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28/01/2010 | FRANCE | N°08LY02059

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2010, 08LY02059


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre 2008 et 6 février 2009, présentés pour la société à responsabilité limitée (SARL) L'ESCOL, dont le siège social est situé Le Village à Empurany (07270), représentée par son gérant en exercice ;

La SARL L'ESCOL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600324, en date du 1er juillet 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dégagé au titre du deuxième trimestre de 2005 ;

2°)

de prononcer le remboursement demandé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens de l...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre 2008 et 6 février 2009, présentés pour la société à responsabilité limitée (SARL) L'ESCOL, dont le siège social est situé Le Village à Empurany (07270), représentée par son gérant en exercice ;

La SARL L'ESCOL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600324, en date du 1er juillet 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dégagé au titre du deuxième trimestre de 2005 ;

2°) de prononcer le remboursement demandé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens de l'instance et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'elle a pour objet la location d'appartements meublés, la réalisation de toutes prestations para-hôtelières, et toutes activités connexes ou complémentaires ;

- qu'en vertu de la jurisprudence communautaire (Cour de justice des communautés européennes, affaire Rompelman n° 268/83 du 14 février 1985) et de la doctrine administrative (instruction 3 D 4-99 du 28 septembre 1999) les entreprises nouvellement constituées sont réputées commencer leur activité au regard de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elles manifestent, par une déclaration d'existence ou par l'acquisition des biens et services nécessaires aux besoins de l'exploitation, l'intention d'effectuer des opérations situées dans le champ d'application de cet impôt, même si aucune vente ou prestation n'a été effectuée à la date de dépôt de la déclaration litigieuse faisant état d'un montant de taxe déductible ;

- qu'il ressort tant des documents sociaux que de l'activité envisagée - location de gîtes ruraux - que la SARL L'ESCOL réalisera les quatre prestations para-hôtelières (petit-déjeuner, nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison et réception de la clientèle) décrites à l'article 261 D (4, d) du code général des impôts ; que la SARL a demandé à M. Maison, qui a décidé de cesser progressivement son activité d'exploitant de l'Hôtel Moderne, de la conseiller dans la préparation d'un contrat de mise à disposition par l'Hôtel Moderne du linge nécessaire à l'équipement des chambres ; que la société a souscrit des déclarations de travaux pour la construction de chambres et d'une piscine ; que la durée des travaux d'aménagement nécessaires s'explique par le fait que ce sont les associés eux-mêmes qui les réalisent ; que c'est donc à tort que le service des impôts a rétroactivement retiré à la SARL la qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée sans même attendre la fin des travaux et le début de l'exploitation de l'activité ;

- que, conformément à la doctrine administrative (documentation administrative 3 D 1321 et réponse Emmanuelli du 31 juillet 1995, n° 24239), à partir de leur inscription au fichier des redevables professionnels, les entreprises qui ont pour objet de réaliser des opérations ouvrant droit à déduction peuvent obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur est facturé au titre des frais préparatoires au lancement de l'activité économique projetée ;

- que la SARL L'ESCOL relève par conséquent incontestablement de la taxe sur la valeur ajoutée quant à ses prestations d'hébergement, et peut donc en tout état de cause bénéficier du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses afférentes aux travaux effectués ;

- qu'il existe en l'espèce des éléments objectifs démontrant la volonté d'engager l'activité : acquisition de moyens d'exploitation, embauche de salariés, ouverture d'un compte bancaire professionnel et accomplissement de stages professionnels, établissement d'un compte de résultat prévisionnel, envoi de prospectus publicitaires ;

- que la société requérante est assujettie à la taxe professionnelle à raison de son activité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir :

- que la SARL L'ESCOL, lors de sa demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée, n'exerçait pas d'activité de location meublée, l'immeuble étant en cours d'aménagement ; qu'aucun chiffre d'affaires n'a été déclaré au titre des années 2005 et 2006 ; que les prestations de service du petit déjeuner, de réception de la clientèle, de nettoyage quotidien des locaux ou de fourniture de linge de maison n'étaient pas alors offertes ; que les déclarations de travaux pour la construction d'une chambre et d'une piscine ne suffisent pas à établir l'existence de prestations para-hôtelières telles que définies à l'article 261 D (4°, b) du code général des impôts ;

- que l'administration ne remet pas en cause en l'espèce l'existence d'une activité économique dès la création de la société, mais considère qu'aucun élément objectif n'est apporté permettant d'établir qu'au moment de la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée la SARL requérante remplissait les conditions exigées par l'article 261 D (4°, b) du code général des impôts ;

- qu'il incombe en effet à celui qui demande une déduction de taxe sur la valeur ajoutée de prouver que les conditions en sont remplies ;

- que l'activité de location meublée étant exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, la demande a été rejetée à bon droit ;

- que le moyen tiré par la société de son assujettissement à la taxe professionnelle est inopérant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2010 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- et les conclusions de M. Raisson, rapporteur public ;

Sur la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée :

Sur le terrain de la loi fiscale :

Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. ; qu'aux termes de l'article 261 D du même code : Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. ;

