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10/12/2009 | FRANCE | N°07LY00221

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2009, 07LY00221


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 29 janvier 2007, régularisée par la production de l'original enregistré le 5 février 2007, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ;

Le PREFET DE LA SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403026 du 7 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 30 mars 2004 portant refus d'admission au séjour au titre du regroupement familial des enfants mineurs de Mme B et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour d'un an à Mlle Maria C dans le délai d'un mois à compter d

e sa notification ;

Le PREFET DE LA SAVOIE soutient que :

- le refus qu'il a o...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 29 janvier 2007, régularisée par la production de l'original enregistré le 5 février 2007, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ;

Le PREFET DE LA SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403026 du 7 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 30 mars 2004 portant refus d'admission au séjour au titre du regroupement familial des enfants mineurs de Mme B et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour d'un an à Mlle Maria C dans le délai d'un mois à compter de sa notification ;

Le PREFET DE LA SAVOIE soutient que :

- le refus qu'il a opposé n'est pas un refus de titre de séjour, mais un refus d'admission au séjour fondé notamment sur l'absence de ressources suffisantes et sur la présence des enfants sur le territoire français ;

- qu'en conséquence cette décision n'implique pas, contrairement à un refus de titre, que les enfants quittent le territoire ;

- que pas davantage elle n'implique que la fille mineure ne puisse se voir délivrer un document de circulation lui permettant de sortir de France et d'y revenir sans encombre, ce qui a d'ailleurs été fait depuis le mois de septembre 2004 ;

- qu'il est réglementairement et matériellement impossible malgré l'injonction du Tribunal de délivrer un titre de séjour à la fille mineure de seize ans de Mme B ; qu'il appartiendra à cette dernière une fois majeure de solliciter un titre de séjour ; que son frère l'a fait et en a obtenu un, alors même que la demande d'admission au séjour présentée par sa mère avait été rejetée ;

- qu'en conclusion la décision de refus d'admission au séjour n'impliquant ni un départ de France des enfants, ni une restriction de circuler hors de France, ni un refus ultérieur de titre de séjour à la majorité des enfants elle n'a porté aucune atteinte au respect de la vie privée et familiale de Mme B et de ses enfants ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 10 septembre 2009 fixant la clôture d'instruction au 12 octobre 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2009, présenté pour Mme B épouse A, qui conclut à la confirmation pure et simple du jugement attaqué, par application de la jurisprudence de la Cour administrative d'appel de Lyon, et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, en date du 23 octobre 2009, la lettre informant les parties que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur le moyen relevé d'office tiré de l'application au litige de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, et notamment de l'article 5 de cet accord ;

Vu, enregistré le 29 octobre 2009, et non communiqué, le mémoire complémentaire présenté pour Mme B épouse A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2009 :

- le rapport de Mme Chalhoub, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

Considérant que le PREFET DE LA SAVOIE relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé, sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision du 30 mars 2004 par laquelle il avait refusé à Mme B épouse A le bénéfice du regroupement familial pour ses deux enfants mineurs, motifs pris de la présence en France des deux enfants et du caractère insuffisant de ses ressources, et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour d'un an à la fille mineure de Mme B épouse A ;

Sur la légalité de la décision contestée :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ;

Considérant en outre qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, en vigueur à la date de la décision contestée : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : 1° A l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, dont l'un des parents au moins est titulaire de la carte de séjour temporaire ou de la carte de résident, ainsi qu'à l'étranger entré régulièrement sur le territoire français dont le conjoint est titulaire de l'une ou de l'autre de ces cartes, s'ils ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial ; (...)

Considérant qu'en refusant par la décision en litige d'admettre les deux enfants de Mme B épouse A au bénéfice du regroupement familial, le PREFET DE LA SAVOIE leur a refusé le droit de séjourner régulièrement sur le territoire, et, par voie de conséquence, les a privés du bénéfice de la carte de plein droit prévue par les dispositions précitées ; que la circonstance que les enfants mineurs de Mme B épouse A pourraient s'y maintenir jusqu'à leur majorité est sans incidence sur l'appréciation de l'atteinte portée à leur droit de vivre auprès de leur mère, durablement établie en France ; que, par suite, et malgré l'insuffisance des revenus de Mme B épouse A et la présence sur le territoire des enfants concernés, cette décision, même si elle n'implique pas que ces mineurs soient éloignés du territoire, et même si le préfet peut toujours à titre exceptionnel leur délivrer la carte de séjour temporaire mention vie privée et familiale susmentionnée, a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SAVOIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Grenoble a annulé sa décision de refus d'autorisation de regroupement familial des mineurs C ;

Sur l'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ;

Considérant que le regroupement familial des ressortissants marocains est réglementé par les stipulations de l'article 5 dudit accord aux termes desquelles, s'agissant des enfants mineurs, les enfants des personnes titulaires des titres de séjour et des autorisations de travail mentionnés aux articles 1 à 4 de l'accord qui ont été admis en France au titre du regroupement familial, et qui n'ont pas atteint l'âge de la majorité, sont autorisés à y résider dans les mêmes conditions que lesdites personnes ;

Considérant toutefois que ces stipulations ne prescrivent pas que les ressortissants marocains qui ont été admis en France au titre du regroupement familial et qui n'ont pas atteint l'âge de la majorité soient mis en possession d'un titre de séjour, mais seulement qu'ils soient autorisés à résider en France dans les mêmes conditions que le parent titulaire du titre de séjour et de l'autorisation de travail ; que par ailleurs aucune disposition de droit interne ne prescrit que les mineurs étrangers admis à séjourner au titre du regroupement familial soient mis en possession d'un titre de séjour ; que les dispositions de l'article L. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile disposent au contraire que Les membres de la famille entrés en France régulièrement au titre du regroupement familial reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire, dès qu'ils sont astreints à la détention d'un titre de séjour ; que le PREFET DE LA SAVOIE est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble lui a enjoint de délivrer un titre de séjour d'un an à la fille mineure de Mme B épouse A ;

Considérant que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B épouse A, qui ne demandait pas en première instance et ne demande pas non plus devant la Cour, que ce soit dans son mémoire produit avant la clôture de l'instruction, ni même dans son dernier mémoire produit après cette date, qu'il soit enjoint à l'administration d'autoriser sa fille mineure à séjourner sur le territoire français dans les mêmes conditions qu'elle, mais qu'il soit enjoint à l'administration de délivrer à sa fille mineure un titre de séjour de même durée que le sien, doivent être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme B épouse A, partie perdante, ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 7 novembre 2006 est annulé en tant qu'il porte injonction au PREFET DE LA SAVOIE de délivrer un titre de séjour d'un an à Mlle Maria C.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE LA SAVOIE est rejeté.

Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction et les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par Mme B épouse A sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE LA SAVOIE, à Mme Jamila B épouse A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Chalhoub, président-assesseur,

M. Arbarétaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2009.

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N° 07LY00221

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY00221
Date de la décision : 10/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Anne Sophie CHALHOUB
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : BESSON DIDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-12-10;07ly00221 ?
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