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22/06/2010 | FRANCE | N°09LY00361

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 22 juin 2010, 09LY00361


Vu la requête, enregistrée le 19 février 2009, présentée pour M. Guy A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503267 du Tribunal administratif de Grenoble du 4 décembre 2008 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 30 novembre 2004 par laquelle le conseil municipal du Planay (Savoie) a décidé d'exercer le droit de préemption de la commune sur les parcelles cadastrées B 494, B 498, B 504, B 520, B 567, B 569 et B 599 appartenant à la SAFER Rhône-Alpes, ainsi que de la décision de rejet de son recour

s gracieux ;

2°) d'annuler cette délibération et cette décision ;

3°) de conda...

Vu la requête, enregistrée le 19 février 2009, présentée pour M. Guy A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503267 du Tribunal administratif de Grenoble du 4 décembre 2008 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 30 novembre 2004 par laquelle le conseil municipal du Planay (Savoie) a décidé d'exercer le droit de préemption de la commune sur les parcelles cadastrées B 494, B 498, B 504, B 520, B 567, B 569 et B 599 appartenant à la SAFER Rhône-Alpes, ainsi que de la décision de rejet de son recours gracieux ;

2°) d'annuler cette délibération et cette décision ;

3°) de condamner la commune du Planay à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que :

- sa demande est recevable, dès lors que la commune du Planay ne lui a pas notifié la délibération attaquée et, à tout le moins, n'a pas procédé à un affichage de cette délibération ; que le délai de recours contentieux n'a donc pas commencé à courir, la commune ne démontrant pas, comme il lui appartient de le faire, avoir respecté ses obligations légales en la matière ; qu'en réalité, il n'a été informé de la préemption litigieuse que fin janvier 2005, par son notaire ; qu'il a immédiatement adressé un recours gracieux à la commune ; que sa demande d'annulation a été présentée moins de deux mois après le rejet de ce recours le 12 avril 2005 ;

- la convocation à la séance du conseil municipal, qui indique seulement Ordre du jour, voir réunion de travail , ne permettait pas de savoir qu'une décision était à prendre sur la préemption des biens qu'il entend acquérir auprès de la SAFER ; que, si la commune soutient que le document intitulé Réunion de travail qu'elle produit permettait de connaître l'ordre du jour, ce document ne comporte aucune date, ni même une signature ou un cachet ; que, par suite, il n'est pas possible de savoir si ledit document n'a été établi que postérieurement, pour les besoins de la cause ; qu'ainsi, la commune du Planay ne démontre pas, comme il lui incombe de le faire, la régularité de la convocation des conseillers municipaux ;

- il n'apparaît pas que la délibération attaquée ait fait l'objet d'un procès-verbal transcrit sur le registre des délibérations du conseil municipal, comme le prévoit l'article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales ;

- la décision de préemption litigieuse ne contient aucune précision quant à l'objet pour lequel le droit de préemption est exercé ; qu'il n'est pas justifié d'un projet précis, répondant aux conditions fixées par les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ; qu'il n'est pas précisé le cadre juridique dans lequel le droit de préemption est exercé ; qu'en effet, le seul motif invoqué, à savoir la location des parcelles à un jeune agriculteur, personne privée et indépendante, souhaitant s'installer à la Novaz ne peut être assimilé à la réalisation, dans l'intérêt général, d'une action ou d'une opération d'aménagement, ni même à la constitution d'une réserve foncière en vue de permettre une telle réalisation ; que la délibération attaquée ne se réfère nullement aux motivations générales ayant pu être mentionnées dans l'acte ayant créé la ZAD de la Novaz, ni même ne mentionne que les biens se situent dans une ZAD ; que la commune n'a pas exercé son droit de préemption lors de la vente précédente des mêmes parcelles, en 2002 ; que la commune ne justifie pas du moindre projet d'aménagement au titre de cette ZAD ; que l'intention précitée de louer les biens ne saurait constituer un projet d'action réel ;

- la commune ne justifie pas, comme il lui incombe pourtant de la faire, que l'arrêté préfectoral du 14 avril 1992 portant création de la ZAD de la Novaz ait fait l'objet des mesures de publicité prévues par les articles R. 212-2 et suivants du code de l'urbanisme ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 mai 2009, présenté pour la commune du Planay, qui demande à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner M. A à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que :

- la délibération attaquée a immédiatement fait l'objet des formalités de publicité nécessaires ; que le requérant ne démontre pas avoir respecté le délai de recours contentieux ; que, par suite, la demande d'annulation est irrecevable ;

- les dispositions des articles L. 2121-10 et L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales ont bien été respectées ; qu'en effet, la convocation a été adressée aux conseillers municipaux le 24 novembre 2004 ; que cette convocation renvoyait à un document joint intitulé Réunion de travail , lequel mentionne DIA SAFER / Guy Benoît ;

