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28/09/2009 | FRANCE | N°06LY00284

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 septembre 2009, 06LY00284


Vu la requête, enregistrée le 6 février 2006 au greffe de la Cour, présentée pour la SARL Compagnie Française de Téléphonie Mobile (CFTM), dont le siège social est 22 boulevard des Brotteaux à Lyon (69006), représentée par son gérant en exercice ;

La SARL CFTM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0303247 - 0304631 - 0305306 - 0305758 - 0401833, en date du 15 novembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes en décharge :

- de l'amende prévue à l'article 1788 septies du code général des impôts à laquelle el

le a été assujettie au titre des exercices clos en 1999 et 2000 ;

- du rappel de taxe ...

Vu la requête, enregistrée le 6 février 2006 au greffe de la Cour, présentée pour la SARL Compagnie Française de Téléphonie Mobile (CFTM), dont le siège social est 22 boulevard des Brotteaux à Lyon (69006), représentée par son gérant en exercice ;

La SARL CFTM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0303247 - 0304631 - 0305306 - 0305758 - 0401833, en date du 15 novembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes en décharge :

- de l'amende prévue à l'article 1788 septies du code général des impôts à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1999 et 2000 ;

- du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à son nom au titre de la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2000 et des pénalités y afférentes ;

- de la retenue à la source mise à son nom au titre des années 1999 et 2000 ;

- de la pénalité de l'article 1763 A du code général des impôts ;

- de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2000 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

Elle soutient :

- qu'aucune critique n'a été adressée à sa comptabilité par le service des impôts vérificateur ;

- que, la réalité des achats n'étant pas remise en cause, ni le chiffre d'affaires déclaré, le rejet des charges de la société des factures d'achats opérés auprès de ses fournisseurs français est totalement infondé ; que les acquisitions de marchandises sont bien appuyées des pièces justificatives légales établies par les différents fournisseurs et ont bien figuré parmi les stocks qui n'ont pas été critiqués dans la notification de redressement ; qu'il s'agit d'opérations économiques réelles qui peuvent être qualifiées d'opérations triangulaires prévues par la 6ème directive CE et par la directive n° 92/111/CEE du 14 décembre 1992 transposée en droit interne à l'article 258 D du code général des impôts ; que la société CFTM s'est assurée de la validité du numéro intracommunautaire de ses intermédiaires parisiens auprès de l'administration qui a confirmé la validité des numéros intracommunautaires fournis ; que ce n'est pas parce que les biens sont livrés physiquement et directement au client final que le transfert juridique doit suivre les flux physiques ; que ce serait nier l'existence des intermédiaires et des opérations triangulaires ;

- que la société peut invoquer le 2 de l'article 17 de la 6ème directive ; qu'il y a un lien direct et immédiat entre les marchandises achetées et les achats taxés ; que l'administration a d'ailleurs repris les principes de la 6ème directive dans sa documentation 3 D-113 du 2 novembre 1996 ; que selon la documentation de base , paragraphe 3, la taxe qui a grevé une acquisition intracommunautaire est déductible dans les conditions de droit commun ; que l'administration ne peut à la fois infliger la pénalité de 5 % pour défaut de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire et refuser la déduction de cette même taxe ;

- que les conditions de la déduction des acquisitions litigieuses sont réunies au regard des exigences de l'article 39 du code général des impôts ; que les acquisitions correspondent à une contrepartie réelle ; que là encore la société peut invoquer la directive n° 92/111/CEE du 14 décembre 1992 transposée en droit interne à l'article 258 D du code général des impôts ; que l'administration ne prouve pas que les téléphones vendus aux particuliers ne provenaient pas des fournisseurs français ; que le service des impôts ne démontre pas non plus l'absence de rôle d'intermédiaire des fournisseurs français ; que le chiffre d'affaires déclaré n'aurait pas pu être réalisé sans ces acquisitions ; que le service des impôts a pu constater que les sociétés italiennes et luxembourgeoises avaient effectivement livré les trois fournisseurs français au titre des deux années vérifiées ; qu'il y a délégation de paiement des fournisseurs intermédiaires français donnée à la société CFTM pour régler les fournisseurs italiens et luxembourgeois ; que la société CFTM n'est pas responsable de la situation fiscale de son fournisseur ;

