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16/06/2010 | FRANCE | N°09LY01238

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 16 juin 2010, 09LY01238


Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2009 à la Cour, présentée pour M. Harun A, domicilié ...) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900610, en date du 20 mai 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Yonne, du 26 février 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet

de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ;

4°)...

Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2009 à la Cour, présentée pour M. Harun A, domicilié ...) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900610, en date du 20 mai 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Yonne, du 26 février 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'il entre dans le champs des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ouvrant droit à la délivrance d'un titre de séjour, dès lors que son épouse n'est pas en mesure d'obtenir un regroupement familial à son bénéfice et que le refus opposé par le préfet de l'Yonne porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de cette même convention ainsi que celles des articles 3 et 16 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, dès lors qu'elle aurait pour effet de priver son enfant de la présence de son père ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré à la Cour par télécopie le 1er novembre 2009 et régularisé le 3 novembre 2009, présenté par le préfet de l'Yonne, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que M. A ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son épouse peut solliciter à son profit le bénéfice du regroupement familial ; que les décisions contestées ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 mai 2010, présenté pour M. A, qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens, et demande en outre à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 26 février 2009 par laquelle le préfet de l'Yonne a désigné le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux jours et de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois ;

Il soutient en outre que la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée est insuffisamment motivée et révèle une absence d'examen préalable de sa situation ; que cette décision, qui le maintient dans une situation de précarité sur le territoire français, alors que son épouse est enceinte, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ; qu'elle méconnaît enfin les stipulations du préambule et des articles 3-1, 9-1 et 10 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde, est entachée d'erreur de droit, dès lors que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour prendre cette mesure d'éloignement et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ; qu'enfin, la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation, est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, eu égard à ses attaches privées et familiales en France ;

Vu les pièces complémentaires, enregistrées à la Cour le 3 juin 2010, présentées pour M. A ;

Vu le courrier du 2 juin 2010 par lequel le président de la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des moyens, invoqués par M. A, dirigés contre la décision contestée fixant le pays de renvoi et tirés du défaut de motivation de la décision contestée portant refus de délivrance de titre de séjour

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que M. A, qui n'avait invoqué devant les premiers juges que des moyens tirés de la légalité interne de cette décision, n'est pas recevable à soulever, pour la première fois en appel et, au surplus, après l'expiration du délai d'appel, des moyens de légalité externe tirés du défaut de motivation de la décision de refus de titre de séjour et d'absence d'examen préalable de sa situation, qui ne sont pas d'ordre public ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. et qu'aux termes de l'article L. 411-1 du même code : Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant turc né le 23 septembre 1979, a épousé, le 27 décembre 2008, une ressortissante turque, Mme Mediha B, qui séjourne régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident valable du 25 juin 1999 au 24 juin 2009 ; qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A entre, en qualité de conjoint d'un ressortissant étranger séjournant régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois sous couvert d'un titre d'une durée de validité de plus d'un an, dans une des catégories qui ouvrent droit au regroupement familial ; qu'ainsi, M. A ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la circonstance alléguée que son épouse ne serait pas en mesure d'obtenir le regroupement familial à son bénéfice, eu égard à la faiblesse de ses ressources, est, à cet égard, sans incidence ;

Considérant, d'autre part, que M. A fait valoir qu'il vit en France depuis 2002, qu'il vivait maritalement depuis 2006 avec Mme B avant de l'épouser en décembre 2008, qu'ils ont eu ensemble un enfant, né le 16 avril 2009, et que plusieurs membres de sa famille résident régulièrement en France, pays dans lequel il est bien intégré et où il bénéficie de grandes perspectives d'insertion professionnelle ; que, toutefois, M. A, entré irrégulièrement en France à une date indéterminée, qui se situerait en 2002 selon ses déclarations, ne justifie pas de l'ancienneté alléguée de son séjour sur le territoire français ; qu'il n'a effectué aucune démarche pour régulariser sa situation avant le 27 novembre 2008 ; qu'il ne justifie pas d'une intégration particulière en France ; qu'il n'établit pas davantage l'ancienneté, ni même la réalité de sa vie maritale avec Mme B, par des attestations d'hébergement de tiers aux mentions contradictoires et dépourvues de valeur probante ; qu'au contraire, le compte rendu du premier examen médical prénatal, dressé le 14 octobre 2008, mentionne des adresses différentes pour M. A et Mme B ; qu'à la date de la décision attaquée, le mariage datait de deux mois seulement ; que leur enfant n'était pas né à la date de la décision attaquée ; que M. A n'établit pas être dépourvu de tout lien et de toute attache familiale en Turquie où il a vécu l'essentiel de son existence ; que rien ne fait obstacle à ce que M. A puisse reconstituer la cellule familiale en Turquie, avec son épouse, elle-même de nationalité turque, sans emploi, et leur enfant ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, et nonobstant les promesses d'embauche produites par ce dernier, la décision de refus de séjour du 26 février 2009 n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Considérant, en quatrième lieu, que la fille de M. A étant née le 16 avril 2009, soit postérieurement à la décision contestée portant refus de délivrance de titre de séjour, le requérant ne peut pas utilement se prévaloir des stipulations de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant à l'appui de ses conclusions dirigées contre cette décision ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français est inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède et alors que le refus de titre de séjour contesté a été signé par Jean-Claude C, secrétaire général de la préfecture de l'Yonne, qui disposait d'une délégation régulière de signature à cet effet de la part du préfet de l'Yonne, par arrêté du 15 décembre 2008 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Yonne, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de la mesure d'éloignement ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort ni des mentions de l'arrêté litigieux ni des pièces du dossier que le préfet de l'Yonne se serait estimé en situation de compétence liée pour prendre la mesure d'éloignement contestée et aurait, ainsi, commis une erreur de droit ;

Considérant, en quatrième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Considérant, en cinquième lieu, que la fille de M. A étant née le 16 avril 2009, soit postérieurement à la décision litigieuse portant obligation de quitter le territoire français, ce dernier ne peut pas utilement se prévaloir des stipulations de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant à l'encontre de cette décision ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que M. A, qui n'a pas soulevé de moyen à l'encontre de cette décision dans sa requête d'appel, n'est pas recevable à invoquer pour la première fois, dans un mémoire parvenu à la Cour le 28 mai 2010, soit postérieurement à l'expiration du délai d'appel, un défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi, l'erreur manifeste d'appréciation dont cette dernière serait entachée et l'illégalité dont elle serait entachée en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde, qui ne constituent pas des moyens d'ordre public ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Harun A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2010, à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Montsec, président assesseur,

Mme Jourdan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2010.

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N° 09LY01238


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01238
Date de la décision : 16/06/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : PLACIDE BILENDO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-16;09ly01238 ?
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