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06/05/2010 | FRANCE | N°08LY00316

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 06 mai 2010, 08LY00316


Vu la requête, enregistrée le 11 février 2008, présentée pour l'EARL DU MEILLARD, dont le siège est au Meillard à Rongères (03150) ;

L'EARL DU MEILLARD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 071186 du 6 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 265 955 euros en réparation du préjudice résultant pour elle des fautes qu'a commises le préfet de l'Allier en lui refusant des autorisations d'exploiter ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser

ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 1997 et de...

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2008, présentée pour l'EARL DU MEILLARD, dont le siège est au Meillard à Rongères (03150) ;

L'EARL DU MEILLARD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 071186 du 6 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 265 955 euros en réparation du préjudice résultant pour elle des fautes qu'a commises le préfet de l'Allier en lui refusant des autorisations d'exploiter ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 1997 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'elle a subi un préjudice du fait du premier refus d'autorisation d'exploiter qui a été opposé à Mlle A le 1er décembre 1997 et qui était fondé sur un motif illégal, ainsi que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a jugé ;

- que la décision du 24 décembre 1998 refusant, une nouvelle fois, à Mlle A l'autorisation d'exploiter, était illégale pour le même motif que celle du 1er décembre 1997 et non pas seulement en raison d'un vice de forme, et lui a également causé un préjudice ;

- que son préjudice consistant en la perte de l'exploitation des terres initialement envisagées est indéniablement lié à la faute de l'administration ; que son préjudice est constitué du préjudice d'exploitation et de celui correspondant à la perte irrémédiable de toute chance de réaliser l'opération projetée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2009, présenté par le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la requérante ne peut se prévaloir d'un préjudice subi par un tiers pour demander à être indemnisée ;

- que si le vice de procédure entachant la décision du 24 décembre 1998 constitue une faute, celle-ci n'est pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- que la requérante n'établit pas que le préfet aurait dû lui accorder l'autorisation sollicitée ; que, notamment, la circonstance que la demande d'exploitation de l'EARL requérante portait sur une surface comprise entre les trois quarts et deux fois et demie la surface minimale d'installation et que son associé exploitait une surface équivalant à sept fois cette surface minimum justifiait, à elle seule, le refus d'autorisation opposé en présence d'un jeune agriculteur en cours d'obtention de son diplôme ;

- le caractère certain de son préjudice lié à la promesse de location des terres et à leur non acquisition n'est pas établi ;

- que seule la période comprise entre le 13 octobre 2005 et le 29 mars 2006 pourrait donner lieu, le cas échéant, à indemnisation ; qu'en outre, le préjudice éventuellement subi par la SCEA des Briandets ne peut faire l'objet d'une indemnisation au profit de l'EARL DU MEILLARD ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 décembre 2009, présenté pour l'EARL DU MEILLARD qui conclut aux mêmes fins que dans sa requête susvisée par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que Mlle A est bien fondée à se prévaloir, via l'EARL dont elle est la gérante, du préjudice subi par la SCEA des Briandets ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 janvier 2010, présenté par le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche qui conclut aux mêmes fins que dans son mémoire susvisé par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 février 2010, présenté pour l'EARL DU MEILLARD qui conclut aux mêmes fins que dans ses mémoires susvisés par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2010 :

- le rapport de Mme Vinet, conseiller,

- les observations de Mme A, gérante de l'EARL DU MEILLARD,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

la parole ayant été à nouveau donnée à Mme A ;

