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24/06/2010 | FRANCE | N°10LY00019

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 4ème chambre, 24 juin 2010, 10LY00019


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon les 7 et 8 janvier 2010, présentés pour M. Gyorgy A, alors détenu à la maison d'arrêt de Privas, 1 place des Récollets, Privas (07000) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907139 en date du 7 décembre 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 25 novembre 2009, par lequel le préfet de l'Ardèche a ordonné sa recondui

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Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon les 7 et 8 janvier 2010, présentés pour M. Gyorgy A, alors détenu à la maison d'arrêt de Privas, 1 place des Récollets, Privas (07000) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907139 en date du 7 décembre 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 25 novembre 2009, par lequel le préfet de l'Ardèche a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision du même jour fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'examiner à nouveau sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 €, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que le signataire des décisions attaquées n'était pas compétent pour prendre ces mesures de police ; que les décisions en litige ont violé les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est gravement malade ; que le préfet de l'Ardèche a violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur sa vie privée et familiale dès lors qu'il vit en France avec son fils mineur de quatorze ans depuis cinq ans et qu'ils n'ont plus aucun contact avec les autres membres de leur famille en Moldavie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 12 mars 2010, le mémoire en défense présenté par le préfet de l'Ardèche, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les décisions en litige ont été signées par une personne compétente ; qu'elles n'ont pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les certificats médicaux produits par M. A et qui indiquent qu'il souffre, d'une part, d'un diabète non insulino-dépendant nécessitant un traitement important, d'autre part, d'une lourde éventration abdominale qui nécessite une intervention chirurgicale, sont postérieurs à la date des décisions attaquées et que le requérant, qui peut bénéficier d'un suivi médical et d'une intervention chirurgicale pendant son incarcération, n'établit pas que le défaut de prise en charge de sa pathologie pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'un traitement approprié à son état de santé ne peut être poursuivi dans son pays d'origine ; que le préfet des Bouches-du-Rhône a invité M. A, le 17 février 2009, à se présenter aux guichets de la préfecture pour y déposer une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et que l'intéressé n'a rien entrepris pour régulariser sa situation ; que, lorsqu'il a pris les décisions en litige, il disposait de certificats médicaux datant de 2006 et 2007, qui ne permettaient pas d'apprécier l'état de santé du requérant à la date du 25 novembre 2009 ; que ses décisions n'ont pas violé les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. A n'établit pas qu'il a des liens personnels et familiaux nombreux et intenses en France, ni qu'il est dépourvu d'attaches familiales en Moldavie, où résident la mère de ses enfants et son plus jeune enfant, ni qu'il serait dans l'impossibilité de retourner dans son pays d'origine en compagnie de son fils aîné ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2010 :

- le rapport de M. du Besset, président,

- les observations de Me Vray, représentant M. A,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

la parole ayant été de nouveau donnée à Me Vray ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet ... d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ;

Considérant que, d'une part, selon des certificats médicaux établis les 27 février et 15 décembre 2009, l'état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que si, comme le fait valoir le préfet de l'Ardèche, la légalité d'une décision administrative doit s'apprécier à la date à laquelle elle a été prise, la seule circonstance que ce second certificat a été établi postérieurement à la décision en litige ne suffit pas à le faire regarder comme rendant compte d'une situation différente de celle qui était celle de l'intéressé à la date de cette décision, alors notamment qu'il est corroboré par le précédent ; que, d'autre part, le certificat du 27 février 2009 indique que le traitement des pathologies dont souffre M. A ne peut être assuré dans son pays d'origine et ajoute que tout éloignement aurait des conséquences d'exceptionnelle gravité sur son état de santé ; qu'alors qu'il appartient à l'administration de produire, le cas échéant, tous éléments de nature à démontrer qu'il existe dans le pays d'origine des possibilités de traitement approprié de l'affection dont souffre l'étranger qui se prévaut des dispositions précitées, le préfet de l'Ardèche ne conteste pas ces certificats sur ce point ; qu'il ne saurait se prévaloir utilement de ce que M. A aurait la possibilité d'être soigné à la maison d'arrêt où il est actuellement détenu ; qu'il s'ensuit que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige a été pris en méconnaissance des dispositions précitées ; qu'il est, dès lors, entaché d'illégalité ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour à M. A mais seulement que le préfet de l'Ardèche réexamine sa situation ; qu'il lui sera imparti à cet effet un délai d'un mois ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre de ces dispositions, le versement de la somme demandée de 1 000 € à Me Véronique Vray, avocat de M. A, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0907139 en date du 7 décembre 2009 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : L'arrêté de reconduite à la frontière en date du 25 novembre 2009 et la décision du même jour fixant le pays de renvoi sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Ardèche de réexaminer la situation de M. A dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à Me Vray, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Gyorgy M. A, au préfet de l'Ardèche et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Lu en audience publique, le 24 juin 2010.

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N° 10LY00019


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10LY00019
Date de la décision : 24/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : VERONIQUE VRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-24;10ly00019 ?
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