Vu le recours, enregistré le 24 octobre 2007, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502170 du 3 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé M. et Mme B des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2002 et a condamné l'Etat à leur verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rétablir M. et Mme Jean-Claude B au rôle de l'impôt sur le revenu pour l'année 2002 à concurrence des droits et pénalités dont la décharge a été ordonnée par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Le ministre soutient que c'est à tort que le tribunal a jugé que la durée de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle était excessive dès lors que l'administration fiscale était en droit de proroger cet examen de 152 jours, délai séparant la demande d'assistance française adressée le 12 janvier 2004 et la réception le 11 juin 2004 de la réponse des autorités polonaises ; que l'administration fiscale était fondée à présenter une telle demande dès lors qu'elle était en possession d'éléments attestant que, sur la période vérifiée, les contribuables pouvaient avoir disposé de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger ; que M. et Mme B ont été régulièrement informés de cette demande de renseignements et n'avaient pas à recevoir copie des documents adressés ou reçus dans le cadre de cette procédure d'assistance administrative internationale dès lors que l'article 26 de la convention fiscale franco-polonaise exclut la communication de telles informations au contribuable ; que c'est à bon droit qu'ont été imposées sur le fondement de l'article 1649 quater A du code général des impôts les sommes transférées par virement d'un compte ouvert au Luxembourg sur un compte en France dès lors que le compte n'avait jamais été déclaré à l'étranger ; que la circonstance alléguée par M. et Mme B selon laquelle ils auraient perçu au cours des années 1987 à 1997 des revenus et indemnités leur permettant d'alimenter leur compte au Luxembourg, ne suffit pas à justifier que les sommes transférées en 2002 étaient non imposables ou avaient été antérieurement imposées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 6 août 2009, présenté pour M. William B, Mme Monique A, divorcée B, Mlle Julie B et M. Romain B qui concluent au rejet du recours du ministre, à la confirmation du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Les intimés soutiennent que la communication des documents au stade de l'appel ne saurait pallier le fait qu'ils n'ont pas été communiqués comme ils auraient dû l'être en 2004 ; que l'administration n'établit pas avoir fait une demande d'assistance internationale ; que cette demande n'a pu proroger le délai dès lors que son contenu n'était pas justifié puisque les relevés de compte avaient été spontanément et intégralement communiqués ; que leur compte au Luxembourg n'a pu être approvisionné que par les sommes perçues avant l'année 2002 ; qu'ils justifient du fait que les fonds transférés ne constituent pas des revenus imposables dès lors que le solde créditeur provient pour partie d'économies réalisées sur les ressources perçues en Pologne et pour partie d'économies faites en France ; que c'est à tort que l'administration a fondé les redressements en litige sur le fondement de l'article 1649 quater A du code général des impôts dès lors qu'ils ont rempli leurs obligations prévues au 1er et 2ème alinéa de cet article en transférant leurs fonds par l'intermédiaire de la Caisse des dépôts et consignations ; qu'en imposant des revenus déjà taxés, l'administration viole la convention franco-polonaise ainsi que le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt ;
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par lettre en date du 4 septembre 2009, que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale franco-polonaise du 20 juin 1975 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2009 :
- le rapport de M. Monnier, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;
Considérant que M. et Mme B ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle concernant les années 2000, 2001 et 2002 à l'occasion duquel l'administration a recouru à la procédure d'assistance administrative prévue par l'article 26 de la convention fiscale signée le 20 juin 1975 entre la France et la Pologne ; qu'à l'issue du contrôle, l'administration a imposé M. et Mme B à raison d'une somme de 351 052,16 euros transférée le 3 septembre 2002 sur le compte du notaire dans le cadre de l'achat d'une maison sise à Narbonne en provenance d'un compte ouvert au Luxembourg au nom de M. B ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE interjette appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à la demande de M. et Mme B tendant à être déchargés de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2002 et des pénalités y afférentes, et demande que M. et Mme B soient rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu dont décharge a été ordonnée par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. Cette période est prorogée (...) pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères, lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger. ; qu'en vertu de ces dispositions si, en principe, l'examen de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification, cette période peut être prorogée notamment du délai nécessaire à l'administration pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger ;
Considérant que M. et Mme B ont accusé réception le 3 octobre 2003 de l'avis d'examen contradictoire de situation fiscale personnelle pour les années 2000, 2001 et 2002 qui leur a été adressé dans le cadre des dispositions de l'article L.12 susrappelées ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des pièces fournies par l'administration fiscale pour la première fois en appel, que l'administration, avertie par des attestations fournies par M. et Mme B dans leurs propres déclarations de revenu de ce que M. B avait travaillé en qualité de conducteur de travaux sur un chantier en Pologne du 1er janvier 2000 au 10 septembre 2001, a mis en oeuvre la procédure d'assistance administrative prévue par l'article 26 de la Convention fiscale franco-polonaise pour demander des renseignements concernant les revenus de M. B en Pologne ; que le délai d'un an prévu par les dispositions précitées de l'article L.12 a donc été interrompu du 12 janvier 2004, date d'envoi de la demande à l'administration fiscale polonaise, au 11 juin 2004, date à laquelle la réponse des autorités polonaises est parvenue à l'administration des impôts ; que, compte tenu de cette interruption, le délai d'un an n'était pas écoulé le 19 octobre 2004 lorsque le vérificateur a expédié à M. et Mme B la notification de redressement qui marque l'achèvement du contrôle ; que, pour regrettable qu'elle soit, la circonstance que l'administration fiscale n'a produit qu'en appel les documents attestant de la saisine des autorités polonaises est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ; que, notamment, contrairement à ce que soutiennent les intimés, l'administration n'avait pas à communiquer au cours de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle lesdits documents dès lors que l'article 26 de la Convention franco-polonaise stipule que Les renseignements ainsi échangés seront tenus secrets et ne seront communiqués qu'aux personnes et autorités (y compris les tribunaux ou organismes administratifs) chargées de l'établissement, de la perception ou du recouvrement des impôts visés par la présente convention ou des poursuites, réclamations et recours concernant ces impôts. et qu'au surplus, ainsi que le reconnaissent les intimés eux-mêmes, ces renseignements n'ont pas servi de fondement aux redressements résultant de l'examen contradictoire ;
