La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/01/2010 | FRANCE | N°08LY00390

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 07 janvier 2010, 08LY00390


Vu, I, sous le n° 08LY00390, la requête et le mémoire rectificatif enregistrés les 18 et 26 février 2008, présentés pour M. Alain A exerçant sous l'enseigne L'atelier des paysages , domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0700729-0701133 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 20 décembre 2007, en ce qu'il a, d'une part, rejeté sa demande de condamnation de la commune de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 218 805,81 euros au titre du solde du marché de maîtrise d'oeuvre de l'aménagement de la place de Jaude

et, d'autre part, faisant droit à la demande reconventionnelle de la commune...

Vu, I, sous le n° 08LY00390, la requête et le mémoire rectificatif enregistrés les 18 et 26 février 2008, présentés pour M. Alain A exerçant sous l'enseigne L'atelier des paysages , domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0700729-0701133 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 20 décembre 2007, en ce qu'il a, d'une part, rejeté sa demande de condamnation de la commune de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 218 805,81 euros au titre du solde du marché de maîtrise d'oeuvre de l'aménagement de la place de Jaude et, d'autre part, faisant droit à la demande reconventionnelle de la commune, l'a condamné à verser à ladite collectivité la somme de 88 087,44 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2007 en règlement du même solde ;

2°) de condamner la commune de Clermont-Ferrand à lui verser les sommes de 101 290,78 euros HT outre l'arriéré d'honoraires de 90 233,79 euros HT réintégré dans sa rémunération par le Tribunal et de 20 000 euros en réparation à l'atteinte portée à son droit moral sur le projet architectural ;

3°) de rejeter la demande reconventionnelle présentée par la commune de Clermont-Ferrand ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Clermont-Ferrand la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que, s'agissant de la prise en charge du surcoût de 182 095 euros exposé pour réaliser les travaux du carré de lave , il n'a pas commis de manquement à ses obligations contractuelles au stade des études d'exécution ; que les études qu'il a réalisées ont été rejetées par le maître de l'ouvrage et réservaient le mode d'assemblage à la définition des dimensions exactes des dalles qui n'ont été portées à sa connaissance qu'ultérieurement ; qu'aucun délai contractuel ne lui était opposable ; qu'en outre, ses études auraient permis au maître d'ouvrage d'éviter les surcoûts ; que les prescriptions retenues étaient compatibles avec le respect des prix de l'entreprise titulaire du marché de travaux, laquelle était, au surplus, tenue par le forfait de rémunération qui couvrait les sujétions de découpe des dalles ; que le plan de l'entreprise s'éloignait, au contraire, du mode de pose des dalles défini dans le marché de travaux ; que l'expertise a établi que le mode de pose opus incertum aurait nécessité une collaboration entre le concepteur et l'entreprise chargée des travaux, à laquelle le maître d'ouvrage a fait obstacle en l'empêchant d'achever les études d'exécution et en les confiant à l'entreprise de travaux ; que la mission normalisée d'ACT dont il était investi ne lui permettait pas de choisir la technique d'allotissement des contrats de travaux ; qu'il l'a accomplie en fonction du choix du maître d'ouvrage de disjoindre la fourniture des pierres de leur pose ; qu'ayant pris soin d'inclure le coût de découpe et de pose dans l'offre de prix, il a prémuni le maître d'ouvrage contre cette catégorie de surcoûts ; qu'en outre, la créance dont se prévalait l'entreprise chargée des travaux était frappée de forclusion en vertu de l'article 50.11 du cahier des clauses administratives générales, faute de présentation d'un mémoire de réclamation à la personne responsable du marché, dans les trois mois suivant le rejet implicite de la réclamation adressée au maître d'oeuvre ; que la part de responsabilité de 90 % que lui a attribuée le Tribunal dans la prise en charge des surcoûts ne repose sur aucun fondement ; que, s'agissant des éléments à réintégrer au crédit du solde de rémunération, contrairement à ce qu'a affirmé le Tribunal, l'expert a lui-même admis le bien fondé de la demande à hauteur de 97 515,03 euros ; que la somme de 101 290,78 euros comprend les suppléments d'honoraires et l'indemnisation des conséquences onéreuses de l'allongement de la durée du chantier ; que l'abandon de la technique d'opus incertum a dénaturé le projet sur lequel le requérant, évincé en cours de réalisation, détient un droit moral attaché à la propriété intellectuelle et artistique ; que l'atteinte portée à ce droit doit être réparée à hauteur de 20 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 5 août 2008 par lequel M. A conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 30 décembre 2008, présenté pour la commune de Clermont-Ferrand ;

