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17/03/2010 | FRANCE | N°09LY02061

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 4ème chambre, 17 mars 2010, 09LY02061


Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon les 27 août et 2 septembre 2009, présentés pour M. Erhan A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905212 en date du 25 août 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 21 août 2009, par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière, a fixé la Turquie comme pays de destination de la recond

uite et l'a placé en rétention administrative ;

2°) d'annuler les décisions susme...

Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon les 27 août et 2 septembre 2009, présentés pour M. Erhan A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905212 en date du 25 août 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 21 août 2009, par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière, a fixé la Turquie comme pays de destination de la reconduite et l'a placé en rétention administrative ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Il soutient que le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne comporte aucune motivation de fait ou de droit, ni même aucun visa de disposition législative ou réglementaire ; que les décisions contestées sont entachées d'incompétence et insuffisamment motivées ; qu'il ne comprend pas le français et qu'il s'est vu notifier trois décisions du préfet de la Haute-Savoie sans qu'un interprète ne l'informe des motifs de ces décisions, ni de ses droits en vue de contester celles-ci ; que les décisions attaquées portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard au fait que sa concubine et les quatre enfants de celle-ci, dont il contribue à l'entretien, sont en France ; que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il encourt une lourde peine d'emprisonnement en cas de retour en Turquie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mars 2010 :

- le rapport de M. du Besset, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-14 du code justice administrative Le jugement est prononcé à l'audience si l'étranger est retenu, au jour de celle-ci, par l'autorité administrative ou s'il l'était lorsqu'il a formé son recours. ; qu'aux termes de l'article R. 776-15 du même code : Le jugement comporte, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les mentions prévues aux articles R. 741-2, R. 741-3 et R. 741-6. ; qu'aux termes de l'article R. 741-2 du même code : La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus. / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. / La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée ; qu'aux termes de l'article R. 776-17 du même code : Le dispositif du jugement prononcé dans les conditions prévues à l'article R. 776-14, assorti de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1, est communiqué sur place aux parties présentes à l'audience qui en accusent aussitôt réception. / S'il ne l'a pas été sur place, le jugement est notifié sans délai et par tous moyens aux parties qui en accusent réception (...) ;

Considérant que M. A soutient que le jugement contesté est irrégulier au motif qu'il ne comporte ni motivation de fait ou de droit, ni aucun visa de disposition législative ou réglementaire ; que s'il produit à l'appui de ce moyen le dispositif du jugement qui lui a été communiqué en application des dispositions précitées de l'article R. 776-17 du code de justice administrative, il ressort des pièces du dossier que ce jugement, qui lui a été notifié deux jours plus tard au centre de rétention administrative de Lyon Saint-Exupéry, comporte les mentions prévues à l'article R. 776-15 du code de justice administrative ; que, par suite, le moyen susanalysé doit être écarté ;

Sur la légalité des décisions du préfet de la Haute-Savoie en date du 21 août 2009 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les services de police helvétiques ont interpellé M. A, ressortissant de la Turquie, le 20 août 2009 alors qu'il avait pénétré clandestinement en Suisse en provenance de la France ; que celui-ci a été remis aux autorités françaises et que, le lendemain, le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière, a fixé la Turquie comme pays de destination de la reconduite et l'a placé en rétention administrative ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A n'était pas titulaire d'un visa l'autorisant à entrer en France, ni d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la décision en litige ; qu'ainsi, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que M. A soutient que les décisions contestées ont été signées par une autorité incompétente ; que toutefois, M. Gérard B, sous-préfet de Bonneville, qui a signé les décisions du 21 août 2009, avait reçu délégation à cet effet par arrêté n° 2009-2097 du 22 juillet 2009 du secrétaire général chargé par intérim de l'administration de l'Etat dans le département, régulièrement publié ; qu'ainsi le moyen susanalysé doit être écarté ;

Considérant que les décisions du 21 août 2009 portant reconduite à destination de la Turquie et placement en rétention administrative de M. A comportent les considérations de droit et fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré de leur insuffisante motivation doit, dès lors, être écarté ;

Considérant que si M. A soutient qu'il ne comprend pas le français et qu'il s'est vu notifier trois décisions du préfet de la Haute-Savoie sans qu'un interprète ne l'informe des motifs de ces décisions, ni de ses droits en vue de contester celles-ci, il ressort toutefois des procès verbaux de police judiciaire des 20 et 21 août 2009 qu'il a déclaré aux services de police comprendre et lire le français et qu'il s'est vu notifier les décisions du 21 août 2009 ordonnant sa reconduite à destination de la Turquie et son placement en rétention administrative ainsi que ses droits en vue de contester celles-ci, droits qu'il a pu exercer par la suite en introduisant un recours devant le Tribunal administratif de Lyon ; que le moyen tiré d'un vice de procédure doit, dès lors, être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si le requérant fait valoir qu'il vit depuis près d'un an avec Mme C, qu'il projette de l'épouser l'année prochaine et qu'il contribue à l'entretien de sa compagne et des quatre enfants de celle-ci grâce aux revenus de son travail, la communauté de vie entre M. A et Mme C, à la supposer établie, a un caractère très récent et la seule production d'un contrat de travail à durée déterminée arrivant à terme le 21 août 2009et d'un bulletin de salaire mentionnant un salaire net de 131,27 euros pour la période du mois de juillet 2009, ne suffit pas à justifier qu'il participe à l'entretien de celle-ci et de ses quatre enfants ; que, par ailleurs, M. A a conservé des attaches familiales en Turquie où résident notamment ses parents ; que, dans ces conditions, la décision de le reconduire à la frontière ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la violation, par cette décision, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que M. A soutient qu'ayant tenu un commerce en Turquie il a, en raison des difficultés rencontrées à cette occasion, émis des chèques sans provision et il fait valoir que, de ce fait, il encourt dans ce pays une lourde peine d'emprisonnement ; que toutefois il n'apporte aucune précision ou élément de preuve ni au sujet de cette activité, ni au sujet des infractions qu'il aurait commises en l'exerçant ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant la Turquie comme pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre, le préfet de la Haute-Savoie aurait méconnu les dispositions et stipulations précitées doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Erhan A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Haute Savoie.

Lu en audience publique, le 17 mars 2010.

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N° 09LY02061


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY02061
Date de la décision : 17/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SCP LAGOUTTE SEBASTIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-03-17;09ly02061 ?
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