- qu'en réalité, en rejetant les factures d'achat et en y substituant les achats fait par les fournisseurs français aux fournisseurs italiens et luxembourgeois, le service des impôts a procédé à une reconstitution des recettes ;

- qu'est infondée en l'espèce l'application d'une retenue à la source ; que tous les règlements opérés, et notamment le virement litigieux de 452 250 francs, correspondent à la réception de marchandises destinées à la vente ;

- qu'est également infondée l'application de la pénalité de 5 % sur les prétendues livraisons intracommunautaires ; que si la taxe sur la valeur ajoutée sur les acquisitions en cause n'est pas déductible, alors cette pénalité est infondée ; que la position du service des impôts est incohérente ;

- qu'est infondée l'application de la pénalité de 80 % de l'article 1729 du code général des impôts, la société CFTM n'étant ni l'auteur ni le bénéficiaire de la fraude ;

- qu'est infondée l'application de la pénalité de 100 % de l'article 1763 A du code général des impôts ; que l'infliction de cette pénalité n'est pas motivée ; qu'il n'y a eu en l'espèce aucun flux de sortie et aucune distribution ;

- que les entreprises ont normalement droit à la déduction de la taxe régulièrement facturée par leurs fournisseurs ; qu'il incombe au service des impôts de démontrer que la marchandise facturée n'a pas été réellement livrée ; que les fournisseurs français se présentaient comme régulièrement identifiés ; qu'au sens de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes interprétant l'article 4 de la 6ème directive CEE, la SARL CFTM est bien une entreprise réalisant des opérations économiques ; que le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, tel que posé par la Cour de Justice, doit être respecté ; que la société requérante peut se prévaloir du principe de sécurité juridique ; qu'en l'espèce les flux de marchandises sont bien réels ; qu'il ne saurait en conséquence y avoir en l'espèce de factures fictives ;

- qu'on ne saurait exiger d'une entreprise le contrôle de ses fournisseurs ; que le contrôle fiscal est réservé au service des impôts qui dispose de la technique du recoupement et du droit d'enquête prévu aux articles L. 80 F à L. 80 H du livre des procédures fiscales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que le service des impôts ne s'est pas livré en l'espèce à une reconstitution des recettes de la SARL CFTM ;

- que les rappels concernant les revenus distribués ont été motivés ; que l'administration a indiqué les motifs de fait et de droit les justifiant ; qu'elle n'était pas tenue de mentionner les textes fondant les rehaussements ; qu'en tout état de cause la mention des articles 109-1-1°, 109-1-2° n'a pas eu de conséquences quant à la désignation des bénéficiaires des revenus distribués ou à la compréhension des faits à l'origine de la qualification de revenus distribués ;

