007, de l'autorité parentale conjointe sur cet enfant, il n'a jamais vécu avec ledit enfant et sa mère et n'établit pas, par les pièces qu'il produit, et notamment quelques mandats adressés à la mère de l'enfant entre octobre 2007 et juin 2009, une attestation d'un médecin, rédigée le 8 octobre 2008, certifiant qu'il a accompagné cet enfant lors de consultations, une attestation d'un responsable de club de football, établie le 22 octobre 2008, certifiant qu'il accompagne cet enfant lors des entraînements et des matchs ainsi que des attestations de sa compagne et de la mère de son enfant français, rédigées au mois d'octobre 2008, certifiant qu'il s'occupe de lui un week-end sur deux, avoir des contacts suffisamment stables et anciens avec son enfant de neuf ans ; qu'en outre, si M. A vit depuis un peu plus d'un an avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable dix ans, avec laquelle il a eu un enfant né en France le 17 janvier 2007 et qui est mère d'un autre enfant, né d'un précédent lit le 11 mars 2004, de nationalité française par son père, sa compagne, de même nationalité que lui, n'est arrivée en France qu'à l'âge de vingt-six ans, en 2002, et n'allègue pas que le père français de son premier enfant s'occuperait effectivement de ce dernier ; que la circonstance, postérieure à la décision en litige, qu'elle est enceinte, est sans incidence sur la légalité de cette décision ; qu'ainsi, compte tenu du caractère récent, tant du séjour en France de M. A que de sa reconnaissance de son enfant français et de sa relation avec une compatriote dont il n'est pas avéré qu'elle ne pourrait pas se poursuivre hors du territoire français, en refusant à M. A, le 3 avril 2009, la délivrance du titre de séjour qu'il avait sollicité, le PREFET DU RHONE n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; que, dès lors, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, sa décision de refus de délivrance de titre de séjour en litige ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 6° à l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du Code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, qui a reconnu son fils français deux ans avant la décision en litige, n'établit pas, par les pièces susmentionnées qu'il produit, avoir participé à l'entretien et à l'éducation de cet enfant antérieurement au mois de septembre 2007, donc depuis la naissance de celui-ci, en 1999, ou depuis au moins deux ans à la date de la décision du 3 avril 2009 ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le PREFET DU RHONE a méconnu les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été dit, que M. A est père d'un enfant français avec lequel il n'a jamais vécu, qu'il a reconnu à l'âge de sept ans, deux ans seulement avant la décision en litige, et dont il établit s'occuper depuis moins longtemps encore ; qu'il est également père d'un autre enfant né en 2007, dont la mère, compagne de M. A depuis la fin de l'année 2007, est de même nationalité que l'intéressé et n'est arrivée en France qu'à l'âge de vingt-six ans, en 2002 ; que, la décision de refus de délivrance de titre de séjour en litige, qui n'emporte pas, par elle-même, séparation des enfants de M. A de l'un ou l'autre de leurs parents, n'a pas porté à l'intérêt supérieur desdits enfants, une atteinte contraire aux stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Considérant enfin que, pour les motifs précédemment énoncés, la décision du 3 avril 2009, par laquelle le PREFET DU RHONE a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. A n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Considérant, en second lieu, que, pour les motifs ci-dessus indiqués dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, alors que, d'une part, rien ne fait obstacle à ce que M. A et sa compagne repartent ensemble au Cameroun, pays dont ils ont tous deux la nationalité, avec leur enfant né en 2007 et celui de ladite compagne, né en 2004, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait des contacts avec son père français et, d'autre part, M. A n'a reconnu son enfant français âgé de neuf ans et n'a de contact avec lui que depuis peu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 3 avril 2009 par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Hilaire A ainsi que sa décision du même jour obligeant l'intéressé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et celle, portant la même date, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

Sur les conclusions présentées par M. A sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. A, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0902707, en date du 9 juillet 2009, du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hilaire A, au PREFET DU RHONE et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2010, à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. du Besset, président de chambre,

Mme Vinet, conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2010.

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N° 09LY01995


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01995
Date de la décision : 30/06/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : OUCHIA NADIR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-30;09ly01995 ?
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