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08/06/2010 | FRANCE | N°08LY00239

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 08 juin 2010, 08LY00239


Vu la requête, enregistrée le 1er février 2008, présentée pour Mme Rénée A, domiciliée ...

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700880 en date du 20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Haute-Loire du 13 février 2007 rejetant sa réclamation dirigée contre les opérations de remembrement d'Yssingeaux ;

2°) d'annuler la décision litigieuse ;

Mme A soutient que c'est à tort q

ue le tribunal administratif a estimé qu'un chemin dont le sol lui appartient, constituait un c...

Vu la requête, enregistrée le 1er février 2008, présentée pour Mme Rénée A, domiciliée ...

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700880 en date du 20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Haute-Loire du 13 février 2007 rejetant sa réclamation dirigée contre les opérations de remembrement d'Yssingeaux ;

2°) d'annuler la décision litigieuse ;

Mme A soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'un chemin dont le sol lui appartient, constituait un chemin rural dont la suppression avait été décidée par délibération du conseil municipal du 30 avril 2004 s'imposant aux commissions de remembrement ; qu'elle justifie d'un titre de propriété ; que le cadastre est seulement un document fiscal ; qu'en tout état de cause une contestation sur la propriété doit être tranchée par la juridiction judiciaire ; que d'autre part c'est à tort qu'un chemin d'exploitation a été créé sur sa propriété ; que ce chemin n'a pas une vocation exclusivement agricole ; qu'il dessert des zones d'activité ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 mars 2009, présenté pour le département de la Haute-Loire qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le département soutient que la délibération du conseil municipal d'Yssingeaux du 30 avril 2004 est devenue définitive ; que le chemin d'exploitation dont la requérante conteste la création appartient au domaine privé de l'association foncière de remembrement ; qu'il dessert des parcelles agricoles ; que la requérante ne conteste pas que l'équilibre entre les apports et les attributions est respecté ; que le litige susceptible de l'opposer à l'association foncière de remembrement relève des juridictions judiciaires ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 octobre 2009, présenté pour Mme A qui confirme ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 mars 2010, présenté par le Département de la Haute-Loire qui confirme ses précédentes conclusions par les mêmes moyens en faisant valoir en outre qu'il appartient à l'Etat de défendre à l'instance dès lors que l'arrêté ordonnant le remembrement est intervenu avant l'entrée en vigueur de la loi du 23 février 2005 ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 mai 2010, présenté par Mme A qui confirme ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mai 2010, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche qui conclut au rejet de la requête en faisant valoir que le chemin qui traverse la propriété de la requérante est un chemin rural ; que la commission départementale d'aménagement foncier était tenue d'appliquer la délibération du conseil municipal d'Yssingeaux relative à ce chemin rural ; que le chemin d'exploitation qui a été créé en bordure de sa propriété est utile à l'exploitation agricole ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2010 :

- le rapport de M. Fontbonne, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

Considérant que la requérante a formé devant la commission départementale d'aménagement foncier une réclamation contre les opérations de remembrement prescrites sur la commune d'Yssingeaux à la suite de l'aménagement à deux fois deux voies de la RN 88 en contestant d'une part la création d'un chemin d'exploitation en bordure de sa propriété, et d'autre part, l'absence de prise en compte dans ses apports de l'emprise d'un chemin en faisant valoir qu'il fait partie de sa propriété et a été regardé à tort comme un chemin rural ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté la demande relative au chemin d'exploitation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-8 du code rural La commission communale d'aménagement foncier a qualité pour décider à l'occasion des opérations et dans leur périmètre : 1° L'établissement de tous chemins d'exploitation nécessaires pour desservir les parcelles (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ce chemin pour partie parallèle à la route nationale réaménagée, assure une fonction de desserte des parcelles agricoles situées à l'intérieur du périmètre de remembrement ; que la seule circonstance qu'il passe au débouché d'un passage souterrain aménagé sous la RN 88 qui serait aussi utilisé pour les besoins de la circulation publique n'est pas de nature à lui retirer sa vocation de desserte agricole ; qu'il appartient le cas échéant à l'association foncière de remembrement, propriétaire de ce chemin, de prendre les mesures nécessaires pour le rétablir à un seul usage agricole ; que la requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la création de ce chemin aurait été décidée par les commissions de remembrement en méconnaissance de l'article L. 123-8 précité du code rural ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté la demande relative à la prise en compte de la surface d'un chemin dans la détermination des apports :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-17 du code rural La commission communale, au cours des opérations de délimitation des ouvrages faisant partie du domaine communal, propose à l'approbation du conseil municipal l'état : 1° Des chemins ruraux susceptibles d'être supprimés, dont l'assiette peut être comprise dans le périmètre d'aménagement foncier, au titre de propriété privée de la commune ; (...) Le conseil municipal, lorsqu'il est saisi par la commission communale d'aménagement foncier de propositions tendant à la suppression de chemins ruraux ou à la modification de leur tracé ou de leur emprise, est tenu de se prononcer dans le délai de deux mois à compter de la notification qui en sera faite au maire et qui devra reproduire le texte du présent article. Ce délai expiré, le conseil municipal est réputé avoir approuvé les suppressions ou modifications demandées. (...) La création de chemins ruraux, la création et les modifications de tracé ou d'emprise des voies communales ne peuvent intervenir que sur décision expresse du conseil municipal. ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-2 du code rural : La commission fait procéder aux opérations nécessaires pour préciser la nature et l'étendue des droits de chaque propriétaire sur les parcelles soumises à l'aménagement foncier agricole et forestier et déterminer l'apport de chacun des intéressés en prenant pour base la surface cadastrale des propriétés ou, en cas de bornage ayant donné lieu à un procès-verbal, la contenance définie sur le plan de bornage publié ou sur ce procès-verbal... ;