La commune de Clermont-Ferrand conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) par la voie de l'appel incident, d'une part, d'annuler le jugement nos 0700729-0701133 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 20 décembre 2007, en ce qu'il a limité à 148 469,57 euros outre intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2007 la condamnation de M. A en règlement du solde du marché de maîtrise d'oeuvre de l'aménagement de la place de Jaude et, d'autre part, de porter la condamnation de M. A à la somme de 305 483,10 euros HT ;

2°) de mettre à la charge de M. A la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Clermont-Ferrand soutient que le requérant a engagé sa responsabilité contractuelle en raison d'erreurs de conception puis de manquements à son devoir de conseil ; que le projet n'a pas défini avec suffisamment de précision les spécifications de l'ouvrage, compte tenu de la particularité des techniques de pose de dalles à mettre en oeuvre ; que lors de l'assistance aux contrats de travaux, le maître d'oeuvre a négligé de mettre en garde le maître de l'ouvrage sur les difficultés d'exécution engendrées par l'attribution distincte de marchés, l'un de fournitures pour les dalles, l'autre de travaux pour leur pose sans consultation anticipée des prestataires aux études de définition ; que les plans d'exécution n'étaient pas plus précis que les plans de projet en raison de l'indétermination des pierres à livrer ; que ces plans ont été livrés tardivement, après plusieurs rappels du maître de l'ouvrage et alors que courait un délai contractuel de quatre mois à compter de la livraison du dossier de consultation des entreprises ; qu'en phase de direction d'exécution de travaux, le maître d'oeuvre devait s'assurer que les documents d'exécution respectent les études effectuées en phase de conception ; qu'il s'est abstenu d'adapter son projet aux contraintes rencontrées par les entreprises et de conseiller le maître de l'ouvrage ; que ces manquements ont entraîné l'exécution de travaux supplémentaires à hauteur de 542 068,39 euros HT pour la livraison ; que la forclusion de la créance excipée par le requérant n'est susceptible de concerner que le marché d'un seul lot alors que les surcoûts ont affecté plusieurs lots ; qu'en revanche, le requérant n'établit pas que les compléments d'honoraires dont il demande le paiement auraient été engagés pour l'exécution des missions relevant strictement du marché de maîtrise d'oeuvre, ou auraient été utiles à la réalisation du projet ; que la signature de l'avenant du 1er septembre 2005 fixant un forfait définitif de rémunération a emporté renonciation définitive à toute demande supplémentaire ; que, s'agissant de l'atteinte morale au droit de propriété intellectuelle, l'originalité de l'oeuvre et l'atteinte qui lui aurait été portée ne sont pas établies ; qu'en outre, la modification du projet résulte de contraintes techniques et fonctionnelles ;

Vu le mémoire enregistré le 11 décembre 2009 par lequel la commune de Clermont-Ferrand conclut aux mêmes fins que son premier mémoire par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'il y a lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour statue sur l'appel présenté par le titulaire du marché du lot n° 2 sur le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant ses demandes de rémunérations supplémentaires, trouvant leur cause dans les défaillances de la maîtrise d'oeuvre ;

Vu le mémoire enregistré le 16 décembre 2009, présenté pour M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les lettres du 2 décembre 2009, par lesquelles en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office l'irrégularité du jugement attaqué en ce qu'il s'abstient de statuer sur la prise en charge définitive des frais et honoraires d'expertise (articles R. 621-13 et R. 761-1 combinés du code de justice administrative) ;

Vu, II, sous le n° 09LY02560, la requête enregistrée le 4 novembre 2009, présentée pour l'ATELIER DES PAYSAGES dont le siège est ... ;

L'ATELIER DES PAYSAGES demande à la Cour d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement n° 0700729-0701133 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 20 décembre 2007, en ce qu'il a, d'une part, rejeté la demande de condamnation de la commune de Clermont-Ferrand à verser à M. A la somme de 218 805,81 euros au titre du solde du marché de maîtrise d'oeuvre de l'aménagement de la place de Jaude et, d'autre part, faisant droit à la demande reconventionnelle de la commune, a condamné M. A à verser à ladite collectivité la somme de 88 087,44 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2007 en règlement du même solde ;

