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18/11/2009 | FRANCE | N°09LY00445

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 18 novembre 2009, 09LY00445


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 février 2009 à la Cour et régularisée le 27 février 2009, présentée pour Mme Joséphine A, domiciliée chez Mme Marie Nicole Grothe, 36, rue Feuillât à Lyon (69003) ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807091, en date du 27 janvier 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 15 octobre 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'u

n mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expirati...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 février 2009 à la Cour et régularisée le 27 février 2009, présentée pour Mme Joséphine A, domiciliée chez Mme Marie Nicole Grothe, 36, rue Feuillât à Lyon (69003) ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807091, en date du 27 janvier 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 15 octobre 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les décisions attaquées sont insuffisamment motivées au sens de la loi du 11 juillet 1979 ; que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour méconnaît la nécessité de sa part de suivre des soins sur le territoire national ; que cette décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour ; que ces deux décisions méconnaissent les stipulations des articles 3 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français viole les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 4 mai 2009, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une irrégularité externe, dès lors que le médecin inspecteur de santé publique a été consulté préalablement et que la décision attaquée est suffisamment motivée ; que la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de l'état de santé de la requérante ; que la requérante ne saurait utilement invoquer la violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'elle n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ; que la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 4 novembre 2009 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Matsounga, avocat de Mme A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Matsounga ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision critiquée du 15 octobre 2008 énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que le préfet renvoie à l'avis du médecin inspecteur de santé publique qui précise que la requérante peut bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine, que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut voyager sans risque à l'exception de la voie aérienne ; qu'il n'était pas tenu de préciser les possibilités de traitement appropriés dans le pays d'origine et le moyen de transport adéquat pour que la requérante puisse voyager sans risque ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, de nationalité centrafricaine, entrée en France le 12 décembre 2004, a sollicité une première fois son admission au séjour dans le cadre des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'un refus lui a été opposé le 5 avril 2005 ; qu'elle a, de nouveau, sollicité son admission au séjour sur le fondement de cette même disposition ; que, suivant l'avis émis le 3 janvier 2008 par le médecin inspecteur de santé publique selon lequel son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine et il n'y avait pas de contre-indication médicale au voyage de l'intéressée vers son pays de destination à l'exception de la voie aérienne, le préfet du Rhône a rejeté sa demande par la décision attaquée du 15 octobre 2008 ; que, pour contester cette décision, Mme A produit une lettre à l'entête de Médecins du Monde, en date 8 février 2005, non circonstanciée, qui mentionne qu'elle présente un état médical nécessitant un suivi régulier et des soins dont certains ne peuvent être dispensés en République Centrafricaine et dont le défaut aurait des conséquences graves pour sa santé, ainsi qu'un certificat médical daté du 27 septembre 2009 qui fait état d'une hypertension artérielle, d'un glaucome sur cataracte opérée par implants et d'une prothèse au genou nécessitant la prise d'antalgiques et mentionne que son état de santé nécessite une prise en charge médicale et une surveillance régulière dont elle ne peut pas bénéficier dans son pays d'origine ; que, toutefois, ces éléments ne sauraient, par eux-mêmes, suffire à établir que Mme A ne pouvait pas, à la date de la décision attaquée, recevoir des soins appropriés à son état de santé en République Centrafricaine ; que le préfet, qui n'a pas à spécifier quels sont les soins nécessaires à l'intéressée dans son pays d'origine et le mode de transport pour y retourner, n'a pas méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) et qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que Mme A fait valoir qu'elle est prise en charge par sa fille et son beau-fils, tous deux de nationalité française et disposant de revenus suffisants, qu'elle est intégrée familialement et socialement et qu'elle n'a plus aucune attache dans son pays d'origine ; qu'elle produit, au soutien de ses allégations, un certificat de décès de son époux en date du 11 février 1994, un extrait de l'acte de mariage d'une de ses filles en date du 21 septembre 1996, plusieurs avis d'imposition de sa fille et de son gendre, des bulletins de paie du couple ainsi que des attestations témoignant de son attention à l'égard de ses petits enfants ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante, entrée en France à l'âge de soixante-deux ans, a passé la majorité de sa vie à l'étranger, séparée de sa fille et de son gendre, et qu'elle n'établit pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à soixante-deux ans ; qu'en mettant les autorités françaises devant le fait accompli de sa présence en France, Mme A n'a acquis aucun droit au séjour ; qu'ainsi, nonobstant la présence en France de sa fille, de son gendre et de ses petits enfants, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la faible durée de séjour de l'intéressée en France, et eu égard à la nécessité pour la France de faire respecter sa législation sur l'entrée et le séjour des étrangers, la décision contestée n'a pas porté au droit de cette dernière au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire manque en droit ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ;

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en quatrième lieu, que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne désigne pas le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que, dès lors, Mme A ne saurait utilement invoquer les risques et menaces qui pèseraient sur elle en cas de retour en République Centrafricaine ; que ce moyen ne peut donc qu'être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée est suffisamment motivée en droit par le visa des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que la décision portant obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire ; que cette décision doit par ailleurs être regardée comme suffisamment motivée en fait par l'indication que l'intéressée est de nationalité centrafricaine et qu'elle pourra être reconduite d'office à la frontière du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays où elle établirait être légalement admissible ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant la République Centrafricaine comme pays de destination, de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour ;

Considérant, en troisième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité des décisions portant refus de délivrance de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que la requérante n'apporte aucun commencement de preuve de nature à établir qu'elle serait actuellement et personnellement exposée à des traitements inhumains et dégradants ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Joséphine A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Montsec, président assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 novembre 2009.

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N° 09LY00445


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00445
Date de la décision : 18/11/2009
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : MATSOUNGA FRANCOIS XAVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-11-18;09ly00445 ?
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