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28/04/2010 | FRANCE | N°09LY02052

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 avril 2010, 09LY02052


Vu la requête, enregistrée le 25 août 2009 à la Cour, présentée pour M. Nourelislem A, domicilié chez M. et Mme B, ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900134, en date du 31 mars 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 7 octobre 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai,

défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui...

Vu la requête, enregistrée le 25 août 2009 à la Cour, présentée pour M. Nourelislem A, domicilié chez M. et Mme B, ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900134, en date du 31 mars 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 7 octobre 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, en cas d'annulation de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, en cas d'annulation de la seule obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous les mêmes conditions de délai ou, à titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation de la seule décision fixant le pays de destination, de lui délivrer une assignation à résidence sous les mêmes conditions de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1300 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus d'admission provisoire au séjour, dès lors que cette dernière décision, dont l'exécution a été suspendue, fait l'objet d'un recours et qu'il existe un lien direct entre les deux décisions préfectorales ; que cette même décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation du fait des attaches particulières dont le requérant justifie en France et des risques de persécution auxquels sa pratique de la religion musulmane l'expose dans son pays d'origine ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus qui la fonde ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; que la dispense de motivation de l'obligation de quitter le territoire français prévue au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issu de l'article 41 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 est contraire aux stipulations de l'article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi qu'au principe d'égalité devant les services publics et aux stipulations combinées des articles 3, 6, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette même décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité du refus qui la fonde ; que cette même décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 12 octobre 2009, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour doit être écarté dès lors que cette décision fait suite à la décision de l'OFPRA rejetant la demande d'asile du requérant ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté dès lors que M. A a vécu la majeure partie de sa vie en Tunisie, qu'il est sans enfant, que la communauté de vie qu'il forme avec son épouse présente un caractère récent, que s'il fait état de la présence en France de deux frères et d'une soeur, il n'apporte pas la preuve du lien de fraternité les unissant ; qu'en tout état de cause, ces derniers mènent leur propre vie personnelle et familiale ; que la qualité de réfugié lui a été refusée ; que le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté dès lors que cette décision n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique ; que les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas inconventionnelles ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté dès lors que M. A n'établit pas la réalité des persécutions auxquelles il déclare être exposé en cas de retour en Tunisie ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 novembre 2009, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 décembre 2009, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant tunisien, né le 8 juin 1978, est entré en France le 7 octobre 2004 ; qu'il a, le 17 juin 2008, sollicité auprès du préfet du Rhône une admission provisoire au séjour en tant que demandeur d'asile ; que le préfet du Rhône a, par une décision en date du 30 juin 2008, rejeté cette demande sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la demande d'asile de M. A, examinée selon les modalités de la procédure prioritaire, a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 août 2008, confirmée par la Cour nationale de droit d'asile, le 15 décembre 2008 ; que, par les décisions en litige du 7 octobre 2008, le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et fixé le pays de renvoi ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision par laquelle le préfet du Rhône a refusé le bénéfice de l'admission provisoire au séjour à M. A n'impliquait pas nécessairement qu'il prenne à son encontre une décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité, de ce que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour serait illégale en conséquence de l'illégalité prétendue de la décision de refus d'admission provisoire au séjour ne peut qu'être écarté comme inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. A, ressortissant tunisien, entré en France le 7 octobre 2004, selon ses déclarations, fait valoir qu'il a épousé une ressortissante algérienne titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, qu'il vit à ses côtés au domicile de ses beaux-parents, eux-mêmes en situation régulière, qu'il se trouve dans l'impossibilité de poursuivre sa vie conjugale dans son pays d'origine, pays dont son épouse n'a pas la nationalité où elle n'a aucune attache, qu'il ne peut pas bénéficier du regroupement familial en raison des faibles ressources de son épouse et, enfin qu'il a des attaches familiales sur le sol français en la personne d'un frère et d'une soeur possédant la nationalité française, ainsi que d'un frère titulaire d'une carte de résident ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la communauté de vie de M. A et de son épouse présentait, à la date de la décision en litige, un caractère très récent ; que le couple n'avait pas d'enfant ; que M. A, entré en France à l'âge de 25 ans, avait vécu la majeure partie de sa vie en Tunisie, pays où il n'était pas dépourvu d'attaches ; qu'il ne peut pas utilement se prévaloir de l'état de grossesse de sa compagne qui est postérieur à la décision en litige ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré des risques encourus en cas de retour dans le pays d'origine est inopérant à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la décision de refus de délivrance de titre de séjour n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences au regard de la situation privée et familiale de M. A ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour n'est pas fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : I.- L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que M. A ne peut pas utilement invoquer un défaut de motivation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Considérant, il est vrai, que M. A soutient que la dispense de motivation, prévue par l'article 41 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, constitue une mesure discriminatoire, contraire aux stipulations de l'article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et au principe d'égalité des services publics ainsi qu'aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combinées avec celles des articles 3, 6 et 8 de cette même convention ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le principe de non-discrimination qu'elles édictent ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus respectivement par cette convention et par les protocoles additionnels à celle-ci ou par ce pacte ; que le requérant n'invoque pas de droit ou de liberté protégés par le pacte international relatif aux droits civils et politiques dont la jouissance serait affectée par la discrimination alléguée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaîtraient les stipulations de l'article 26 du pacte est inopérant et ne peut qu'être écarté ; que M. A ne saurait faire valoir utilement à l'encontre de ces dispositions de nature législative, issues de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, que cette dispense de motivation méconnaîtrait le principe d'égalité devant les services publics ; que, d'autre part, il n'établit pas que cette dispense de motivation introduirait une discrimination au sens de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, affectant un droit ou une liberté protégés par l'article 8 de cette même convention ou constituerait un traitement dégradant au sens de l'article 3 de ladite convention ; qu'il ne saurait, enfin, utilement invoquer les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui ne sont pas applicables aux procédures administratives ;

Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; que ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que M. A fait valoir les risques de persécution auxquels l'expose sa pratique de la religion musulmane dans le contexte de surveillance et de répression prévalant depuis 2003 en Tunisie à l'encontre des groupes religieux ; qu'il soutient que des membres de sa famille demeurés en Tunisie ont été interrogés par les autorités policières tunisiennes sur ses fréquentations religieuses, et produit, à l'appui de ces allégations, trois convocations émanant des services de police d'El Alia en date d'août 2008 ; que, toutefois, ces éléments ne sauraient suffire à caractériser la réalité des risques invoqués par M. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Nourelislem A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2010 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

Mme Serre, présidente de chambre,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 avril 2010.

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N° 09LY02052


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02052
Date de la décision : 28/04/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : COUDERC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-04-28;09ly02052 ?
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