- que, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, en vertu des dispositions combinées des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts et de l'article 223-1 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou dont il ne peut ignorer qu'elle n'est pas le véritable fournisseur d'une marchandise ou d'une prestation effectivement livrée ou exécutée ; que dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présente à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture la déduction de la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que le litige porte sur la réalité des facturations émises par les sociétés SARL 520 Distribution, SARL Conseil Pratique et SARL Euro impex, qui ont facturé à la SARL CFTM des acquisitions de téléphones mobiles que cette dernière avait réalisées directement auprès des fournisseurs italiens et luxembourgeois AZ SRL, Stéréo + SRL, Big Sound et Discount Trading ; qu'il n'y a donc pas eu remise matérielle des biens par l'émetteur des factures ; que la SARL CFTM se faisait délivrer parallèlement des factures par des sociétés intermédiaires dans le but frauduleux de déduire la taxe sur la valeur ajoutée y figurant ; que ces facturations n'ont donné lieu à aucune livraison, et à quasiment aucun flux financier au bénéfice des fournisseurs apparents ; que les comptes fournisseurs ouverts aux noms des trois sociétés françaises enregistraient en réalité des paiements faits à des fournisseurs italiens ou luxembourgeois, sans que puisse être établie une corrélation précise entre les achats réalisés par la SARL CFTM auprès des fournisseurs apparents et ceux réalisés par les fournisseurs apparents auprès des fournisseurs réels, mais payés par la SARL CFTM ; que les achats présumés avoir été réalisés par cette dernière auprès des sociétés SARL 520 Distribution, SARL Conseil Pratique et SARL Euro Impex, sont en conséquence fictifs, au sens du 4 de l'article 283 du code général des impôt ; que ces éléments sont de nature à détruire la présomption née de la possession des factures ; qu'il appartient dans ces conditions à la SARL CFTM d'apporter tous éléments précis sur l'existence et la nature des contreparties retirées de chacune des transactions ; que ces éléments manquent ; que si la Cour estimait qu'il s'agit de factures de complaisance, il y aurait lieu de dire que ces factures n'ont pas de réelle cause économique ; que les fournisseurs ne pourraient alors être qualifiés d'assujettis agissant en tant que tels ; que le dirigeant de la SARL CFTM a été condamné pour fraude fiscale ; que la société ne peut donc être regardée comme ayant participé à son insu au circuit de fraude ; que le jugement correctionnel rendu le 9 juillet 2004 retient expressément la collusion des sociétés SARL 520 Distribution, SARL Euro Impex et CFTM dans la mise en place du système de carrousel dénoncé par l'administration ; que le juge pénal a notamment relevé l'absence de réalité économique des opérations litigieuses, ainsi que la collusion de la SARL CFTM avec les entreprises défaillantes en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

- que, s'agissant du paiement des marchandises, l'examen des règlements comptabilisés par la société requérante montre qu'il s'agit de paiements faits directement aux fournisseurs italiens ou luxembourgeois ; qu'il n'est pas établi qu'il y ait eu en l'espèce substitution de débiteurs ; qu'en vertu de l'article 1273 du code civil, la novation ne se présume pas ; qu'elle doit être expresse, selon l'article 1275 du code civil, ou, à tout le moins, certaine ; que, selon l'article 1277 du code civil, la simple indication faite par le débiteur d'une personne qui doit payer à sa place n'opère pas de novation ; qu'une délégation de paiement n'est pas établie ; qu'il s'agit en fait de la mise en place d'un réseau d'entités juridiques sans réalité économique destiné à travestir des acquisitions intracommunautaires en acquisitions internes par le biais de facturations et de livraisons fictives dont le but est d'obtenir le remboursement indu de la taxe sur la valeur ajoutée ; que dès lors la taxe sur la valeur ajoutée facturée par les trois sociétés françaises se présentant comme fournisseurs n'est pas déductible ;

- que l'amende fiscale de 5 % est due, dès lors qu'il a été procédé à des acquisitions intracommunautaires non déclarées ; qu'il n'y a pas contradiction entre l'infliction de cette amende et le refus de déduction de la taxe facturée par les sociétés SARL 520 Distribution, SARL Conseil Pratique, SARL Euro Impex ;

- que, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, les facturations faites par des fournisseurs apparents ne peuvent être prises en compte en frais généraux déductibles ; que l'administration a cerné au plus près la réalité économique en admettant en déduction, par bienveillance, les achats de marchandises effectués par l'entreprise pour leur montant réel ;

- qu'en vertu de l'article 119 bis du code général des impôts, les revenus distribués au profit de personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France font l'objet d'une retenue à la source ; qu'a été soumise à cette imposition la somme de 452 250 francs, correspondant à un virement en date du 23 septembre 1999 au bénéfice de la société italienne Iliffe Euroimpex SARL, qui a son siège à Bardonnecchia ; qu'aucune facture émanant de cette société n'a été produite pour justifier ce virement ; que, dès lors, ce versement sans contrepartie constitue une libéralité devant faire l'objet d'une retenue à la source ;

