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10/05/2010 | FRANCE | N°08LY02078

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 10 mai 2010, 08LY02078


Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2008, présentée pour la COMMUNE DE ROANNE, représentée par son maire en exercice, domiciliée place de l'hôtel de ville à Roanne (42300) ;

La COMMUNE DE ROANNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603666 du 3 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'avis en date du 23 mai 2006 par lequel le conseil de discipline de recours de la fonction publique territoriale de la région Rhône-Alpes a proposé de substituer à la sanction de révocation qui avait

été infligée à M. Christophe A, celle de l'exclusion de fonctions pour une du...

Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2008, présentée pour la COMMUNE DE ROANNE, représentée par son maire en exercice, domiciliée place de l'hôtel de ville à Roanne (42300) ;

La COMMUNE DE ROANNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603666 du 3 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'avis en date du 23 mai 2006 par lequel le conseil de discipline de recours de la fonction publique territoriale de la région Rhône-Alpes a proposé de substituer à la sanction de révocation qui avait été infligée à M. Christophe A, celle de l'exclusion de fonctions pour une durée de six mois ;

2°) d'annuler l'avis susmentionné ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, en ce que le tribunal, d'une part, a omis de statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du conseil de discipline de recours, en ce qu'il a été émis en considération de ce que la commune aurait tardé à réagir face à une situation qui s'était pérennisée pendant une longue période, et, d'autre part, a insuffisamment motivé son jugement, en s'abstenant d'énumérer celles des pièces versées aux débats de première instance et qu'il dit avoir examinées ;

- l'avis en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard à la fonction de responsable de la sécurité occupée par M. A, impliquant une responsabilité importante, un lien de confiance particulier avec l'exécutif, et un devoir d'exemplarité particulier, et à la gravité des fautes commises par cet agent, en détournant, à des fins personnelles et indignes, les moyens mis à sa disposition, de façon continue et massive durant plusieurs mois ou années, et en manquant ainsi à ses devoirs de probité, de loyauté et de moralité, ce comportement ayant porté une atteinte grave et irrémédiable à l'image du service qu'il dirigeait et au corps auquel il appartient ; la circonstance que la commune n'ait que tardivement découvert les agissements fautifs de M. A n'est pas de nature à atténuer leur gravité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 janvier 2010, présenté pour M. A, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la COMMUNE DE ROANNE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE ROANNE, les premiers juges ont procédé à une appréciation globale des moyens soulevés par ladite commune, et ont rejeté sa demande au regard des éléments de droit et de fait dont ils disposaient, et l'intégralité des pièces et mémoires versés par les parties ont été visés dans le jugement ;

- s'il reconnaît avoir utilisé Internet à des fins personnelles, il conteste le caractère massif et quotidien de cette utilisation, la commune confondant le temps de connexion avec le temps d'utilisation effectif d'un site ; d'autres agents qui ont également utilisé Internet à des fins personnelles n'ont pas fait l'objet d'une procédure disciplinaire ;

- les éléments de preuve recueillis contre lui l'ont été dans des conditions déloyales, dès lors que le service informatique a accédé à son dossier personnel sans qu'il en ait été informé et sans être présent et l'unité centrale de son ordinateur ayant été saisie par son employeur sans que cette saisie ait été ordonnée par une autorité judiciaire, ainsi que l'a considéré le tribunal correctionnel de Roanne dans son jugement du 9 décembre 2008 ;

- la commune ne peut invoquer un non-respect de la charte Internet, dépourvue de valeur juridique ;

- le maire de la COMMUNE DE ROANNE s'est opposé à de nombreuses reprises à ses demandes de formation ou de mutation durant la période de sa suspension ;

- la sanction de révocation est disproportionnée, eu égard aux faits reprochés, en l'absence notamment d'atteinte à l'image de la mairie ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 avril 2010 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

