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11/02/2010 | FRANCE | N°08LY00792

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 février 2010, 08LY00792


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 7 avril 2008 à la Cour, régularisée le 8 avril 2008, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) GORGE DE LOUP, ayant son siège social 65 rue Gorge de Loup à Lyon (69009), représentée par sa gérante ;

La SARL GORGE DE LOUP demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505520, en date du 15 janvier 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à son nom au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2001 et

des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 7 avril 2008 à la Cour, régularisée le 8 avril 2008, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) GORGE DE LOUP, ayant son siège social 65 rue Gorge de Loup à Lyon (69009), représentée par sa gérante ;

La SARL GORGE DE LOUP demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505520, en date du 15 janvier 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à son nom au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2001 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que l'administration aurait dû, dans la logique de la position du vérificateur, invoquer un abus de droit ; que le rehaussement est fondé implicitement sur la notion d'abus de droit ; que la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, et notamment la possibilité de requérir l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit, n'a pas été respectée en l'espèce ;

- que la SARL GORGE DE LOUP a conclu le 15 janvier 2001 une convention de commercialisation avec la société de transaction immobilière Consultim Finance en vue de la cession à des investisseurs privés de 83 lots correspondant à des chambres d'un ensemble immobilier à usage de maison de retraite par l'intermédiaire d'une société de transaction immobilière ; que cette convention stipulait qu'une commission de commercialisation de 15,5 % du montant total de la vente des chambres, fixé à 32 784 000 francs hors taxes, serait à la charge de la SARL GORGE DE LOUP, qui était le mandant ; que, toutefois, s'agissant des ventes conclues avec des loueurs en meublés professionnels, les actes notariés opérant le transfert des biens en cause, en date du 29 décembre 2001, ont retenu le prix initial, diminué d'une commission de 14 % qui a été versée directement par les acquéreurs à la société Consultim Finance ; qu'au titre de son chiffre d'affaires de 2001, la SARL GORGE DE LOUP a déclaré la somme de 32 784 000 francs et a acquitté la taxe sur la valeur ajoutée sur ce montant ; qu'elle a par ailleurs déduit la taxe sur la valeur ajoutée, pour un montant de 121 455 euros, grevant la commission revenant à la société Consultim Finance ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont la SARL GORGE DE LOUP a fait l'objet, l'administration a remis en cause cette déduction en raison de ce que la société requérante n'était pas en possession de factures correspondant aux commissions dues à Consultim Finance, et lui a notifié, le 27 mai 2003 un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 121 455 euros, assortis des intérêts de retard et de la majoration pour mauvaise foi ; que c'est à tort que le vérificateur, le directeur des services fiscaux et, enfin le Tribunal administratif de Lyon, ont refusé que ce rappel soit compensé avec l'excédent de versement de taxe procédant de la surévaluation du prix de vente déclaré par rapport au produit réellement encaissé ;

- que la société Consultim Finance a modifié unilatéralement les conditions de sa rémunération en insérant une clause négociation dans les actes de vente, lesquels prévoient que ses honoraires sont à la charge de l'acquéreur ;

- qu'il y a lieu de déterminer l'assiette taxable en fonction du prix de vente effectif figurant dans les actes de vente ; qu'il n'y a pas lieu d'y substituer la valeur vénale ; que les conditions permettant à l'administration d'opérer cette substitution, prévue au 2 b de l'article 266 du code général des impôts sont appréciées très restrictivement par la jurisprudence et par la doctrine administrative ;

- que les commissions d'intermédiaires, versées directement à ceux-ci par les acquéreurs loueurs en meublés professionnels, n'ont pas en l'espèce constitué une charge augmentative du prix de vente des biens en cause ;

- que les majorations pour mauvaise foi ne sont pas justifiées, l'intention d'éluder l'impôt n'étant pas établie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir :

- que l'administration a correctement appliqué les dispositions combinées des articles 257 (7°) et 266 du code général des impôts ; qu'à aucun moment l'administration n'a entendu substituer une valeur vénale au prix réel de cession augmenté des charges ; qu'elle a à juste titre retenu le prix de vente des appartements en cause, majoré des commissions payées par les acquéreurs ;

- que les prix de cession figurant dans les actes ont été diminués des commissions de commercialisation ; que la société n'établit pas que la société Consultim Finance aurait modifié unilatéralement les conditions de sa rémunération en insérant à son insu une clause négociation dans les actes de vente, lesquels prévoient que ses honoraires sont à la charge de l'acquéreur ; que le mandat de commercialisation mettait contractuellement les commissions versées à Consultim Finance à la charge de la société requérante ; que c'est donc la SARL GORGE DE LOUP qui est redevable de la commission de 15,5 % versée en contrepartie des prestations réalisées à son profit par le mandataire ; que les commissions d'intermédiaires ont donc bien constitué une charge augmentative du prix de vente des biens en cause ;

- que l'administration n'a à aucun moment invoqué l'abus de droit ; qu'elle n'a remis en cause aucun acte ni contrat passé par la SARL GORGE DE LOUP ;

- que l'application des majorations exclusives de la bonne foi est justifiée en l'espèce ; que la société a reconnu que les loueurs en meublés professionnels avaient fait l'objet d'un traitement particulier ; qu'elle a bien été informée de la modification des contrats initiaux en ce qui concerne le débiteur des commissions d'intermédiaire ; qu'elle ne pouvait ignorer au 31 décembre 2001 qu'elle n'avait pas acquitté la taxe sur la valeur ajoutée dont elle pratiquait la déduction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2010 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- et les conclusions de M. Raisson, rapporteur public ;