L'ATELIER DES PAYSAGES soutient que l'exécution du jugement attaqué l'exposerait à des conséquences difficilement réparables au sens de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ; que la condamnation de première instance n'est pas couverte par ses polices d'assurance ; qu'elle ne peut en assumer la charge sans risque de cessation de paiement ; au fond, qu'elle ne saurait être tenue de garantir 90 % du supplément de rémunération du titulaire du lot 2, allouée par la commune de Clermont-Ferrand alors que la créance était frappée de forclusion en application de l'article 50.21 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché de travaux ; qu'en outre, M. A n'a pas commis de manquement à ses obligations contractuelles au stade des études d'exécution ; que les études qu'il a réalisées ont été rejetées par le maître de l'ouvrage et réservaient le mode d'assemblage à la définition des dimensions exactes des dalles qui n'ont été portées à sa connaissance qu'ultérieurement ; qu'aucun délai contractuel ne lui était opposable ; qu'en outre, ses études auraient permis au maître d'ouvrage d'éviter les surcoûts ; que les prescriptions retenues étaient compatibles avec le respect des prix de l'entreprise titulaire du marché de travaux, laquelle était, au surplus, tenue par le forfait de rémunération qui couvrait les sujétions de découpe des dalles ; que le plan de l'entreprise s'éloignait, au contraire, du mode de pose des dalles défini dans le marché de travaux ; que l'expertise a établi que le mode de pose opus incertum aurait nécessité une collaboration entre le concepteur et l'entreprise chargée des travaux, à laquelle le maître d'ouvrage a fait obstacle en l'empêchant d'achever les études d'exécution et en les confiant à l'entreprise de travaux ; que la mission normalisée d'ACT dont il était investi ne lui permettait pas de choisir la technique d'allotissement des contrats de travaux ; qu'il l'a accomplie en fonction du choix du maître d'ouvrage de disjoindre la fourniture des pierres de leur pose ; qu'ayant pris soin d'inclure le coût de découpe et de pose dans l'offre de prix, il a prémuni le maître d'ouvrage contre cette catégorie de surcoûts ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 11 décembre 2009, présenté pour la commune de Clermont-Ferrand ;

La commune de Clermont-Ferrand conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que l'existence d'un préjudice difficilement réparable n'est pas établie ; que l'absence de couverture des risques indemnisables ne lui est pas opposable et constitue de surcroît la violation d'une obligation de souscrire une police d'assurance ; que le requérant peut bénéficier de paiements échelonnés et que le montant de sa condamnation de première instance, qui résulte d'une compensation, ne le met pas en péril ; qu'aucun moyen sérieux n'est de nature à entraîner la réformation du jugement dont le sursis à l'exécution est demandé ; que le requérant a engagé sa responsabilité contractuelle en raison d'erreurs de conception puis de manquements à son devoir de conseil ; que le projet n'a pas défini avec suffisamment de précision les spécifications de l'ouvrage, compte tenu de la particularité des techniques de pose de dalles à mettre en oeuvre ; que lors de l'assistance aux contrats de travaux, le maître d'oeuvre a négligé de mettre en garde le maître de l'ouvrage sur les difficultés d'exécution engendrées par l'attribution distincte de marchés, l'un de fournitures pour les dalles, l'autre de travaux pour leur pose sans consultation anticipée des prestataires aux études de définition ; que les plans d'exécution n'étaient pas plus précis que les plans de projet en raison de l'indétermination des pierres à livrer ; que ces plans ont été livrés tardivement, après plusieurs rappels du maître de l'ouvrage et alors que courait un délai contractuel de quatre mois à compter de la livraison du dossier de consultation des entreprises ; qu'en phase de direction d'exécution de travaux, le maître d'oeuvre devait s'assurer que les documents d'exécution respectent les études effectuées en phase de conception ; qu'il s'est abstenu d'adapter son projet aux contraintes rencontrées par les entreprises et de conseiller le maître de l'ouvrage ; que ces manquements ont entraîné l'exécution de travaux supplémentaires à hauteur de 542 068,39 euros HT pour la livraison ; que la forclusion de la créance excipée par le requérant n'est susceptible de concerner que le marché d'un seul lot alors que les surcoûts ont affecté plusieurs lots ; qu'en revanche, le requérant n'établit pas que les compléments d'honoraires dont il demande le paiement auraient été engagés pour l'exécution des missions relevant strictement du marché de maîtrise d'oeuvre, ou auraient été utiles à la réalisation du projet ; que la signature de l'avenant du 1er septembre 2005 fixant un forfait définitif de rémunération a emporté renonciation définitive à toute demande supplémentaire ; que, s'agissant de l'atteinte morale au droit de propriété intellectuelle, l'originalité de l'oeuvre et l'atteinte qui lui aurait été portée ne sont pas établies ; qu'en outre, la modification du projet résulte de contraintes techniques et fonctionnelles ;

