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03/03/2010 | FRANCE | N°09LY01447

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 03 mars 2010, 09LY01447


Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2009 à la Cour, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901274, en date du 19 mai 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 3 février 2009 par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Haikel A et sa décision du même jour faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, lui a enjoint de délivrer à M. A, dans un délai de deux mois, un titre de séjour portant la men

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Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2009 à la Cour, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901274, en date du 19 mai 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 3 février 2009 par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Haikel A et sa décision du même jour faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, lui a enjoint de délivrer à M. A, dans un délai de deux mois, un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale et l'a condamné à verser à l'avocat de l'intéressé une somme de 800 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ledit avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de M. Haikel A la somme de 1000 euros, au profit de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les premiers juges ont fondé leur décision sur des faits matériellement inexacts dès lors que ni l'existence de liens intenses entre M. A et sa famille, ni même la régularité du séjour des membres de sa famille, ne sont démontrées ; que M. A ne pouvait pas revendiquer un droit au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il avait la possibilité de venir en France sous couvert du regroupement familial ; que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. A dès lors que l'entrée en France de M. A, de même que son mariage et la naissance de son enfant, sont récents et que l'intéressé ne démontre pas être dans l'impossibilité de mener une vie familiale normale dans son pays d'origine, où il a vécu pendant longtemps et où demeurent ses parents, ses frères et ses soeurs ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 15 février 2010, le mémoire présenté pour M. A qui tend au rejet de la requête du préfet du Rhône, à la confirmation du jugement rendu par le Tribunal administratif de Lyon, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de délivrer un titre de séjour à M. A dans les trente jours de l'arrêt, et, enfin, à ce que l'Etat soit condamné à payer respectivement les sommes de 1000 euros et 200 euros au conseil de M. A et à ce dernier en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient qu'un titre de séjour aurait dû lui être délivré sur le fondement du 7° de l'article L. 311-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision refusant de délivrer un titre de séjour a violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

En ce qui concerne l'annulation prononcée par les premiers juges :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant tunisien né le 16 mars 1980, est entré régulièrement sur le territoire français le 11 novembre 2006, sous couvert d'un visa de court séjour, et s'y est maintenu en situation irrégulière ; qu'avant d'entrer en France, il avait épousé, le 3 août 2006, une compatriote, entrée en France le 29 août 2002 et titulaire d'une carte de résident de dix ans valable jusqu'au 18 septembre 2013, avec laquelle il a eu un enfant, né le 13 septembre 2007 ; que, quand bien même il produit les photocopies des cartes d'identité françaises ou des cartes de résident de dix ans, en cours de validité, dont sont titulaires ses grands-parents paternels et quelques uns de ses parents collatéraux vivant en France, ses liens sont plus faibles avec la France, où il était présent depuis deux ans et deux mois seulement à la date de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, qu'avec la Tunisie où il est né, où il a vécu jusqu'à son entrée en France, à l'âge de 26 ans, et où il a conservé des attaches familiales ; que M. A et son épouse ne pouvaient pas ignorer, dès le début de leur relation, que leurs perspectives communes d'établissement en France étaient incertaines puisque M. A résidait en Tunisie, où le mariage a été célébré, et n'était pas autorisé à séjourner sur le territoire français ; qu'en mettant les autorités françaises devant le fait accompli de sa présence en France, M. A n'a acquis aucun droit au séjour ; qu'au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme A se heurteraient à un obstacle insurmontable les empêchant de développer une vie familiale en Tunisie, pays dont ils ont tous deux la nationalité ; qu'ainsi, nonobstant la présence en France de son épouse, de même nationalité, qui était titulaire d'un titre de séjour de dix ans, et de leur enfant, et eu égard à la nécessité pour la France de faire respecter sa législation sur l'entrée et le séjour des étrangers afin de maîtriser les flux migratoires, notamment celle relative au regroupement familial dans le champ de laquelle entre M. A, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant à ce dernier la délivrance du titre de séjour sollicité, le PREFET DU RHONE ait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, sa décision du 3 février 2009 par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A, tant devant le Tribunal administratif de Lyon que devant la Cour ;

En ce qui concerne la légalité du refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ; que M. A, dont l'épouse est titulaire d'une carte de résident, entre dans une catégorie ouvrant droit au regroupement familial ; qu'il ne peut, par suite, pas se prévaloir utilement d'une violation des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le champ desquelles il n'entre pas ;

Considérant, en deuxième lieu, que, comme il a été indiqué ci-dessus, M. A n'est pas fondé à se prévaloir d'une prétendue violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, la décision du PREFET n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) et qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : la commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-1 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (... ) ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les ressortissants étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que M. A n'entrait pas dans le champ d'application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le PREFET DU RHONE n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour ;

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1er alinéa du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, publiée au journal officiel le 21 novembre 2007 : I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. ; qu'il résulte de ces dispositions que la mesure contestée n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas motivée est, dès lors, inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été retenus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de délivrance de titre de séjour, les moyens tirés de la violation, par cette mesure, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des mentions de l'arrêté contesté que le PREFET DU RHONE se soit estimé en situation de compétence liée pour prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. A ; que, par suite, il n'a pas commis d'erreur de droit sur ce point ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, et plus particulièrement les droits de la défense, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français

Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de ce qui a été indiqué dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour que ce refus est légal ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de la mesure d'éloignement ;

Considérant, enfin, que le préfet pouvait tenir compte, au titre des motifs poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que M. A ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du Tribunal administratif de Lyon, en date du 19 mai 2009 et qu'il y a lieu de rejeter la demande présenté par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon, ainsi que le surplus des conclusions d'appel de M. A ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du PREFET DU RHONE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0901274 du Tribunal administratif de Lyon, en date du 19 mai 2009, est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif ainsi que le surplus des conclusions d'appel de ce dernier, et les conclusions du PREFET DU RHONE, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à M. Haikel A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 17 février 2010 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Bernault, président de chambre

M. Montsec, président assesseur.

Lu en audience publique, le 3 mars 2010.

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N° 09LY01447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01447
Date de la décision : 03/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-03-03;09ly01447 ?
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