La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/11/2009 | FRANCE | N°09LY00393

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 04 novembre 2009, 09LY00393


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 24 février 2009, présenté par le PREFET DE L'ISERE ;

LE PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804852, en date du 22 janvier 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 16 juillet 2008 par lesquelles il a refusé à M. Ammar A la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait l'obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé ;

2°) de rejeter la demande présent

e par M. Ammar A devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

LE PREFET DE L'ISER...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 24 février 2009, présenté par le PREFET DE L'ISERE ;

LE PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804852, en date du 22 janvier 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 16 juillet 2008 par lesquelles il a refusé à M. Ammar A la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait l'obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Ammar A devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

LE PREFET DE L'ISERE soutient que sa décision du 16 juillet 2008 ne porte pas au droit de M. Ammar A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que sa décision ne viole pas le droit au séjour de l'intéressé notamment au regard de son état de santé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 13 octobre 2009, le mémoire présenté pour M. A qui conclut au rejet du recours du Préfet de l'Isère et demande la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 35 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision portant refus de séjour a violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle a également méconnu les stipulations des 5° et 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'elle repose sur une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 21 octobre 2009 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de M. A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que si M. A, de nationalité algérienne, entré régulièrement en France le 29 octobre 2001, se prévaut de sa présence sur le territoire national depuis plus de sept ans et fait valoir sa parfaite intégration tant dans le milieu associatif que sportif, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant et que, jusqu'à son entrée en France en 2001, à l'âge de vingt-huit ans, il a vécu en Algérie où résident notamment sa mère et ses frères ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour en litige n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; que, par suite, le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 16 juillet 2008 portant refus de délivrance d'un titre de séjour pour violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. Ammar A devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. Michel B, Secrétaire général adjoint de la préfecture de l'Isère, signataire du refus de délivrance de titre de séjour opposé à l'intéressé le 16 juillet 2008, bénéficiait, par arrêté du 14 janvier 2008, régulièrement publié le même mois au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère, d'une délégation de signature du préfet de l'Isère l'autorisant à signer cette décision en cas d'absence ou d'empêchement de M. Gilles C, Secrétaire général de la préfecture de l'Isère ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'acte attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

Considérant, en troisième lieu, que pour les motifs sus-énoncés dans le cadre de l'examen du motif d'annulation du premier juge, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'a pas davantage méconnu les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : / (...) 7°) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens en l'absence de stipulations particulières de l 'accord franco-algérien relatives à l'instruction de la demande : (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur de la santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 susvisé : Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de la santé publique (...) émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d 'un traitement approprié dans son pays d'origine ; (...) / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique : Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit (...) permettre l'identification du praticien dont il émane et être signé par lui (...) ;

Considérant que le médecin inspecteur de la santé publique, dans son avis du 3 juin 2008, a estimé que l'état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale, que le défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risques, notamment en avion ; que cet avis qui doit, tout en respectant le secret médical, fournir au préfet les éléments relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre, nécessaires pour éclairer sa décision, répond aux exigences posées par l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 précité et est suffisamment motivé ; que cet avis comporte la signature et le nom de son auteur et permet ainsi d'identifier celui-ci ; que le médecin inspecteur n'était pas tenu par l'avis antérieur émis par le médecin inspecteur de la santé publique le 6 novembre 2003 ; qu'enfin, il ne ressort pas des ordonnances et certificats médicaux produits par M. A qu'il ne pourrait pas suivre effectivement un traitement approprié à sa pathologie en Algérie ; que M. A n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'ont été méconnues tant les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien que les dispositions des textes susvisés applicables aux avis des médecins inspecteurs de la santé publique, et que la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le PREFET DE L'ISERE a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. A avant de décider de ne pas faire droit à sa demande de délivrance d'un titre de séjour au titre des stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'estimant en situation de compétence liée par l'avis du médecin inspecteur de la santé publique pour prendre cette décision doit être écarté ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il convient d'écarter, par les mêmes motifs que ceux retenus précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, commise par le PREFET DE L'ISERE, quant aux conséquences de la décision attaquée sur l'état de santé du requérant ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que le PREFET DE L'ISERE, qui a procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé, se serait estimé en situation de compétence liée, au regard de la décision de refus de titre, pour prendre sa mesure d'éloignement ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que si M. A, dont la demande d'asile territorial a été rejetée le 3 avril 2003 par le ministre de l'intérieur, fait valoir qu'il a fait l'objet de menaces et a été agressé par des terroristes et qu'il a quitté l'Algérie pour préserver sa vie et sa sécurité, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit le caractère actuel et personnel des risques pour sa vie ou sa sécurité qu'il encourrait en cas de retour en Algérie ; que, par suite, en désignant l'Algérie comme pays de destination, le PREFET DE L'ISERE n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 16 juillet 2008 portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. A, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays vers lequel il serait reconduit;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0804852 du Tribunal administratif de Grenoble du 22 janvier 2009 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'ISERE, à M. Ammar A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2009 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Seillet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 novembre 2009.

''

''

''

''

1

2

N° 09LY00393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00393
Date de la décision : 04/11/2009
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : J. BORGES et M. ZAIEM

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-11-04;09ly00393 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award