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07/10/2009 | FRANCE | N°09LY00781

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 octobre 2009, 09LY00781


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 6 avril 2009, présentée pour M. Abdeljabbar A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805796, en date du 3 mars 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Drôme, du 9 décembre 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions s

usmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séj...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 6 avril 2009, présentée pour M. Abdeljabbar A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805796, en date du 3 mars 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Drôme, du 9 décembre 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de 30 jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 152 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ; qu'elle est insuffisamment motivée ; qu'elle est entachée d'un vice de procédure en ce que la commission du titre de séjour n'a pas été consultée préalablement ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et a été prise par une autorité incompétente ; qu'elle viole les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ainsi que celles du 6° de l'article L. 313-11 et du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 12 mai 2009 portant dispense d'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

Vu le code de justice administrative ;

M. A ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 23 septembre 2009 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision litigieuse énonce les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mme Marie-Paule B, secrétaire générale de la préfecture de la Drôme, qui a signé l'arrêté du 9 décembre 2008 en litige, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Drôme en date du 24 novembre 2008, régulièrement publiée le lendemain au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Drôme, l'autorisant à signer tous actes relevant des services de la préfecture, à l'exception de certains actes, limitativement énumérés, au nombre desquels ne figurent pas les décisions de refus de délivrance de titre de séjour assorties d'obligation de quitter le territoire français ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) et qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L.313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 (...) ;

Considérant que M. A n'établit pas, ni même n'allègue, remplir effectivement les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de la Drôme n'était donc pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A, ressortissant marocain entré en France le 24 juillet 2004, fait valoir qu'à la date de la décision attaquée, il était encore marié avec une ressortissante française avec laquelle il a eu une fille, née en France le 25 mai 2007, à l'entretien et à l'éducation de laquelle il participe, et qu'il n'a jamais commis de violences conjugales à l'encontre de son épouse, contrairement aux allégations de cette dernière ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la communauté de vie a cessé avec son épouse et qu'une ordonnance de non-conciliation a été rendue par le juge aux affaires familiales de Thionville, le 6 décembre 2007, autorisant les époux à introduire une instance en divorce et attribuant l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur l'enfant du couple au profit de la mère, auprès de laquelle sa résidence habituelle est fixée, le père se voyant accorder un droit de visite de deux heures mensuelles, dans un lieu neutre ; que le requérant n'établit pas, par les pièces qu'il produit, et notamment trois mandats, dont un postérieur à l'arrêté en cause, et une attestation de l'association auprès de laquelle le droit de visite du requérant sur sa fille doit être exercé certifiant que M. A a effectivement exercé son droit de visite les 7 février 2009, date de la première visite, 7 mars et 4 avril 2009, qu'il contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant à la date de la décision attaquée, le 9 décembre 2008 ; qu'il n'est pas établi que M. A soit dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à son entrée en France à l'âge de 32 ans ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, la décision par laquelle le préfet de la Drôme a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A n'a pas porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; que, dès lors, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que, contrairement à ce qui est mentionné dans l'arrêté litigieux, le requérant n'était pas divorcé au jour de la décision attaquée, mais simplement en instance de divorce, est sans incidence sur la légalité de ladite décision ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...) ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté comme inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué par M. A à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il convient d'écarter, par les mêmes motifs que ceux qui ont été retenus précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de délivrance de titre de séjour, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la mesure d'éloignement et de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 6°) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) et qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) / 6°) l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement ;

Considérant que si M. A, père d'un enfant français né le 25 mai 2007, soutient qu'il tente de préserver des liens avec sa fille qui vit en Moselle avec sa mère alors que lui-même réside dans la Drôme, et qu'il verse des sommes d'argent à son épouse afin de contribuer à l'entretien de sa fille, il n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis la naissance de cette dernière, par la production de mandats adressés à son épouse aux mois de juin et juillet 2008 et alors qu'à la date de la décision en litige, il n'avait pas encore commencé à exercer le droit de visite sur sa fille qui lui avait été accordé par le juge aux affaires familiales, le 6 décembre 2007 ; que, par suite, M. A ne pouvait pas se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet de la Drôme n'a pas davantage méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du même code en décidant que M. A devait quitter le territoire français ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions le concernant ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A n'entretenait pas, à la date de la décision attaquée, de contact avec sa fille de nationalité française ; que, dans ces circonstances, la décision par laquelle le préfet de la Drôme a fait obligation à M. A de quitter le territoire français n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant, en dernier lieu, que si M. A fait valoir qu'il a démissionné de l'emploi qu'il occupait au Maroc pour venir s'installer en France, en 2004, et que le salaire qu'il serait susceptible de percevoir, dans son pays d'origine, ne lui permettrait ni de financer des voyages pour venir voir sa fille ni de verser une pension alimentaire au profit de cette dernière, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que le préfet de la Drôme a entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette mesure sur la situation personnelle du requérant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abdeljabbar A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 octobre 2009.

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N° 09LY00781


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00781
Date de la décision : 07/10/2009
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : ALAIN FORT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-10-07;09ly00781 ?
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