Vu le recours, enregistré le 6 novembre 2008 à la Cour, présenté pour le PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0804512, en date du 7 octobre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 12 mars 2008 par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A, sa décision du même jour faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et celle, portant la même date, désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
2°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 1 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif, la décision de refus de délivrance de titre de séjour en litige et l'obligation de quitter le territoire français qui l'accompagne n'ont pas porté au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis, eu égard à la faible ancienneté de séjour en France et de mariage de l'intéressée, alors que cette dernière était insérée professionnellement dans son pays d'origine, où elle a conservé des attaches familiales, qu'elle n'a sollicité la régularisation de sa situation qu'au moment où elle était sur le point de donner naissance à un enfant et que sa situation relève de la procédure de regroupement familial ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré par télécopie le 6 mars 2009 et régularisé le 9 mars 2009, présenté pour Mme Sabah A, qui conclut au rejet du recours du PREFET DU RHONE et demande la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ; que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour sur laquelle elles se fondent et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et sont, en outre, entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 avril 2009, présenté pour le PREFET DU RHONE, qui maintient ses conclusions, précédemment énoncées, par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 et que la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu la décision du 20 mars 2009, par laquelle le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à Mme A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 7 octobre 2009 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- les observations de Me Vernet, avocat de Mme A,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée à Me Vernet ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, entrée régulièrement en France au cours de l'année 2005 pour exercer une activité salariée, a épousé un compatriote, le 24 mars 2007, et qu'un enfant est né de cette union, le 4 février 2008 ; que l'époux de l'intéressée, qui réside avec sa famille sur le territoire français depuis l'âge de dix ans, était titulaire d'une carte de résident valable du 2 mars 1998 au 1er mars 2008, locataire d'un logement et disposait d'un contrat de travail à durée indéterminée pour un emploi à temps complet de technicien, à la date des décisions en litige ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, et alors même que Mme A a conservé des attaches familiales au Maroc, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente six ans, suivi des études supérieures et exercé une activité professionnelle, elle doit être regardée comme ayant désormais fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, où elle vit auprès de son époux et de leur jeune enfant et dispose de réelles capacités d'insertion sociale et professionnelle ; que, dès lors, et alors même que Mme A est susceptible de bénéficier d'une procédure de regroupement familial, la décision du 12 mai 2008 par laquelle le PREFET DU RHONE a refusé de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire a porté au droit de cette dernière au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et a, par suite, méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, sa décision du 12 mars 2008 par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A ainsi que, par voie de conséquence, ses décisions subséquentes du même jour faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ; que les conclusions du PREFET DU RHONE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
Sur les conclusions de Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Robin, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme de mille euros au profit de Me Robin, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du PREFET DU RHONE est rejeté.
Article 2 : En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat versera la somme de mille euros à Me Robin, avocat de Mme A, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme A est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à Mme Sabah A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Délibéré après l'audience du 7 octobre 2009 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. Monnier, premier conseiller,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 octobre 2009.
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N° 08LY02424