Vu la requête enregistrée le 5 décembre 2007, présentée pour l'EARL LE BRU dont le siège est ..., pour Mme Elisabeth A et M. Patrick A, domiciliés ... ;
L'EARL LE BRU, Mme et M. A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0601557 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 27 septembre 2007 en ce qu'il a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat et de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (Onilait), à leur verser les sommes de 11 626,98 euros et de 18 873,02 euros correspondant, respectivement au montant des pénalités infligées pour dépassement des quotas laitiers au titre de la campagne 1999/2000 et au préjudice subi du fait de l'attribution partielle de quotas laitiers supplémentaires au titre de ladite campagne ;
2°) de condamner Onilait, le cas échéant solidairement avec l'Etat, à lui verser les sommes de 11 626,98 euros et de 18 873,02 euros ;
3°) de mettre à la charge d'Onilait et de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
L'EARL LE BRU, Mme et M. A soutiennent qu'ayant pris à leur égard l'engagement de ne pas leur faire supporter de pénalités, Onilait est tenu, en vertu de l'article 1134 du code civil, de leur en rembourser le montant directement sans que puisse leur être opposé le paiement déjà effectué entre les mains de leur client, le GIE des Monts du Cantal, ni la compensation opérée avec une dette détenue sur ce tiers ; qu'en s'abstenant d'engager une action en répétition de l'indu, Onilait a commis une faute engageant sa responsabilité ; que les postes de préjudice sont constitués par les frais d'acquisition d'un cheptel laitier, les frais de procédure devant le tribunal de grande instance, les démarches et les pertes de temps ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 27 mai 2009, présenté pour l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), venant aux droits et obligations d'Onilait, dont le siège est 12 rue Henri Rol-Tanguy - TSA 20002 - à Montreuil-sous-Bois (93555) ;
FranceAgriMer conclut au rejet de la requête et demande à la Cour la condamnation de l'EARL LE BRU, de Mme et M. A à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
FranceAgriMer soutient qu'en vertu des articles 4 et 5 du décret 2001-1001 du 16 juillet 2002 (article D. 654-52 du code rural), l'acheteur de lait, en l'espèce le GIE des Monts du Cantal, est seul redevable du remboursement du prélèvement supplémentaire dont le montant a fait l'objet d'une décision de dégrèvement de 11 627,01 euros puis d'une rétrocession à ce-dernier qui avait versé cette somme à Onilait ; qu'étant démuni de pouvoirs de sanction, il ne saurait répondre sur le fondement quasi délictuel du comportement du GIE des Monts du Cantal dans le litige qui oppose celui-ci aux requérants ; que l'éventualité d'une compensation est étrangère au litige ; que l'instance qui s'est déroulée devant le tribunal de grande instance n'a révélé aucune dissimulation qui pourrait lui être imputée ; que les vaches laitières achetées ont immédiatement contribué à la production de lait commercialisé et sont incorporées à un cheptel correspondant aujourd'hui aux quotas laitiers définitivement échangés ;
Vu le mémoire enregistré le 23 octobre 2009 par lequel le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche conclut au rejet de la requête ;
Le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche soutient qu'Onilait ayant été tenu d'encaisser les pénalités pour dépassement des quotas de production alors attribués à l'EARL LE BRU et Onilait exerçant seul cette compétence, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée ; que l'Etat n'a pris aucun engagement d'allouer une quantité de quotas déterminée au titre de la campagne 1999/2000 ; qu'en se séparant de ses vaches allaitantes sans attendre la décision d'attribution des nouveaux quotas, l'EARL LE BRU a commis une imprudence à l'origine du préjudice dont elle demande réparation ; qu'au surplus, l'existence de ce préjudice n'est pas établie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement CEE n° 804/68 du 27 juin 1968 ;
Vu le règlement CEE n° 857/84 du 31 mars 1984 ;
Vu le règlement CEE n° 3950/92 du 28 décembre 1992 ;
Vu le règlement CEE n° 536/93 du 9 mars1993 ;
Vu le décret n° 91-157 du 11 février 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2009 :
- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
Sur le remboursement du prélèvement pour dépassement de la quantité de référence attribuée à l'EURL LE BRU au titre de la campagne 1999/2000 :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 11 février 1991, dans sa rédaction alors en vigueur, pris pour l'application des règlements communautaires susvisés : I- L'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers, ci-après dénommé Onilait, est chargé en ce qui concerne le lait de vache : 1°) de déterminer les quantités de référence (...) des acheteurs de lait (...) ; la quantité de référence d'un producteur livrant sa production à un acheteur lui est notifiée par cet acheteur (...) ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : Le prélèvement supplémentaire (...) est dû par tout acheteur de lait (...) sur la quantité de lait (...) qui lui a été livrée en dépassement de la quantité de référence, attribuée par Onilait (...) / L'acheteur, redevable du prélèvement supplémentaire, répercute ce dernier sur les seuls producteurs qui ont dépassé leur quantité de référence. Les redressements d'assiette du prélèvement, notifiés par Onilait, sont répercutés dans les mêmes condition ; qu'aux termes de l'article 3 du décret : Chaque mois, l'acheteur détermine les producteurs dont les livraisons de la campagne ont dépassé, le mois précédent, la référence (...) / Il perçoit chaque mois, auprès de ces producteurs, des provisions destinées à couvrir le prélèvement supplémentaire exigible (...) / Si le total des provisions perçues est supérieur au prélèvement supplémentaire notifié au producteur (...) l'acheteur rembourse la différence sur la paie de lait suivante ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'acheteur de lait est seul redevable des prélèvements pour dépassement de la quantité de référence individuelle de lait fixée pour chaque campagne à chacun des producteurs et, par voie de conséquence, que l'Office public collecteur du prélèvement est redevable au seul acheteur de l'excédent de prélèvement qui résulterait d'une modification de l'assiette, quelle qu'en soit la cause ; qu'il appartient ensuite à l'acheteur, et à lui seul, de restituer au producteur les sommes qui ont été indûment perçues ;
Considérant, en premier lieu, qu'au cours de la campagne 1999/2000, Onilait a notifié au GIE des Monts du Cantal un dégrèvement gracieux de 76 268,21 francs (11 626,98 euros) correspondant au prélèvement supplémentaire que ce groupe de laiteries avait acquitté sur l'achat à l'EARL LE BRU de lait excédant la quantité individuelle de référence fixée à ce producteur pour ladite campagne ; qu'à la suite de ce dégrèvement, consécutif à une modification de l'assiette du prélèvement équivalant à l'attribution à l'EARL LE BRU d'une quantité de référence individuelle supplémentaire, Onilait a remboursé le redevable, le GIE des Monts du Cantal ; que l'excédent de prélèvement n'étant pas dû par l'Office public collecteur au producteur, les conclusions de la requête tendant à ce que FranceAgriMer, venant aux droits et obligations d'Onilait, restitue la somme de 11 626,98 euros à la société productrice ou à ses dirigeants, sont mal dirigées ;
Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte d'aucune disposition que les services déconcentrés du ministère chargé de l'agriculture ou que les offices publics chargés de réguler les marchés agricoles seraient investis d'une mission de conseil des producteurs ou disposeraient de moyens de s'immiscer dans les relations contractuelles de droit privé nouées entre les producteurs et les acheteurs de produits soumis à la définition annuelle de quantités de référence ; que, par suite, le refus du GIE des Monts du Cantal, à supposer qu'il soit fautif, ne peut être imputé ni à l'Etat et ni à FranceAgriMer qui ne sauraient être tenus d'indemniser les requérants de la somme de 11 626,98 euros, sur le fondement quasi délictuel ;
Sur l'indemnisation du préjudice résultant du refus d'attribuer, par voie d'échange, l'intégralité de la quantité individuelle de référence demandée au titre de la campagne 1999/2000 :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le dégrèvement prononcé par Onilait a effacé les effets de la faute imputable aux services de l'Etat, ayant consisté à avoir annoncé en novembre 1999 l'attribution certaine d'une quantité de références individuelles supplémentaires dont ils ne disposaient pas à cette échéance ; que l'absence de restitution de la somme de 11 626,98 euros résulte du fait du GIE des Monts du Cantal et ne présente pas de lien direct avec la faute de la collectivité publique ;
Considérant, en second lieu, que les autres chefs de préjudices allégués intéressent des dépenses qui ont été utiles à l'acquisition d'une capacité supplémentaire de production laitière attribuée de fait à l'EARL LE BRU dès la campagne 1999/2000 puis définitivement à compter de la campagne 2000/2001 ; que les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à rechercher la responsabilité quasi délictuelle de l'Etat et de FranceAgriMer pour obtenir l'indemnisation des conséquences d'une promesse d'attribution non tenue de cette quantité de références supplémentaires au titre de la campagne 1999/2000 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EARL LE BRU, Mme et M. A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de l'EARL LE BRU, de Mme et de M. A doivent être rejetées ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par FranceAgriMer ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EARL LE BRU, de Mme et de M. A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par FranceAgriMer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL LE BRU, à Mme Elisabeth A, à M. Patrick A, à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), et au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2009 à laquelle siégeaient :
M. du Besset, président de chambre,
Mme Chalhoub, président-assesseur,
M. Arbarétaz, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 janvier 2010.
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N° 07LY02711
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