Considérant que la demande d'assistance administrative adressée aux autorités polonaises est conforme aux dispositions de l'article L.12 du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration, avertie de ce que M. B avait travaillé du 1er janvier 2000 au 10 septembre 2001, a à bon droit considéré que l'intéressé avait pu disposer de revenus dans ce pays autres que ceux figurant sur le compte bancaire polonais de M. B dont ce dernier avait communiqué les relevés au vérificateur le 24 décembre 2003 ; qu'enfin, la circonstance que les renseignements ainsi obtenus n'ont pas été utilisés dans le cadre des redressements en litige ne saurait avoir pour effet de faire obstacle à la prorogation prévue par les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales et reste ainsi sans incidence sur la régularité de la procédure fiscale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé M. et Mme B des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2002 au motif que l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle s'est prolongé, sans justification des échanges d'informations, au-delà du délai d'un an prévu à l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B, tant devant la Cour que devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts : (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ; qu'aux termes de l'article 1649 quater A du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : Les personnes physiques qui transfèrent vers l'étranger ou en provenance de l'étranger des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un organisme soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du code monétaire et financier, ou d'un organisme cité à l'article L. 518-1 dudit code, doivent en faire la déclaration dans les conditions fixées par décret. Une déclaration est établie pour chaque transfert à l'exclusion des transferts dont le montant est inférieur à 7 600 euros. Les sommes, titres ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables lorsque le contribuable n'a pas rempli les obligations prévues aux premier et deuxième alinéas. ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme B étaient domiciliés en France et que M. B avait ouvert en 1993 un compte bancaire au Luxembourg qui n'a pas fait l'objet d'une déclaration auprès de l'administration fiscale ; que ce n'est que lors d'un entretien du 21 janvier 2004 et dans sa réponse du 25 mars 2004 à la demande de justifications après que l'administration avait reçu de la Caisse des dépôts et consignations l'information selon laquelle trois virements d'un montant total de 351 052,16 euros avaient été effectués le 3 septembre 2002 d'un compte luxembourgeois au compte du notaire par l'intermédiaire duquel M. et Mme B avaient acheté le même jour une propriété sise à Narbonne (Aude), que M. B a reconnu disposer d'un compte bancaire ouvert à son nom à la Cortal Bank Luxembourg et avoir utilisé l'argent placé dans cette banque pour acquérir cette maison ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutiennent les intimés, les dispositions précitées de l'article 1649 A du code général des impôts leur étaient applicables ; que la circonstance que le transfert se soit opéré par l'intermédiaire de la Caisse des dépôts et consignations et que les revenus transférés en septembre 2002 n'entraient par conséquent pas dans le champ d'application du dernier alinéa des dispositions précitées de l'article 1649 quater A du code général des impôts est sans incidence sur le bien-fondé des redressements au titre des dispositions précitées de l'article 1649 A du même code ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale était fondée à retenir la présomption de revenus prévue par les dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts, pour imposer, entre les mains des contribuables,, la somme de 351 052,16 euros au titre de leurs revenus de l'année 2002 ;
Considérant, en second lieu, qu'en se bornant à soutenir qu'ils ont perçu depuis 1987 d'importants revenus, notamment une indemnisation consécutive à un grave accident de cheval survenu en 1993, qui ont été soumis à l'impôt soit en France soit en Pologne, les intimés, qui n'apportent à l'appui de leur allégation aucun élément de preuve tendant à démontrer que la somme de 351 052,16 euros dont a été débité le compte de M. B au Luxembourg en 2002 proviendrait de tels revenus ou indemnités, n'établissent pas que ladite somme correspondrait à des revenus déjà soumis à l'impôt ou qu'elle en serait exonérée ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a réintégré cette somme dans les revenus des contribuables pour l'année 2002 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L' ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé M. et Mme B de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu de l'année 2002 et les pénalités y afférentes et qu'il y a lieu de les rétablir au rôle à raison desdites impositions ;
Sur les conclusions présentées par M. et Mme B, Mlle Julie B et M.Romain B au titre des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. B, Mme A, Mlle Julie B et M. Romain B, une quelconque somme au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n°0502170 du 3 juillet 2007 est annulé.
Article 2 : M. et Mme B sont rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2002, à raison des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dont le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand avait prononcé la décharge par ledit jugement.
Article 3 : La demande de M. et Mme B devant le tribunal administratif ainsi que les conclusions présentées en appel par M. William B, Mme Monique A, divorcée B, Mlle Julie et M. Romain B, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. William B, Mme Monique A, Mlle Julie B, M. Romain B et au ministre du budget, des comptes publics de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2009, où siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Monnier et Pourny, premiers conseillers,
Lu en audience publique, le 8 décembre 2009.
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N° 07LY02361