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03/02/2010 | FRANCE | N°09LY01363

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 2ème chambre, 03 février 2010, 09LY01363


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 18 juin 2009, présentée pour Mme Hélène A, domiciliée ...

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903011 en date du 22 mai 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2009, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière et des décisions distinctes du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination d

e la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'ann...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 18 juin 2009, présentée pour Mme Hélène A, domiciliée ...

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903011 en date du 22 mai 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2009, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière et des décisions distinctes du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler les décisions ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Elle soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière n'a pas de base légale et est contraire, d'une part, aux dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet de la Haute-Savoie a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ; que la décision désignant le pays de destination de la reconduite est privée de base légale dès lors que l'arrêté de reconduite à la frontière est illégal, et est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 janvier 2010, présenté par le préfet de la Haute-Savoie, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient, à titre principal, que la requête de Mme A est irrecevable dès lors que celle-ci reprend en appel, sans apporter d'argumentation nouvelle, les moyens qu'elle a présentés en première instance ; à titre subsidiaire, que la requérante entrait dans le champ d'application des 1° et 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard à ses effets sur sa situation personnelle ; qu'il n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant une mesure d'éloignement à l'encontre de Mme A ; qu'il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant la République Démocratique du Congo comme pays de destination de la reconduite ; que la décision fixant le pays de renvoi n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard à ses effets sur sa situation personnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir, au cours de l'audience publique du 20 janvier 2010, donné lecture de son rapport et entendu les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les services de police helvétiques ont interpellé Mme A, ressortissante de la République Démocratique du Congo, le 18 mai 2009 alors qu'elle avait pénétré clandestinement en Suisse en provenance de la France ; que celle-ci a été remise aux autorités françaises et a fait l'objet, le lendemain, d'un arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet de la Haute-Savoie ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :

Sur la décision ordonnant la reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;

Considérant que si Mme A fait valoir qu'elle vit en France depuis 2007, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'était pas titulaire d'un visa l'autorisant à entrer en France, ni d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la décision attaquée ; que, par suite, la requérante entrait dans le champ d'application du 1° du II de l'article L. 511-1 précité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que Mme A, née le 23 novembre 1978, fait valoir qu'elle vit en France depuis plus de deux ans à la date de la mesure d'éloignement, qu'elle est parfaitement intégrée dans la société française et qu'elle dispose d'une promesse d'embauche dans une entreprise de nettoyage ; que toutefois, compte tenu de la faible durée de sa présence sur le territoire français et du fait qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où vivent sa mère et ses deux enfants, ces circonstances ne sont, en tout état de cause, pas de nature à établir que la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le préfet de la Haute-Savoie n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ordonnant sa reconduite à la frontière ; que la décision contestée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; (...) ;

Considérant que si Mme A fait valoir qu'elle souffre de problèmes respiratoires, neurologiques et cardiaques et qu'elle est régulièrement suivie par le Centre hospitalier de la région d'Annecy pour traiter ces problèmes de santé, la production par la requérante, d'une part, de plusieurs convocations à des rendez-vous avec des praticiens hospitaliers sans autre précision que les noms du docteur et du service chargés des soins, d'autre part, d'une ordonnance prescrivant du solupred et du bécotide, et enfin de résultats d'analyses bactériologiques des voies respiratoires mettant en évidence la présence de germes pouvant être en cause dans des infections respiratoires, ne suffit pas à établir que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, la République Démocratique du Congo ; que le préfet de la Haute-Savoie n'a, ainsi, pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 19 mai 2009 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière est illégal et, par suite, à en demander l'annulation ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination

Considérant, en premier lieu, que pour contester la décision fixant le pays de destination, Mme A excipe de l'illégalité de la décision ordonnant sa reconduite à la frontière ; que les moyens tirés de l'illégalité de cette dernière décision ayant été écartés, ce moyen doit être également écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que Mme A fait valoir qu'elle appartient au mouvement Bundu Dia Kongo (BDK), mouvement politico-religieux d'opposition aux autorités congolaises, dont ses parents sont membres ; que, militant au sein de la cellule de Matete où son mari occupait la fonction de sage, elle a participé le 30 juin 2006 à la manifestation de commémoration du quarantième anniversaire de l'indépendance du pays, laquelle a été réprimée dans le sang par les forces armées ; que la traque et la persécution des membres du BDK par les autorités congolaises se sont accentuées après les troubles de janvier 2007 et les affrontements d'avril 2007 à Kinshasa entre la milice de Jean-Pierre Bemba et la garde républicaine de Joseph Kabila ; que son mari a été assassiné en juin 2007 ; qu'elle soutient encore que son domicile a été perquisitionné le 24 juin 2007 par des agents de renseignement et qu'elle est activement recherchée dans son pays d'origine, pour activité subversive et atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat ; que, toutefois, l'appartenance de la requérante au mouvement BDK n'est pas établie de manière probante par la seule carte de membre versée au dossier, alors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans sa décision du 11 janvier 2008, a estimé inconsistantes ses déclarations orales sur son engagement au sein de ce mouvement, dont elle ignore manifestement les buts ainsi que l'organisation interne ; que le certificat de décès de Willy B, époux de Mme A, daté du 21 juin 2007, produit devant la Cour, ne renseigne pas sur les circonstances de sa mort et ne prouve pas que celle-ci résulte d'un assassinat perpétré par les autorités congolaises en raison d'une appartenance au BDK ; que la convocation priant la requérante de se présenter le 24 juillet 2008 au cabinet de M. C, inspecteur de police judiciaire, et l'avis de recherche la concernant établi le 4 août 2008 par le parquet général, présentées comme des pièces nouvelles produites par l'intéressée à l'appui de sa nouvelle demande d'admission au bénéfice de l'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en octobre 2008, ne présentent pas de garanties d'authenticité suffisantes et sont insuffisantes pour établir, de manière probante, la réalité et l'actualité des risques encourus par Mme A en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant la République Démocratique du Congo comme pays de destination de la reconduite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme A aux fins d'annulation de la décision désignant le pays de destination doivent être rejetées ; que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Lu en audience publique, le 3 février 2010.

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N° 09LY01363


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY01363
Date de la décision : 03/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-02-03;09ly01363 ?
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