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14/01/2010 | FRANCE | N°09LY02037

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 14 janvier 2010, 09LY02037


Vu la requête, enregistrée le 24 août 2009 à la Cour, présentée pour M. Tigran A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900087, en date du 3 avril 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 4 septembre 2008 du préfet du Rhône portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'ob

tempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°)...

Vu la requête, enregistrée le 24 août 2009 à la Cour, présentée pour M. Tigran A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900087, en date du 3 avril 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 4 septembre 2008 du préfet du Rhône portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est atteint d'une hépatite C chronique nécessitant un traitement indisponible dans son pays d'origine ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il a perdu toute trace des membres de sa famille dans son pays d'origine et que sa mère vit désormais à ses côtés sur le sol français ; que la décision fixant l'Azerbaïdjan comme pays de destination méconnaît les stipulations l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du fait des risques de persécutions auxquels l'exposent ses origines arméniennes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 19 octobre 2009, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient, à titre principal, que la requête est tardive ; à titre subsidiaire, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté, dès lors que le requérant n'établit pas que son état de santé nécessite un traitement indisponible dans son pays d'origine ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, dès lors que le requérant est célibataire et sans enfant, qu'il se maintient de façon irrégulière sur le territoire depuis le rejet de sa demande d'asile et qu'il a fait l'objet de condamnations pénales ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, dès lors que le requérant n'apporte aucun élément probant permettant d'attester de la réalité et du caractère personnel des risques allégués par lui ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2009 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Vibourel, avocat de M. A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me M. A ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Rhône :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 775-10 du code de justice administrative, applicables au contentieux des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français : Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification du jugement lui a été faite et qu'aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 susvisé : Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle(...) est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près de cette juridiction avant l'expiration du délai imparti(...), ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du Tribunal administratif de Lyon attaqué a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception à M. A, le 15 avril 2009 ; que M. A a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 7 mai 2009 ; que cette demande, présentée dans le délai de recours d'un mois suivant la notification du jugement attaqué, a eu pour effet d'interrompre le délai d'appel ; que la décision du bureau d'aide juridictionnelle lui accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale lui a été notifiée le 6 août 2009 et que sa requête a été enregistrée à la Cour le 24 août 2009, soit dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Rhône doit être écartée ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité azerbaïdjanaise, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant notamment état du virus de l'hépatite C dont il est atteint ; que la décision du 4 septembre 2008 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour a été prise au vu d'un avis en date du 22 août 2008, par lequel le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Rhône a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. A peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ressort toutefois des pièces médicales produites par le requérant, et notamment des certificats médicaux établis les 12 mars 2008 et 14 août 2009 par un médecin d'un service hospitalier d'hépatologie et de gastro-entérologie, que M. A est suivi par ce service pour une hépatite chronique virale C qui était en cours d'investigation à la date du premier certificat et dont il ressort du second certificat médical qu'elle s'est révélée active, évoluant avec fibrose et nécessitant la mise en place d'un traitement antiviral, non réalisable en Azerbaïdjan, pour éviter des risques de complications qui mettraient en jeu le pronostic vital de l'intéressé ; que le certificat médical susmentionné, en date du 14 août 2009, peut être pris en compte, dès lors que, bien que postérieur à la décision en litige, il révèle des circonstances de fait existant à la date de ladite décision ; qu'ainsi, compte tenu de ce qui précède, M. A est fondé à soutenir que la décision du préfet du Rhône en date du 4 septembre 2008 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est, par suite, illégale ; que les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision portant refus de délivrance de titre de séjour du 4 septembre 2008 du préfet du Rhône et les décisions subséquentes, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Rhône délivre le titre de séjour sollicité au requérant ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Vibourel, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au profit de Me Vibourel, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0900087, en date du 3 avril 2009, du Tribunal administratif de Lyon et les décisions du 4 septembre 2008 du préfet du Rhône portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. A, faisant obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Vibourel, avocat de M. A, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Tigran A, au préfet du Rhône et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Picard, premier conseiller,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 janvier 2010.

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N° 09LY02037


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02037
Date de la décision : 14/01/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : VIBOUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-01-14;09ly02037 ?
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