Considérant que pour écarter la demande de la requérante le tribunal administratif a, en soulevant le moyen d'office, retenu que le conseil municipal d'Yssingeaux avait, dans sa séance du 30 avril 2004, décidé la suppression du chemin en cause ajoutant que cette délibération devenue définitive s'imposait aux commissions de remembrement ;

Considérant, d'une part, que si, comme le soutient la requérante, l'emprise de ce chemin n'était pas la propriété de la commune, cette délibération est sans portée juridique, et le moyen tiré des son intervention inopérant pour combattre le moyen de la requérante tiré de l'absence de prise en compte dans ses apports de l'emprise de ce chemin ;

Considérant, d'autre part, que ladite délibération déclare approuver les propositions de modifications à apporter au réseau des chemins ruraux, adoptés par la commission communale d'aménagement foncier dans sa séance du 11 mars 2004 ; qu'il résulte toutefois du procès-verbal de la réunion de cette commission qu'elle n'a, à aucun moment, proposé la suppression du chemin rural en cause, ni d'ailleurs d'aucun autre chemin rural ;

Considérant que la requérante est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a soulevé d'office un moyen reposant sur une erreur de droit et une erreur de fait, et qui n'étaient pas d'ordre public ; qu'ainsi les premiers juges ont sur ce point, entaché leur jugement d'irrégularité ; qu'il y a lieu d'en prononcer dans cette mesure l'annulation, d'évoquer et de statuer sur les conclusions susmentionnées de la requérante devant le tribunal administratif ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 123-2 du code rural que les apports de chaque propriétaire sont déterminés en prenant pour base les énonciations cadastrales ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les propriétaires auxquels sont opposées les mentions du cadastre en contestent l'exactitude devant les commissions de remembrement qui, autorités administratives dépourvues de caractère juridictionnel, sont tenues de se prononcer au vu des seuls éléments qui leur sont soumis ; qu'en revanche lorsqu'une telle contestation est portée devant la juridiction administrative, elle est tenue, si la contestation présente un caractère sérieux, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle de la propriété ;

Considérant que la requérante soutient que le cadastre rénové de 1970 fait apparaître par erreur l'existence d'un chemin rural traversant sa propriété ; qu'elle produit en ce sens, d'une part, une étude établie par un géomètre-expert au vu de documents cadastraux antérieurs et, d'autre part, un état des chemins ruraux établi par la commune ne comportant pas de mention du chemin en cause ; que les éléments ainsi apportés ne sont pas sérieusement contredits et soulèvent ainsi une contestation sérieuse sur la propriété du sol dudit chemin ; qu'il y a dès lors lieu pour la Cour de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle de la propriété dudit chemin ; que la requérante devra justifier avoir saisi la juridiction judiciaire dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que le moyen tiré de la rupture de l'équivalence en valeur de productivité réelle entre ses apports et ses attributions en raison de l'absence de prise en compte de l'emprise en cause dans la détermination des apports est réservé jusqu'en fin de cause ;

Considérant que les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, également être réservés jusqu'en fin de cause ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 décembre 2007 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A relatives à la prise en compte de l'emprise d'un chemin dans la détermination des apports.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la demande de Mme A relatives à la prise en compte d'un chemin dans la détermination de ses apports jusqu'à ce que la juridiction judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir si, avant les opérations de remembrement l'emprise d'un chemin traversant sa propriété se rattachait à celle-ci ou était la propriété de la commune.

Article 3 : Mme A devra justifier avoir saisi la juridiction judiciaire compétente dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A relatives à la création d'un nouveau chemin d'exploitation par les commissions de remembrement est rejeté.

Article 5 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont réservées jusqu'en fin de cause.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Renée A, au département de la Haute-Loire et au ministre de l'agriculture et de la pêche.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2010 à laquelle siégeaient :

M. Bézard, président de chambre,

M. Fontbonne, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juin 2010.

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N° 08LY00239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00239
Date de la décision : 08/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Gérard FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : GALLICE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-08;08ly00239 ?
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