- que le service des impôts a demandé à la SARL CFTM l'identité des destinataires de sommes versées par elle, à raison de 265 747 francs en 1999 et 2 543 371 francs en 2000 ; que ces sommes, formant la base de la pénalité de l'article 1763 A du code général des impôts, sont des virements réalisés sans contrepartie en direction de personnes autres que les fournisseurs, apparents ou réels, de l'entreprise ; qu'il s'agit donc bien de distributions passibles des articles 117 et 1763 A du code général des impôts ;

- que l'existence de manoeuvres frauduleuses est établie et résulte des faits relevés par le service des impôts, ainsi que des constatations faites par le juge pénal, qui, ayant fait l'objet d'un jugement correctionnel devenu définitif, sont revêtues de l'autorité de la chose jugée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2009 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- les observations de Me Gibert, avocat de la SARL CFTM ;

- et les conclusions de M. Raisson, rapporteur public ;

- la parole ayant été de nouveau donnée aux partie présentes après les conclusions du rapporteur public ;

Sur la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi que le soutient à juste titre le ministre, la remise en cause d'éléments de déduction bien déterminés, à savoir d'un certain nombre de factures émises par des fournisseurs français, et la substitution du montant des achats présumés faits auprès des fournisseurs réels au montant des achats effectués auprès d' intermédiaires situés en aval de ceux-ci ne constituent pas, quels que soient les montants en cause, une reconstitution du chiffre d'affaires de l'entreprise, pas plus que le rejet de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces factures ; qu'il en va de même de la circonstance que l'amende de 5 % qui a été infligée à la société sur le fondement de l'article 1788 septies du code général des impôts repose sur la considération que l'entreprise a en fait, pour les opérations correspondant aux factures litigieuses, réalisé, non de simples achats auprès de fournisseurs français, mais des acquisitions intracommunautaires auprès des fournisseurs italiens et luxembourgeois ; que la SARL CFTM ne saurait donc en tout état de cause se plaindre de ce que le service des impôts n'aurait pas suivi les procédures auxquelles l'obligerait une telle reconstitution ;

Considérant en second lieu, que la SARL CFTM allègue que la motivation des rappels relatifs aux distributions ayant donné lieu à l'application de l'article 1763 A du code général des impôts serait insuffisante ou susceptible de rendre incompréhensible le fondement du redressement dont il s'agit, le vérificateur ayant cité à la fois les 1° et 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et le c de son article 111 ; que, cependant, il résulte de l'instruction, et notamment de l'examen de la notification du redressement en cause qu'elle contenait, pour chaque chef de redressement, un énoncé des faits suffisant à la compréhension des motifs factuels du rehaussement, et qu'elle rappelait, en ce qui concerne l'amende de l'article 1763 A du code général des impôts, et quant au droit applicable, les principes sur lesquels repose la qualification de distribution occulte ; que, dans ces conditions, la motivation des redressements, et celle de l'infliction de cette pénalité doivent être regardées comme suffisantes ;

Sur le bien-fondé des impositions et pénalités en litige :

S'agissant des rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

S'agissant de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à la charge de la SARL CFTM au titre de l'année 2000 et du rappel de la taxe sur la valeur ajoutée mis à son nom au titre de la période correspondante :

Considérant que, d'une part, en vertu des dispositions combinées des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts et de l'article 223-1 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou dont il ne peut ignorer qu'elle n'est pas le véritable fournisseur d'une marchandise ou d'une prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, d'autre part, seul peut être déduit du bénéfice industriel et commercial net, au titre des charges visées au 1 de l'article 39 du code général des impôts, le coût facturé de marchandises ou de prestations de services qui ont réellement été livrées ou rendues à l'entreprise ;

