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02/12/2009 | FRANCE | N°09LY00231

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 02 décembre 2009, 09LY00231


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 5 février 2009 et régularisée le 29 mai 2009, présentée pour Mlle Vlora A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804934, en date du 7 octobre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 10 juillet 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait recon

duite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 5 février 2009 et régularisée le 29 mai 2009, présentée pour Mlle Vlora A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804934, en date du 7 octobre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 10 juillet 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention vie privée et familiale , dans le délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1196 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, qu'au regard de son état de santé et de l'impossibilité pour elle de bénéficier d'un traitement et d'un suivi médical appropriés dans son pays d'origine, la décision de refus de titre de séjour en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et viole les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ladite décision méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 de ce même code ainsi que les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à son insertion dans la société française, où se situe désormais le centre de ses intérêts privés et familiaux ; que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être annulées en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 3 juillet 2009, présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête et demande la mise à la charge de Mlle A de la somme de mille euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable pour défaut de moyen d'appel ; à titre subsidiaire, qu'il a été fait une juste application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les pièces produites par Mlle A ne permettant pas de remettre en cause l'avis du médecin inspecteur de santé publique s'agissant, en particulier, de la possibilité pour elle d'être soignée dans son pays d'origine ; que la décision de refus de délivrance de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mlle A ne peut, dès lors, pas se prévaloir de l'illégalité du refus de titre de séjour pour contester les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2009 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Bidault, avocat de Mlle A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Bidault ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Rhône :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : La requête (...) doit contenir l'exposé des faits et moyens (...) ;

Considérant que, contrairement aux allégations du préfet du Rhône, la requête d'appel présentée par Mlle A ne constitue pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance et énonce à nouveau de manière précise les critiques adressées aux décisions dont elle avait demandé l'annulation au Tribunal administratif de Lyon ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par le préfet du Rhône n'est pas fondée ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A, ressortissante du Kosovo, est entrée régulièrement en France le 27 juillet 2002, à l'âge de dix-neuf ans ; qu'elle a été autorisée à séjourner temporairement sur le territoire français du 20 octobre 2006 au 10 juillet 2008, en raison de son état de santé, après avis favorables du médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Rhône ; que, par décision du 10 juillet 2008 en litige, le préfet du Rhône lui a toutefois refusé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après que le médecin inspecteur de santé publique, consulté à nouveau sur la situation de l'intéressée, avait estimé, le 18 décembre 2007, que l'état de santé de Mlle A justifiait toujours une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle pouvait désormais effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces médicales produites au dossier que Mlle A est très régulièrement suivie par le centre médico-psychologique d'Oullins depuis le 7 mai 2004, pour des troubles psychologiques et psychiatriques majeurs et chroniques ; qu'un neuropsychiatre exerçant au Kosovo atteste, les 25 août et 27 octobre 2008, que certains des médicaments qui sont prescrits à la requérante ne sont pas disponibles au Kosovo et que ce pays ne dispose pas de structure spécialisée dans le traitement des traumatismes psychologiques ; que le préfet du Rhône, qui se borne à affirmer que la requérante ne démontre pas qu'elle ne pourrait pas être soignée dans son pays d'origine et n'apporte, au soutien de l'avis émis sur ce point le 18 décembre 2007 par le médecin inspecteur de santé publique, aucun justificatif, alors que les éléments circonstanciés produits par Mlle A sont de nature à remettre en cause cet avis médical, ne peut pas être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe qu'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays de renvoi ; que, par suite, en refusant à Mlle A, par décision du 10 juillet 2008, la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Rhône a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ce refus de titre de séjour est donc illégal et que les décisions du même jour faisant obligation à Mlle A de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le Kosovo comme pays à destination duquel elle serait reconduite si elle n'obtempérait pas à cette obligation, doivent être annulées par voie de conséquence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision portant refus de titre de séjour du 10 juillet 2008 du préfet du Rhône et les décisions subséquentes, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Rhône délivre le titre sollicité à la requérante ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à Mlle A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;

Sur les conclusions de Mlle A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que Mlle A, pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de Mlle A n'a pas demandé, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la mise à la charge de l'Etat de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions du préfet du Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mlle A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit du préfet du Rhône, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0804934, du 7 octobre 2008, du Tribunal administratif de Lyon, ensemble, les décisions du préfet du Rhône, du 10 juillet 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour à Mlle A, faisant obligation à cette dernière de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel l'intéressée serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale à Mlle A, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la requête de Mlle A est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par le préfet du Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Vlora A, au préfet du Rhône et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Du Besset, président de chambre,

Mme Vinet, conseiller.

Lu en audience publique, le 2 décembre 2009.

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N° 09LY00231


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00231
Date de la décision : 02/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : BIDAULT FREDERIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-12-02;09ly00231 ?
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