- les parcelles en cause sont comprises dans le périmètre de la ZAD de la Novaz ; que celle-ci a été créée en vue de la mise en valeur du patrimoine communal, notamment en conservant au plateau son environnement naturel ; que, dans le cadre de l'aménagement du plateau, un jeune agriculteur devait reprendre l'exploitation agricole du requérant, au 1er janvier 2005 ; que, dès lors, la délibération attaquée se réfère bien, conformément à ce que prévoit l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, à un motif pour lequel la ZAD a été créée ;

- elle justifie que l'arrêté préfectoral du 14 avril 1992 portant création de la ZAD de la Novaz a fait l'objet des mesures de publicité prévues par les articles R. 212-2 et suivants du code de l'urbanisme ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 septembre 2009, présenté pour la SAFER Rhône-Alpes, qui demande à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner M. A à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SAFER soutient que :

- compte tenu des mentions portées sur la convocation et du document joint à cette dernière, le Tribunal a pu considérer que l'ordre du jour indiquait qu'une décision était à prendre sur la préemption des biens en cause, et ce nonobstant les circonstances que ce document ne soit ni daté ni signé ;

- en tout état de cause, l'absence de transcription au registre des délibérations est sans incidence sur la légalité de la délibération litigieuse ;

- la délibération attaquée mentionne que les parcelles seront louées en priorité à M. B, jeune agriculteur qui souhaite s'installer à la Novaz ; que, par suite, en application de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, cette délibération doit être regardée comme suffisamment motivée ;

- la ZAD de la Novaz a été créée en vue de poursuivre la politique de mise en valeur du secteur du Planay, en conservant au plateau son caractère naturel ; que la location de terres situées au sein de cette ZAD à un agriculteur qui en conservera le caractère naturel répond parfaitement aux objectifs poursuivis dans la cadre de l'aménagement de cette zone ;

- le requérant reprend en appel le moyen tiré de ce que la commune ne justifie pas que l'arrêté préfectoral du 14 avril 1992 portant création de la ZAD de la Novaz a fait l'objet des mesures de publicité prévues par les articles R. 212-2 et suivants du code de l'urbanisme, sans critiquer la position du Tribunal ou apporter des précisions supplémentaires ; que ce moyen ne pourra donc qu'être écarté ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 7 janvier 2010, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 février 2010 ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 26 avril 2010, la clôture de l'instruction a été reportée au 21 mai 2010 ;

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par un courrier du 12 mai 2010, les parties ont été informées du fait que la Cour envisage de soulever d'office le moyen tiré de ce que la préemption litigieuse a été exercée pour un motif qui n'est pas au nombre de ceux qui peuvent être retenus en application des dispositions combinées des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 mai 2010, présenté pour la commune du Planay, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

La commune soutient en outre que la préemption litigieuse, qui s'inscrit dans le cadre de la volonté de sauvegarder et mettre en oeuvre la patrimoine bâti et non bâti de la commune, ne relève en aucune façon de la prohibition édictée par le premier alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, visant à exclure du droit de préemption la protection des espaces naturels sensibles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2010 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les observations de Me Artusi, avocat de M. A et celles de Me Fiat, avocat de la SAFER Rhône-Alpes ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- la parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;

Sur la recevabilité de la demande :

Considérant que la commune du Planay ne produit aucun élément pour démontrer que la délibération attaquée a été notifiée à M. A, acquéreur évincé, avec indication des voies et délais de recours ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient cette commune, le délai du recours contentieux n'ayant pas commencé à courir à l'égard de M. A, la demande d'annulation de cette délibération formée par ce dernier n'est pas tardive ;

Sur la légalité de la délibération attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la sauvegarde ou la mise en valeur des espaces naturels n'est pas au nombre des objets en vue desquels le droit de préemption peut être mis en oeuvre ; qu'il ressort des pièces du dossier que la préemption litigieuse a été exercée dans le but de louer à un agriculteur le terrain qui a fait l'objet de cette préemption, en vue de mettre en valeur le plateau de la Novaz, en lui conservant son environnement naturel ; que, par suite, en décidant, par la délibération attaquée, de préempter pour ce motif le terrain que M. A souhaitait acquérir, la commune du Planay a méconnu le champ d'application de la loi ; qu'il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, M. A est fondé à soutenir que cette délibération est entachée d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; qu'en conséquence, il y a lieu d'annuler ce jugement et la délibération attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à payer à la commune du Planay et à la SAFER Rhône-Alpes la somme que ces derniers demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cette commune le versement d'une somme de 1 200 euros au bénéfice de M. A sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 4 décembre 2008 est annulé.

Article 2 : La délibération du 30 novembre 2004 est annulée.

Article 3 : La commune du Planay versera à M. A une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune du Planay et de la SAFER Rhône-Alpes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Guy A, à la commune du Planay et à la SAFER Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2010 à laquelle siégeaient :

M.Bézard, président,

M. Fontbonne, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2010.

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N° 09LY00361

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00361
Date de la décision : 22/06/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-22;09ly00361 ?
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