Vu les lettres du 2 décembre 2009, par lesquelles, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le non-lieu à statuer sur la requête 09LY02560 dans l'hypothèse où il serait statué sur la requête n° 08LY00390 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

Vu l'arrêté du 21 décembre 1993 pris pour l'application du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2009 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller,

- les observations de Me Karpenschif pour M. A et de Me Vuillemenot pour la commune de Clermont-Ferrand,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

la parole ayant été de nouveau donnée aux avocats présents ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur le solde des honoraires de M. A :

Considérant que par marché signé le 16 juillet 2007, la commune de Clermont-Ferrand a confié à un groupement solidaire représenté par M. A (L'atelier des paysages), la maîtrise d'oeuvre de l'opération de réhabilitation des espaces publics de la place de Jaude ; que, bien que solidairement tenu d'exécuter la totalité des prestations, chaque cotraitant du groupement bénéficiait d'une répartition des honoraires ; qu'en vertu de l'article 1-10 du cahier des clauses administratives particulières annexé à l'acte d'engagement, la mission comprenait l'intégralité des éléments normalisés de conception et, pendant le déroulement du chantier, l'assistance, en tant que de besoin et à leur demande, des services techniques communaux, maître d'oeuvre chargé de la direction de l'exécution des travaux ; que, saisi du litige portant sur le règlement du solde d'honoraires de M. A, le Tribunal a, par le jugement attaqué, imputé sur l'arriéré de rémunération de 90 233,79 euros HT restant dus à M. A la somme de 163 885,50 euros HT représentant 90 % du montant de la somme allouée par la commune de Clermont-Ferrand au titulaire du marché de travaux du lot 2 pose des sols en pierre et du mobilier en rémunération des études d'exécution et des sujétions rencontrées dans la mise en oeuvre du dallage de lave du carré Jaude , puis a dégagé un solde débiteur de 73 651,71 euros, soit 88 087,44 euros TTC, pour le mandataire de la maîtrise d'oeuvre représentant le montant de sa condamnation ;

En ce qui concerne les effets de l'avenant n° 1 signé le 1er septembre 2005 :

Considérant que l'avenant n° 1 a réévalué le coût prévisionnel des travaux et, par application du taux de rémunération contractuel à ce nouveau montant, a rehaussé le forfait d'honoraires dus aux cotraitants du groupement ; qu'à la date de signature de cet avenant, les travaux ayant été exécutés, les parties connaissaient les motifs qui les conduisaient, l'une à demander un supplément d'honoraires à raison d'études supplémentaires, l'autre à pratiquer des réfactions à raison de l'absence de livraison de certaines des prestations contractuelles ; qu'en consentant à ce nouveau forfait, calculé sur la base de la décomposition par élément normalisé figurant à l'annexe 1, M. A a nécessairement renoncé à tout supplément d'honoraires trouvant sa cause dans l'exécution de son marché tandis que la commune de Clermont-Ferrand a renoncé à retenir quelque somme que ce soit au titre de l'inachèvement des études d'exécution du dallage de lave ;

Considérant qu'il suit de là, que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande tendant à ce que soit réintégrée dans sa rémunération la somme de 11 056,99 euros, représentant la différence entre le montant total des conclusions (hors réparation de l'atteinte morale au droit de propriété intellectuelle), soit 101 290,78 euros, et le montant de l'arriéré d'honoraires non payé et réintégré au solde par le Tribunal, soit 90 233,79 euros ;

Considérant, en revanche, que l'avenant n° 1 signé le 1er septembre 2005, qui fixe le forfait d'honoraires sur la base duquel doit être liquidé le solde du marché, ne fait pas obstacle aux réfactions ou suppléments de rémunération qui correspondraient à l'indemnisation de préjudices subis par l'une des parties en conséquence de manquements de l'autre partie à ses obligations contractuelles ou à une faute quasi délictuelle qui lui serait imputable à l'occasion de l'exécution du marché ;