Considérant que, le 10 octobre 1997, la SCEA des Briandets, composée de M. C et de Mlle Paule A, a demandé au préfet de l'Allier l'autorisation d'exploiter 40,06 hectares de terres appartenant à M. B et mises en valeur, depuis 1989, par M. C ; que, par un arrêté du 1er décembre 1997, le préfet a rejeté cette demande ; que, par un jugement du 12 juillet 1999, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté ; que suite à une nouvelle demande de la SCEA des Briandets, le préfet a pris un nouvel arrêté en date du 26 octobre 1999 devenu définitif, lui refusant l'autorisation d'exploiter les terres litigieuses ; que, parallèlement, l'EARL DU MEILLARD, formée par Mlle Paule A et Mme Gisèle A, a demandé l'autorisation d'exploiter les mêmes terres ; que, le 24 décembre 1998, le préfet de l'Allier a refusé de délivrer une telle autorisation ; que cette décision a été annulée, pour vice de procédure, par la Cour administrative d'appel de Lyon, par un arrêt en date du 13 octobre 2005 ; que, finalement, le préfet de l'Allier a accordé à l'EARL DU MEILLARD l'autorisation sollicitée par une décision en date du 29 mars 2006 ; que cette entreprise relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice résultant pour elle de ce qu'elle n'a pas pu mettre en valeur les terres litigieuses depuis l'arrêté du 1er décembre 1997 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-2 du code rural : I. - Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures (...) ; qu'aux termes de l'article L. 331-3 du même code : L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; (...) 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; (...) ; qu'il résulte par ailleurs du schéma directeur départemental des structures de l'Allier que l'objectif de ses orientations est notamment de limiter les agrandissements des exploitations au seuil de 2,5 surfaces minimum d'installation afin de pouvoir réaliser dans la zone considérée des installations d'un maximum d'agriculteurs sur une superficie au moins égale à ladite surface ; qu'en fonction de ces orientations, les priorités sont définies par le 1 du b) de l'article 1er du schéma directeur comme suit lorsque le bien objet de la demande a une superficie supérieure à 2,5 surfaces minimum d'installation : - installation de jeunes agriculteurs répondant aux conditions d'octroi de la dotation à l'installation des jeunes agriculteurs ; - réinstallation d'agriculteurs expropriés ou évincés âgés de moins de 55 ans ou de plus s'ils ont une succession assurée ; - autres installations compte tenu de l'âge, de la situation familiale et de la capacité professionnelle du demandeur ; ;

Considérant, d'une part, que l'EARL DU MEILLARD n'est pas fondée à invoquer, à l'appui de ses conclusions aux fins d'indemnisation de son préjudice, le préjudice qui serait résulté, pour la SCEA des Briandets, personne morale distincte et composée d'associés distincts, de l'illégalité de la décision susmentionnée du 1er décembre 1997, refusant à la SCEA des Briandets l'autorisation d'exploiter les terres appartenant à M. B ;

Considérant, d'autre part, que si toute illégalité est fautive, toute faute n'est pas de nature à engager la responsabilité de l'administration ; que, d'une part, la requérante ne se prévaut d'aucun préjudice lié à la seule irrégularité formelle commise par l'Etat lors de l'édiction de la décision du 24 décembre 1998 ; que, d'autre part, l'arrêté du 24 décembre 1998 refusant à l'EARL DU MEILLARD l'autorisation d'exploiter et annulé pour vice de forme par la présente Cour, repose sur plusieurs motifs tels que le fait que l'EARL demanderesse est composée d'un seul associé ayant le statut d'exploitant qui exploite une surface équivalente à sept fois la surface minimum d'installation, que les terres objets de la demande ont une superficie comprise entre trois quarts et deux fois et demie la surface minimum d'installation et qu'un jeune en cours d'obtention d'un diplôme d'agriculteur et susceptible d'obtenir des aides à l'installation, a également demandé l'autorisation d'exploiter les terres en cause ; qu'en se bornant à soutenir qu'aucun élément ne permet de tenir pour certaine l'obtention par ce jeune candidat de son diplôme et des aides à l'installation, l'EARL DU MEILLARD n'établit ni que sa demande d'autorisation aurait été prioritaire, ni qu'elle aurait eu un droit à obtenir l'autorisation litigieuse, alors que l'absence de possession de diplôme ne fait pas obstacle à la délivrance d'une autorisation d'exploiter et que le jeune âge du candidat concurrent pouvait légalement être retenu par le préfet comme conférant un caractère prioritaire à sa demande ; qu'il suit de là que l'EARL DU MEILLARD n'établit pas qu'en lui refusant l'autorisation d'exploiter sollicitée, l'administration aurait commis une faute lui ayant causé un préjudice ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EARL DU MEILLARD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EARL DU MEILLARD est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL DU MEILLARD et au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2010 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président,

M. Arbarétaz, premier conseiller,

Mme Vinet, conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mai 2010.

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N° 08LY00316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00316
Date de la décision : 06/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : FROEHLICH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-06;08ly00316 ?
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