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17/06/2010 | FRANCE | N°09LY01567

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 17 juin 2010, 09LY01567


Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Ali A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900530, en date du 4 juin 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 20 février 2009 par lequel le préfet de l'Yonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui dél

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Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Ali A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900530, en date du 4 juin 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 20 février 2009 par lequel le préfet de l'Yonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour la durée de la procédure ;

2°) d'annuler ledit arrêté préfectoral et d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour la durée de la procédure ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à son bénéfice, la somme de 2 432,22 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient qu'il appartient à l'auteur de l'arrêté litigieux de justifier d'une délégation de signature régulière ; que le préfet a justifié sa décision de refus de titre par l'absence de revenus suffisants du couple, sans préciser de fondement juridique ; que, cependant, les 4° et 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient la délivrance, de plein droit, d'un titre de séjour sans poser de condition de ressources au demandeur ; que l'exigence de ressources est, du fait du handicap de Mme B, discriminatoire et susceptible de relever de l'infraction prévue à l'article 432-7 du code pénal ; qu'une telle discrimination est, en outre, contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'arrêté litigieux méconnaît l'article 8 de cette même convention ; que, si le préfet estime que son mariage avec Mme B est un mariage blanc, il lui appartient de saisir le procureur de la République ; que, depuis son arrivée en France, il réside avec son épouse ; que le préfet lui a refusé un titre de séjour au motif, entre autre, que son comportement constituait un détournement de procédure ; que, toutefois, son entrée irrégulière a été rendue nécessaire par les refus de visas successifs infondés et injustifiés et par l'état de santé de son épouse ; que l'arrêté méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la Cour de justice des communautés européennes, dans une décision Mrax c/ Belgique du 25 juillet 2002, a estimé que les directives 68/360/CEE et 73/148/CEE, ainsi que le règlement n° 2317/95 du Conseil n'autorisaient pas un Etat membre à refuser de délivrer un titre de séjour et à prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un pays tiers qui est en mesure de rapporter la preuve de son identité et de son mariage avec un ressortissant d'un Etat membre, au seul motif qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire de l'Etat membre concerné ; que c'est à tort que le Tribunal a estimé que les conditions de son entrée faisaient obstacle à ce qu'il puisse utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2009, présenté pour le préfet de l'Yonne qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le signataire de l'arrêté litigieux a reçu régulièrement délégation de signature par un arrêté du 15 décembre 2008 ; que, concernant le moyen tiré de la méconnaissance du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les revenus disponibles du couple ne permettent pas une admission au séjour de M. A ; que le législateur n'a pas entendu introduire de dérogation aux principes de disposition de ressources suffisantes par le conjoint français, fût-il handicapé ; que le couple a eu des relations plus que distantes depuis le mariage célébré en 2003 ; que le mariage, qui présente un caractère frauduleux et a été contracté dans un but étranger à celui pour lequel il a été célébré, ne peut donner lieu à la délivrance d'un titre de séjour ; que, n'ayant pas été annulé, il demeure cependant valide ; que l'absence de communauté de vie justifie toutefois le refus de délivrance d'un titre ; que l'absence d'entrée régulière sur le territoire n'est, ainsi, pas le seul motif de refus ; qu'il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2010 :

- le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Raisson, rapporteur public ;

Considérant que M. Ali A, de nationalité turque, qui est irrégulièrement entré en France en août 2008, fait appel du jugement du 4 juin 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 février 2009 du préfet de l'Yonne qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions en annulation de l'arrêté en tant qu'il porte refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code : Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; qu'aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : (...) Le visa mentionné à l'article L. 311-7 ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. (...) ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité des refus de visa :

Considérant que, lorsqu'une décision de refus de titre de séjour a pour fondement le fait que l'étranger est entré en France sans être titulaire d'un visa, l'intéressé peut, si la décision lui ayant refusé le visa n'est pas devenue définitive et alors même que cette décision est redevable d'un recours administratif spécifique, exciper de son illégalité à l'encontre de la décision de refus de titre ;

Considérant que le préfet de l'Yonne a, par l'arrêté litigieux du 20 février 2009, refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. A, en sa qualité de conjoint de Mme B, de nationalité française, au motif que l'intéressé s'était vu refuser, par deux fois, un visa de long séjour en 2005 et 2007, par les autorités consulaires de France à Ankara ; que, s'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté devant l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener en France une vie familiale normale, le visa doit, en revanche, être refusé s'il est établi que le mariage n'a été contracté que pour permettre au conjoint étranger de séjourner régulièrement en France ; que le préfet fait valoir que le mariage contracté entre M. A et Mme B l'a été dans le but de permettre à l'intéressé d'entrer en France et produit un rapport d'enquête du 21 août 2007 précisant que la première et dernière rencontre entre les époux, depuis leur mariage, remonte à janvier 2004 et que leur relation s'est résumée, selon les déclarations de Mme B, avant l'entrée irrégulière de M. A sur le territoire, à un appel téléphonique tous les deux mois ; qu'alors que M. A se borne à soutenir que son mariage n'ayant pas été annulé la délivrance d'un visa était de droit, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de regarder le mariage de M. A comme ayant été contracté dans un but étranger à l'union matrimoniale ; que, par suite, l'exception d'illégalité des refus de visas, à la supposer recevable, doit être écartée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Yonne a pu, à bon droit, en application des dispositions susmentionnées, refuser à M. A, en raison du défaut de visa de long séjour, la délivrance d'un titre de séjour temporaire vie privée et familiale visé aux 4° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que les directives 68/360/CEE du 15 octobre 1968 et 73/148/CEE du 23 mai 1993, dont l'arrêt C-459/99 Mrax du 25 juillet 2002, mentionné par M. A, donne une interprétation, ont été abrogées par la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 susvisée, applicable en vertu de son article 3 à tout citoyen de l'Union qui se rend ou séjourne dans un Etat membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu'aux membres de sa famille qui l'accompagnent ou le rejoignent, et elle-même transposée dans l'ordre juridique interne par les articles 23 et suivants de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 et le décret n° 2007-371 du 21 mars 2007 ; que M. A, qui séjourne en France avec son épouse de nationalité française, ne peut, par suite, utilement s'en prévaloir ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter les moyens, déjà présentés en première instance et repris en appel, tirés de ce que le signataire de l'arrêté litigieux n'aurait pas été compétent et de ce que le refus de titre méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. A, le préfet de l'Yonne ne lui a pas, par l'arrêté litigieux, refusé la délivrance d'un titre de séjour en raison de l'insuffisance de ses ressources et de celles de sa conjointe ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité d'un tel motif est inopérant ;

Sur les conclusions en annulation de l'arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et fixe le pays de renvoi :

Considérant que ces conclusions ne sont assorties d'aucun moyen ; qu'elles ne peuvent, par suite, être accueillies ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'il a présentées aux fins d'injonction, ainsi qu'au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ali A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2010 à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président,

Mme Jourdan et Mme Besson-Ledey, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 17 juin 2010.

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N° 09LY01567


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01567
Date de la décision : 17/06/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Laurence BESSON-LEDEY
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : DELL'ASINO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-17;09ly01567 ?
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