Considérant que M. A, attaché territorial, a été recruté par la COMMUNE DE ROANNE, à compter du 1er septembre 2002, pour y exercer des fonctions de responsable du service sécurité ; que par un arrêté, en date du 23 mars 2006, le maire de Roanne a prononcé à l'encontre de l'intéressé la sanction de la révocation, aux motifs d'une utilisation manifestement fautive et abusive de l'outil Internet, de sa qualité de chef du service de sécurité, du non-respect d'une charte des utilisateurs d'Internet, en relevant l'ancienneté des agissements, leur continuité dans le temps et leur fréquence journalière ; que le conseil de discipline de recours de la fonction publique territoriale de la région Rhône-Alpes, saisi par M. A a, par un avis du 23 mai 2006, proposé de substituer à la sanction de révocation qui avait été infligée à l'intéressé, celle de l'exclusion de fonctions pour une durée de six mois ; que la COMMUNE DE ROANNE fait appel du jugement du 3 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit avis du 23 mai 2006 ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, qu'au soutien de sa demande tendant à l'annulation, par le Tribunal administratif de Lyon, de l'avis émis le 23 mai 2006 par le conseil de discipline de recours de la fonction publique territoriale de la région Rhône-Alpes, la COMMUNE DE ROANNE s'est bornée à soutenir, ainsi qu'il résulte notamment de son mémoire introductif d'instance, que ledit avis aurait été entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que les premiers juges, qui ont rejeté cette demande au motif qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'en proposant de substituer à la sanction de la révocation celle de l'exclusion temporaire de fonctions de l'intéressé pour une durée de six mois, sanction immédiatement inférieure dans l'échelle des sanctions applicables aux agents titulaires de la fonction publique territoriale, le conseil de discipline de recours de la région Rhône-Alpes aurait, dans les circonstances de l'espèce, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, ont ainsi répondu, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE ROANNE, à l'ensemble des moyens soulevés en première instance, nonobstant la circonstance qu'ils n'ont pas expressément écarté l'argument, développé au soutien du moyen soulevé, tiré de ce que ledit conseil de discipline aurait, à tort, estimé que la commune avait tardé à réagir face à une situation qui s'était pérennisée pendant une longue période ;

Considérant, en second lieu, qu'aucune disposition du code de justice administrative ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose aux juges de première instance de viser, dans leur jugement, l'ensemble des pièces sur lesquelles ils fondent leur décision ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé à défaut pour le tribunal d'avoir énuméré celles des pièces versées aux débats de première instance et qu'il dit avoir examinées, doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision en litige :

Considérant qu'aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à six mois ; / Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, à compter du mois d'octobre 2003, s'est, à de très nombreuses reprises, et pour des durées importantes, connecté, à titre personnel, à partir du matériel informatique mis à disposition par la COMMUNE DE ROANNE pour l'exercice de son activité professionnelle, en méconnaissance au demeurant de la charte d'utilisation de l'outil Internet interdisant l'utilisation du matériel informatique à des fins personnelles, sur des sites de rencontre et à caractère pornographiques, et a procédé au stockage, sur le disque dur de son ordinateur personnel, de fichiers photographiques et vidéographiques volumineux ; que les faits ainsi constatés et établis étaient de nature à justifier légalement une sanction ; que, toutefois, en proposant de substituer à la sanction de la révocation, sanction du quatrième groupe dans l'échelle des sanctions applicables aux agents titulaires de la fonction publique territoriale en vertu des dispositions précitées de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, celle de l'exclusion temporaire de fonctions de l'intéressé pour une durée de six mois, relevant du troisième groupe, le conseil de discipline de recours de la région Rhône-Alpes n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, entaché sa proposition d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors, notamment, qu'il n'est pas allégué par la COMMUNE DE ROANNE que le comportement de M. A aurait eu des répercussions sur l'exercice normal de ses fonctions ni qu'il aurait fait, précédemment, l'objet d'une sanction disciplinaire, et nonobstant les circonstances, d'une part, qu'il a manqué gravement aux obligations déontologiques de dignité et de loyauté au service qui s'imposaient à lui, compte tenu de sa qualité de responsable du service de sécurité de la COMMUNE DE ROANNE, et, d'autre part, que, contrairement à ce qu'a estimé le conseil de discipline de recours, ladite commune n'a pas tardé à réagir lorsqu'elle a été informée du comportement fautif de M. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE ROANNE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions de M. A tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE ROANNE la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par M. A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE ROANNE est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE ROANNE versera la somme de 1 000 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE ROANNE et à M. Christophe A.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2010, à laquelle siégeaient :

M. Givord, président,

M. Seillet et Mme Pelletier, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 10 mai 2010.

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N° 08LY02078


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY02078
Date de la décision : 10/05/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. GIVORD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-10;08ly02078 ?
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