En ce qui concerne les surcoûts d'exécution imputés aux erreurs de la maîtrise d'oeuvre dans l'accomplissement des missions normalisées EXE, ACT et DET :

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'annexe 3 à l'arrêté du 21 décembre 1993 pris pour l'application du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993, l'élément normalisé Plan d'exécution (EXE) dont était investi M. A en sa qualité de cotraitant solidaire du groupement de maîtrise d'oeuvre comportait l'élaboration des plans et spécifications de chantier permettant de définir, à l'usage de l'entreprise titulaire du marché de travaux du lot n° 2, le détail du mode d'assemblage des dalles de lave devant former de vastes espaces polygonaux de couleur noire et des petits pavés rouges délimitant par des entrelacs les espaces de roches noires ;

Considérant qu'en dehors de l'hypothèse où sa défaillance, constatée dans les conditions de l'article 37 du cahier des clauses administratives particulières prestations intellectuelles , donne lieu à une résiliation du marché à ses torts, le maître d'oeuvre ne peut être tenu de répondre des manquements aux obligations de sa mission que s'il a été mis à même de l'accomplir intégralement ; qu'il résulte de l'instruction qu'alors que M. A venait de produire une première étude d'exécution, la commune de Clermont-Ferrand, à la fois personne responsable du marché et maître d'oeuvre chargé de l'exécution des travaux, l'a dessaisi des études complémentaires qui ne pouvaient être présentées qu'après que le fournisseur eut communiqué les caractéristiques des pierres destinées au chantier ; que le procédé définitif de pose des pierres ayant été arrêté par les représentants de la commune et de l'entreprise titulaire du marché de travaux du lot n° 2, les conséquences onéreuses de ces choix techniques ne sont pas imputables à M. A ;

Considérant, en deuxième lieu, que le bordereau des prix unitaires rédigé par M. A et inséré dans le dossier d'appel d'offres du lot n° 2 précisait que la rémunération des prestations de pose des pierres devait couvrir toutes les sujétions de coupe à effectuer sur le site ; que les autres pièces du dossier précisaient, d'une part, que la fourniture des blocs, dont les caractéristiques dimensionnelles n'étaient pas encore déterminées, ferait l'objet d'un marché distinct, d'autre part, que le dallage devait être réalisé selon la technique dite d'opus incertum consistant à poser les pierres de manière volontairement aléatoire, à les ajuster au fil du chantier, en fonction de la forme de chaque bloc afin d'obtenir un effet d'irrégularité, néanmoins compatible avec la géométrie de la trame lumineuse disposée dans les joints ; que l'entreprise titulaire du lot n° 2 ayant été informée, lors de la présentation de son offre, de ces particularités qui faisaient peser des incertitudes sur la rentabilité du chantier, la commune de Clermont-Ferrand n'est pas fondée à soutenir que le supplément de rémunération qu'elle a estimé devoir allouer à l'entreprise au titre des frais supplémentaires de découpe et de pose de dalles selon un calepinage, d'ailleurs simplifié, serait la conséquence d'imprécisions de rédaction du dossier de consultation des entreprises constitutives de manquements de M. A aux obligations de l'élément normalisé d'assistance aux contrats de travaux (ACT) ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article 1-10-6 du cahier des clauses administratives particulières du marché de maîtrise d'oeuvre, les cotraitants n'étaient tenus d'assister les services techniques de la commune de Clermont-Ferrand, maître d'oeuvre chargé de la direction d'exécution des travaux (DET), qu'à leur demande ; que la collectivité contractante n'établit pas que M. A aurait refusé de l'assister de ses conseils pour la surveillance des travaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a imputé au débit du solde de sa rémunération la somme de 163 885,50 euros HT correspondant à 90 % du complément de rémunération alloué par le maître d'ouvrage à l'entreprise titulaire du lot n° 2 au titre de l'achèvement des études d'exécution et de plus-values dégagées sur les travaux ; que, d'autre part, la commune de Clermont-Ferrand n'est pas fondée à se plaindre de ce que le Tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions reconventionnelles ;