Considérant, en premier lieu, que les entreprises nouvellement constituées sont réputées commencer leur activité au regard de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elles manifestent, par une déclaration d'existence et par l'acquisition de biens et de services nécessaires au besoin de l'exploitation, l'intention d'effectuer des opérations situées dans le champ d'application de cet impôt, même si aucune vente ou prestation n'a encore été effectuée à la date de dépôt de la déclaration d'existence ; que la SARL L'ESCOL fait valoir, à cet égard, comme en première instance, qu'elle remplit les deux conditions exigées, dès lors qu'elle a une existence légale et effectue des travaux en vue d'exercer son activité ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que l'administration fiscale lui a adressé, le 27 juillet 2005, une demande de renseignements et de documents, afin de vérifier que l'activité de location envisagée serait bien imposable à la taxe sur la valeur ajoutée, avant de procéder à une visite sur place le 9 novembre 2005 ; qu'elle a ensuite estimé que l'intention déclarée de la SARL L'ESCOL d'exercer une activité para-hôtelière soumise à la taxe sur la valeur ajoutée n'était pas corroborée par des éléments objectifs probants, au motif que les travaux étaient encore en cours, que l'associé présent lors de la visite n'a pas été en mesure de lui confirmer que des prestations para-hôtelières seraient en place au début de la location du gîte, et qu'il n'y avait, sur place, aucun local permettant de servir le petit déjeuner, réceptionner la clientèle et stocker le linge de maison et le matériel de nettoyage ; que pour établir la réalité de son intention de se livrer, dès l'achèvement des travaux, à une activité de location meublée assortie de trois prestations para-hôtelières, la SARL L'ESCOL s'est bornée à produire, à l'appui de sa demande de remboursement, une copie de ses statuts et du bail commercial conclu avec le propriétaire des locaux, sans apporter d'élément objectif en ce sens, en l'absence de production, notamment, d'un plan des travaux, d'un contrat ou projet de contrat concernant le nettoyage du linge et de factures d'achat de matériel, alors même que les déclarations de travaux qu'elle a déposées ne concernent que l'aménagement d'une chambre et d'une piscine ; que la production, a posteriori, de factures de location du gîte comprenant la réalisation de prestations para-hôtelières ne suffit pas à manifester la réalité de l'intention initiale de la société de se livrer à cette activité à la date du dépôt de la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il en résulte que la société requérante doit être regardée comme n'ayant pas rempli les conditions lui permettant de déduire la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux investissements réalisés ; que, par suite, c'est à bon droit que, sur le fondement de la loi fiscale, l'administration a refusé de faire droit à sa demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, au titre du deuxième trimestre 2005 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en refusant le remboursement de crédit de taxe allégué, au motif de l'absence d'exploitation de l'activité de chambres d'hôtes, le directeur des services fiscaux n'a pas rétroactivement retiré à la SARL L'ESCOL la qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant, enfin, qu'est inopérante l'invocation par la société requérante de la circonstance qu'elle est soumise à la taxe professionnelle à raison de ses activités, dès lors que cet assujettissement n'implique pas qu'elle ne soit pas exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur le terrain de la doctrine administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ;

Considérant que si la SARL L'ESCOL invoque la doctrine administrative contenue dans l'instruction 3 D 4-99 du 28 septembre 1999 relative au droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, elle ne saurait utilement s'en prévaloir, dès lors que, comme l'ont estimé les premiers juges, cette instruction ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui résulte des dispositions législatives précitées, telles qu'interprétées par le juge de l'impôt ; que la SARL L'ESCOL invoque par ailleurs, en appel, une documentation administrative 3 D 1321 et une réponse ministérielle au député Emmanuelli en date du 31 juillet 1995 relatives aux frais préparatoires au lancement de l'activité économique exposés par les entreprises qui ont pour objet de réaliser des opérations ouvrant droit à déduction ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante, qui ne fait état , en ce qui concerne l'activité para-hôtelière projetée, que de la compétence de son dirigeant en matière d'hôtellerie, de l'embauche de ce dernier comme gérant, d'une intention de réaliser ultérieurement les investissements s'y rapportant, d'un compte de résultats prévisionnel et de la préparation d'un contrat de mise à disposition de linge par un hôtel, sans autre élément objectif concret, ait eu pour objet, à la date du refus contesté, de réaliser des opérations différentes de celles de loueur en meublé, lesquelles sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle ne remplit pas, par suite, une des conditions de la doctrine invoquée et ne saurait donc s'en prévaloir ;

Sur la demande de condamnation de l'Etat aux dépens :

Considérant que la présente instance n'a pas comporté de dépens ; que les conclusions susvisées sont, par suite, sans objet et, partant, irrecevables et doivent être rejetées comme telles ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL L'ESCOL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL L'ESCOL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL L'ESCOL et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2010 à laquelle siégeaient :

M. Bernault, président de chambre,

Mme Jourdan, premier conseiller,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2010.

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N° 08LY02059


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY02059
Date de la décision : 28/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : SCP DUFOUR HARTEMANN MARTIN PALAZZOLO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-01-28;08ly02059 ?
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