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03/02/2010 | FRANCE | N°09LY01588

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 2ème chambre, 03 février 2010, 09LY01588


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 10 juillet 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903499 du 15 juin 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 12 juin 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Omar A, ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de l'intéressé et le maintenant en rétention administrative ;

2°) de mettre à la

charge de M. Omar A la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'artic...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 10 juillet 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903499 du 15 juin 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 12 juin 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Omar A, ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de l'intéressé et le maintenant en rétention administrative ;

2°) de mettre à la charge de M. Omar A la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le tribunal administratif a fondé sa décision sur des faits inexacts dès lors qu'il n'est pas établi que M. A réside de façon habituelle sur le territoire français depuis le début de l'année 2003 ; que l'intéressé entrait dans le champ d'application du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les décisions contestées n'ont pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que, par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en les prenant ; que Mme A, en situation régulière en France, peut solliciter le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 16 septembre 2009, présenté pour M. Omar A, domicilié ..., qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'il est entré régulièrement en France le 2 mars 2002 sous couvert d'un visa Schengen, ce qui est démontré par la production de photocopies de son passeport, et que sa présence continue en France à partir de cette date est établie par plusieurs attestations émanant de personnes proches ; que le préfet doit vérifier, avant de faire application des dispositions du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'aucune atteinte n'est portée au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale ; qu'en l'espèce, la décision de reconduite à la frontière est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que contrairement à ce que prétend le préfet, il n'entre pas dans la catégorie des étrangers pouvant bénéficier de manière certaine du regroupement familial ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2010 :

- le rapport de M. Chanel, président ;

- les observations de Me Bouquin ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté du 12 juin 2009 du PREFET DU RHONE ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, de nationalité algérienne, et, par voie de conséquence, les décisions du même jour fixant la destination de la reconduite et maintenant en rétention administrative l'intéressé, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que, dans les circonstances de l'espèce, la mesure d'éloignement visant M. A a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a donc méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que le PREFET DU RHONE soutient que le tribunal administratif a fondé sa décision sur des faits inexacts dès lors qu'il n'est pas établi que M. A réside de façon habituelle sur le territoire français depuis le début de l'année 2003 ; qu'il ressort d'un procès-verbal dressé le 12 juin 2009 par un agent de police judiciaire à la suite de l'audition de M. A que ce dernier déclare, d'abord, être entré en France en 2002 et y être resté six mois, ensuite, être parti en Italie pendant cinq mois pour voir son demi-frère, enfin, être revenu en France au début de l'année 2003 où il s'est maintenu jusqu'à la date de la décision attaquée ; que l'intéressé produit des copies de pages de son passeport valable du 7 août 2000 au 6 août 2005 et revêtu d'un visa de trente jours à entrées multiples valable du 19 décembre 2001 au 18 juin 2002 ; que les tampons qui figurent sur les copies du passeport ne permettent pas d'établir avec certitude que l'intéressé est entré en France en 2002 ; que, par ailleurs, l'épouse de M. A déclare, dans un questionnaire rempli le 10 juillet 2006 lors d'une demande de titre de séjour, que son mari était à cette date en Algérie ; que l'avis de non imposition sur les revenus de 2007 établi au nom des deux époux par l'intéressé ne permet pas d'établir la présence de M. A sur le territoire français aux côtés de son épouse à compter du 1er janvier 2008 ; que, par suite, il est impossible d'établir avec certitude quand M. A est entré en France pour la dernière fois en vue de rejoindre son épouse ; qu'ainsi, l'intéressé n'établit pas qu'il vit de manière régulière en France depuis 2003 auprès de son épouse ;

Considérant toutefois que l'épouse de M. A, avec laquelle il s'est marié en Algérie en 1996, est présente en France depuis 2002, est titulaire d'un certificat de résidence d'un an régulièrement renouvelé depuis septembre 2006 et occupe un emploi salarié ; que le couple vit avec ses trois enfants, Sofiane, Saliha et Mohamed, respectivement nés en 1997, 2001 et 2008 ; que les deux enfants les plus âgés sont scolarisés en France, respectivement depuis 2002 et 2004 ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé ; que, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, en prenant à l'encontre de M. A, le 12 juin 2009, un arrêté de reconduite à la frontière, le PREFET DU RHONE a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs de la mesure de police ; qu'il a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 12 juin 2009 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. A, et, par voie de conséquence, les décisions du même jour fixant la destination de la reconduite et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit du PREFET DU RHONE, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat à verser une somme au profit de M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DU RHONE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Omar A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au PREFET DU RHONE.

Lu en audience publique, le 3 février 2010.

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N° 09LY01588

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY01588
Date de la décision : 03/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-02-03;09ly01588 ?
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