Considérant que la SA GORGE DE LOUP, créée le 14 mars 1997, a conclu le 15 janvier 2001 une convention de commercialisation avec la société de transaction immobilière Consultim Finance, en vue de la cession à des investisseurs privés de 83 lots correspondant à des chambres d'un ensemble immobilier à usage de maison de retraite par l'intermédiaire d'une société de transaction immobilière ; que cette convention stipulait qu'une commission de commercialisation de 15,5 % du montant total de la vente des chambres, fixé à 32 784 000 francs hors taxes, serait à la charge de la SA GORGE DE LOUP, qui était le mandant ; que, toutefois, s'agissant des ventes conclues avec des loueurs en meublés professionnels, les actes notariés opérant le transfert des biens en cause, en date du 29 décembre 2001, ont retenu le prix initial, diminué d'une commission de 14 % qui a été versée directement par les acquéreurs à la société Consultim Finance ; qu'au titre de son chiffre d'affaires de 2001, la SA GORGE DE LOUP a déclaré la somme de 32 784 000 francs et a acquitté la taxe sur la valeur ajoutée sur ce montant ; qu'elle a par ailleurs déduit la taxe sur la valeur ajoutée, pour un montant de 121 455 euros, grevant la commission revenant à la société Consultim Finance ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont la SA GORGE DE LOUP a fait l'objet, l'administration a remis en cause cette déduction en raison de ce que la société requérante n'était pas en possession de factures correspondant aux commissions dues à Consultim Finance, et lui a notifié, le 27 mai 2003 un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 121 455 euros, assortis des intérêts de retard et de la majoration pour mauvaise foi ; que la SA GORGE DE LOUP, qui n'a pas contesté ce redressement, a demandé, sans succès, pendant le contrôle, par lettre du 25 juin 2003, qu'il soit compensé avec ce qu'elle estimait constituer un excédent de versement de taxe procédant de la surévaluation du prix de vente déclaré par rapport au produit réellement encaissé ; que, le rappel procédant de ce redressement ayant été mis en recouvrement le 12 février 2004, elle a porté le litige, sans succès, devant le directeur des services fiscaux, puis devant le Tribunal administratif de Lyon ; qu'elle fait appel du jugement en date du 15 janvier 2008 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin de compensation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts : Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles (...) ; qu'aux termes de l'article 266 du même code : 1. La base d'imposition est constituée (...) 2. En ce qui concerne les opérations entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : (...) b) pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société sur : - le prix de la cession, le montant de l'indemnité ou la valeur des droits sociaux rémunérant l'apport, augmenté des charges qui s'y ajoutent ; - la valeur vénale réelle des biens, établie dans les conditions prévues à l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales, si cette valeur vénale est supérieure au prix, au montant de l'indemnité ou à la valeur des droits sociaux, augmenté des charges. (...) ; que les frais normalement inclus dans le coût d'une opération et qui sont payés directement par le client, en l'acquit du fournisseur de biens ou du prestataire de services, entre les mains d'un tiers sont à comprendre dans la base d'imposition ; qu'il en est de même pour les commissions versées à des intermédiaires ; que, toutefois, n'ont pas à être compris dans ce prix les frais à la charge de l'acheteur qui sont réglés directement par ses soins ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des actes notariés passés en décembre 2001 relatifs aux ventes litigieuses, que le prix global de l'opération payé à la SA GORGE DE LOUP par les acquéreurs de lots est de 28 719 241 francs ; que ces mêmes actes stipulaient que la commission d'intermédiaire due à la société Consultim Finance était à la charge des acquéreurs ; qu'ainsi, comme elle l'affirme à juste titre, cette commission ne s'analyse pas en une charge augmentative du prix payé à la SA GORGE DE LOUP ; que c'est donc à tort que cette société a déclaré un chiffre d'affaires de 32 784 000 francs au titre des opérations en cause, et que le service des impôts a refusé de prendre en compte la réduction de base à laquelle elle avait droit ; que la circonstance que sa bonne foi ne serait pas établie et le fait que la convention de commercialisation avec la société Consultim Finance comportait des stipulations différentes en ce qui concerne le débiteur de la commission d'intermédiaire demeurent sans incidence sur l'analyse qui précède ; qu'il en va de même de la circonstance - au demeurant non établie, et que l'administration, qui n'a pas usé de la procédure de l'abus de droit, ne peut régulièrement invoquer - que le changement des dispositions sur ce point procèderait d'un montage ; que la SA GORGE DE LOUP est donc fondée, en invoquant le droit de compensation prévu à l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, à demander la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge en fonction d'une réduction de 4 074 359 francs de son chiffre d'affaires taxable au titre de 2001 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA GORGE DE LOUP est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à son nom au titre de l'année 2001 à hauteur de 121 455 euros en droits simples et des pénalités y afférentes ;

Sur les conclusions à fins d'application des dispoitions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat au profit de la SA GORGE DE LOUP la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0505520 en date du 15 janvier 2008 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La SA GORGE DE LOUP est déchargée du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à son nom au titre de l'année 2001 à hauteur de 121 455 euros en droits simples, ainsi que des pénalités y afférentes.

Article 3 : L'Etat versera à la SA GORGE DE LOUP la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA GORGE DE LOUP et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2010 à laquelle siégeaient :

M. Bernault, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 février 2010.

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N° 08LY00792


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00792
Date de la décision : 11/02/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : DELSOL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-02-11;08ly00792 ?
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