En ce qui concerne l'atteinte portée au droit de propriété intellectuelle :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle : Sont considérés notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code : (...) 12° Les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs (...) à l'architecture (...) ; qu'aux termes de l'article L. 121-1 du même code : L'auteur jouit du droit au respect (...) de son oeuvre ; qu'aux termes de l'article L. 122-4 dudit code : Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur (...) est illicite. Il en est de même pour (...) l'adaptation ou la transformation, l'arrangement (...) par un procédé quelconque ; qu'il résulte de ces dispositions que l'obligation de réparer le préjudice moral du créateur pèse sur l'auteur de l'adaptation ou de la dénaturation de l'oeuvre architecturale dès lors que, d'une part, l'oeuvre présente un caractère d'originalité et que, d'autre part, les faits constitutifs du préjudice ne sont pas imputables à la faute du créateur ;

Considérant qu'en raison du rythme de sa composition, du soin apporté à la définition de la qualité et de l'agencement des matériaux, le plan de dallage du carré Jaude conçu par M. A présente une originalité permettant de le regarder comme une oeuvre de l'esprit au sens de l'article L. 112-2 précité du code de la propriété intellectuelle ; que toutefois si, ainsi qu'il vient d'être dit, la simplification du calepinage décidée au cours de l'exécution du chantier ne résulte pas d'une faute du concepteur, il n'est pas établi qu'elle aurait eu pour effet de dénaturer l'oeuvre ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à demander qu'une somme de 20 000 euros soit intégrée dans le solde de sa rémunération en réparation de l'atteinte portée au droit moral qu'il détient sur son oeuvre ;

En ce qui concerne le surplus des conclusions de la commune de Clermont-Ferrand :

Considérant que les autres conclusions de la commune de Clermont-Ferrand tendant à contester la réintégration au crédit de M. A de la somme de 90 233,79 euros HT représentant l'arriéré d'honoraires non concerné par le litige ne sont appuyées d'aucun moyen ; qu'elles doivent, dès lors, être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que la somme de 163 885,50 euros HT a été déduite à tort du solde de son marché et, dès lors, à demander à la Cour, d'une part, d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il le condamne à verser à la commune de Clermont-Ferrand la somme de 88 087,44 euros TTC dégagée par l'imputation de la somme de 163 885,50 euros HT sur l'arriéré d'honoraires de 90 233,79 euros HT lui restant dû et, d'autre part, de condamner la commune de Clermont-Ferrand à lui verser ladite somme de 90 233,79 euros HT ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 09LY02560 :

Considérant que le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement nos 0700729-0701133 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 20 décembre 2007, les conclusions de la requête n° 09LY02560 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur les dépens de première instance :

Considérant qu'en application des articles R. 621-13 et R. 761-1 combinés du code de justice administrative, le Tribunal n'a pu, sans entacher le jugement attaqué d'irrégularité, s'abstenir de statuer d'office sur la charge définitive des dépens occasionnés par le litige ; qu'il y a lieu de l'annuler dans cette mesure, d'évoquer et de statuer immédiatement sur le paiement des frais et honoraires d'expertise ;

Considérant qu'à l'issue de l'instance d'appel et à l'égard de M. A, la commune de Clermont-Ferrand est partie perdante au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; qu'elle l'était également à l'issue du litige de première instance à l'égard de la société Bernard Paris, cotraitant du groupement de maîtrise d'oeuvre dont le litige n'a pas fait l'objet d'appel ; qu'en l'absence de circonstances particulières, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Clermont-Ferrand les frais et honoraires de l'expertise ordonnée en première instance ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, d'une part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Clermont-Ferrand à verser à M. A la somme de 2 000 euros ; que, d'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la commune de Clermont-Ferrand doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 09LY02560.

Article 2 : Le jugement nos 0700729-0701133 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 20 décembre 2007, d'une part, en ce qu'il a rejeté la demande de M. A tendant à la condamnation de la commune de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 90 233,79 euros et l'a condamné à verser à cette collectivité la somme de 88 087,44 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2007, d'autre part, en ce qu'il n'a pas statué sur la charge des dépens, est annulé.

Article 3 : La commune de Clermont-Ferrand est condamnée à verser à M. A la somme de 90 233,79 euros HT.

Article 4 : Les frais et honoraires d'expertise de première instance sont mis à la charge de la commune de Clermont-Ferrand.

Article 5 : La commune de Clermont-Ferrand versera à M. A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alain A (Atelier des paysages), à la commune de Clermont-Ferrand et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Chalhoub, président-assesseur,

M. Arbarétaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 janvier 2010.

''

''

''

''

1

2

Nos° 08LY00390...

na


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00390
Date de la décision : 07/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : GUIMET AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-01-07;08ly00390 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award