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05/05/2010 | FRANCE | N°09LY01507

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 05 mai 2010, 09LY01507


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 3 juillet 2009 à la Cour et régularisée le 6 juillet 2009, présentée pour Mme Ayten A née B, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805529-0900195, en date du 24 avril 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère, du 2 juin 2008, lui refusant le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;

3°) d'

enjoindre au préfet de l'Isère, en cas d'annulation de la décision en litige pour un motif de fond...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 3 juillet 2009 à la Cour et régularisée le 6 juillet 2009, présentée pour Mme Ayten A née B, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805529-0900195, en date du 24 avril 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère, du 2 juin 2008, lui refusant le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, en cas d'annulation de la décision en litige pour un motif de fond, de faire droit à la demande d'admission au bénéfice du regroupement familial au profit de son époux et de délivrer à ce dernier un titre de séjour d'un an l'autorisant à travailler dans le délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ou, en cas d'annulation de la décision en litige pour un motif de forme, de prendre une nouvelle décision sur la demande d'admission au bénéfice du regroupement familial au profit de son époux dans le délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient qu'en se fondant sur l'existence d'un arrêté de délégation de signature sans en ordonner préalablement la production au dossier, les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire ainsi que les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe des droits de la défense ; que la décision lui refusant le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux est insuffisamment motivée ; que cette même décision a été prise par une autorité incompétente ; qu'elle remplissait toutes les conditions pour prétendre au bénéfice du regroupement familial et que, donc, cette même décision méconnaît les dispositions des articles L.411-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet ne s'est pas livré à un examen de sa situation personnelle, privée et familiale afin de vérifier s'il ne convenait pas de faire usage de son pouvoir discrétionnaire, mais s'est cru en situation de compétence liée du fait de la présence en France de son époux pour lui refuser le bénéfice du regroupement familial et que, dès lors, cette décision est entachée d'erreur de droit ; que cette même décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 avril 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que la décision du préfet de l'Isère en date du 2 juin 2008 refusant à Mme A le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux, a été signée par M. Barsacq, secrétaire général de la préfecture ; que Mme A soutient que le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance des stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du principe des droits de la défense et du principe du contradictoire, dès lors que, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision, ce jugement se fonde sur un arrêté de délégation de signature du 14 janvier 2008, alors que le préfet n'a produit aucun document justifiant d'une telle délégation ; que, toutefois, dès lors que l'arrêté du 14 janvier 2008 a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du mois de janvier 2008, et eu égard au caractère réglementaire de cet acte, les premiers juges n'ont méconnu ni les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le principe des droits de la défense, ni le principe du caractère contradictoire de la procédure en se fondant sur l'existence de cet arrêté sans en ordonner préalablement la production au dossier ; que le recours formé contre la décision en litige n'étant relatif ni à des droits et obligations de caractère civil ni à des accusations en matière pénale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;

Sur la légalité de la décision portant refus d'admission au bénéfice du regroupement familial :

Considérant, en premier lieu, que la décision du préfet de l'Isère du 2 juin 2008, refusant à Mme A le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux, a été signée par M. Barsacq, secrétaire général de la préfecture, régulièrement habilité par un arrêté de délégation de signature du 14 janvier 2008, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère du mois de janvier 2008 ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit, dès lors, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision refusant à Mme A le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux énonce les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint (...) ; qu'aux termes de l'article L. 411-6 du même code : Peut être exclu du regroupement familial : / (...) 3º Un membre de la famille résidant en France ; qu'aux termes de l'article R. 411-6 dudit code : Le bénéfice du regroupement familial ne peut être refusé à un ou plusieurs membres de la famille résidant sur le territoire français dans le cas où l'étranger qui réside régulièrement en France dans les conditions prévues aux articles R. 411-1 et R. 411-2 contracte mariage avec une personne de nationalité étrangère régulièrement autorisée à séjourner sur le territoire national sous couvert d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an. Le bénéfice du droit au regroupement familial est alors accordé sans recours à la procédure d'introduction (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, de nationalité turque, titulaire d'un certificat de résidence de 10 ans, a sollicité, le 5 février 2008, l'admission au séjour de son époux, M. Abdullah A, né le 10 octobre 1970, au titre du regroupement familial ; qu'il est constant que ce dernier résidait sur le territoire français en situation irrégulière au moment de cette demande et se trouvait ainsi au nombre des personnes qui pouvaient être exclues du bénéfice d'une mesure de regroupement familial en vertu de l'article L.411-6 susmentionné ; qu'ainsi, le préfet de l'Isère pouvait légalement, pour ce seul motif, rejeter la demande de regroupement familial présentée par Mme A ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère, qui a procédé à un examen de l'ensemble de la situation de Mme A, se soit estimé en situation de compétence liée par la circonstance que M. A résidait en France à la date de la décision en cause pour rejeter cette demande ; qu'ainsi, les moyens tirés de l'erreur de droit et de la méconnaissance des articles L.411-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Ayten A, ressortissante turque née le 26 mars 1970, est entrée en France en mars 1978 ; que, le 10 avril 2006, elle a épousé en Turquie M. Abdullah A, compatriote turc né le 10 octobre 1970, entré en France le 3 décembre 2006 ; qu'elle séjourne en France sous couvert d'un titre de séjour de 10 ans avec ses trois enfants de nationalité française issus d'une précédente relation ; qu'elle fait valoir qu'elle est en proie à de graves problèmes de santé et que la présence à ses côtés de son époux revêt, dès lors, un caractère indispensable ; que, toutefois, la décision en litige n'a pas pour effet d'imposer à la requérante de quitter la France ; qu'eu égard à la possibilité pour elle de procéder à une nouvelle demande de regroupement familial au profit de son époux, cette même décision n'a pas davantage pour effet d'induire une séparation définitive du couple ; que si la requérante se prévaut de sa situation de santé pour établir le caractère indispensable de la présence de son époux à ses côtés, il ne ressort pas des pièces médicales versées au dossier, au demeurant postérieures à la décision en litige, que son époux soit la seule personne à pouvoir lui venir en aide ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du caractère récent de la communauté de vie invoquée, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision refusant à Mme A le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Ayten A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2010 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. du Besset, président de chambre,

M. Arbaretaz, premier conseiller.

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N° 09LY01507


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01507
Date de la décision : 05/05/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : NECHADI SABRINA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-05;09ly01507 ?
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