Considérant que, par jugement correctionnel du 9 juillet 2004, devenu définitif faute d'appel, le Tribunal de grande instance de Lyon a déclaré le gérant de la SARL CFTM coupable d'avoir soustrait cette société à l'établissement et au paiement partiel de la taxe sur la valeur ajoutée exigible au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2000 et de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2000 par la considération que les investigations ayant accompagné les vérifications de comptabilité des sociétés SARL 520 Distribution et SARL Euro impex, fournisseurs apparents de l'entreprise, avaient révélé que ces dernières étaient des entreprises éphémères et défaillantes à la taxe sur la valeur ajoutée, qui ont facturé à la SARL CFTM des acquisitions de téléphones mobiles que cette dernière avait réalisées directement auprès des fournisseurs italiens et luxembourgeois AZ SRL, Stéréo + SRL, Big Sound et Discount Trading, et que l'absence de réalité économique concernant les opérations facturées par les sociétés françaises et la collusion de la société CFTM étaient confirmées par les constatations faites dans le cadre de la notification du redressement ; que ce juge a estimé qu'il résultait des constatations de l'administration fiscale la preuve d'une communauté d'intérêts entre la SARL CFTM et les sociétés 520 Distribution et Euro impex et que l'interposition de ces sociétés, sans nécessité économique, entre la SARL CFTM et des fournisseurs établis dans d'autres Etats de l'Union Européenne avait pour unique finalité de procurer un droit à déduction indu de taxe sur la valeur ajoutée à la SARL CFTM ; que le juge pénal a, en ce qui concerne l'année 2000, validé l'ensemble des énonciations factuelles de la notification de redressements en retenant le montant total du rehaussement de base d'impôt sur les sociétés notifié par le service des impôts et le montant de taxe sur la valeur ajoutée rappelée ; que ces énonciations de fait, revêtues de l'autorité absolue qui s'attache aux décisions du juge pénal passées en force de chose jugée, font obstacle à ce que la SARL CFTM soutienne devant le juge administratif que les acquisitions en cause avaient la nature d'opérations triangulaires prévues par l'article 258 D du code général des impôts dont les dispositions transposent la directive CE n° 92/111/CE du 14 décembre 1992, et ouvraient donc droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée facturée par les deux fournisseurs français ; qu'elles font également obstacle à ce qu'il soit soutenu que la société n'était pas consciente de participer à un circuit de fraude fiscale et à ce que soient invoqués les stipulations des articles 4 et 17 de la directive n° 77 / 388 /CEE du 17 mai 1977 et le principe de sécurité juridique ; que, dès lors, il doit être considéré que l'administration fiscale était en droit d'estimer qu'elle pouvait, sur le fondement des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts et de l'article 223-1 de l'annexe II à ce code, remettre en cause la déduction de cette taxe, au motif qu'elle avait été mentionnée par des personnes qui n'étaient pas les véritables fournisseurs des marchandises et qu'il s'agissait d'un fait que l'entreprise ne pouvait ignorer ;

Considérant qu'il doit, de même, être considéré que le service des impôts était en droit, sur le fondement de l'article 39 du code, de remettre en cause la déduction des sommes versées sans justification économique à ces mêmes sociétés, au titre d'acquisitions de téléphones qu'elles n'ont pas livrées, sans que la société puisse exciper de ce qu'elle avait effectivement reçu, payé et comptabilisé en stocks ces matériels ;

S'agissant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la période du 15 janvier au 31 décembre 1999 :

Considérant qu'au cours de la période en cause, la SARL CFTM s'est fait livrer, dans les mêmes conditions qu'au cours de la période suivante, et auprès des mêmes fournisseurs italiens et luxembourgeois, des téléphones mobiles qui lui ont été facturés par les deux sociétés françaises précitées 520 Distribution et Euro impex, et également par la SARL Conseil pratique ; que les matériels ont cependant été livrés directement par les fournisseurs étrangers et ont été payés à ces fournisseurs, ou à des tiers non identifiés ; que si la SARL CFTM soutient qu'il s'agissait d'opérations triangulaires et que les paiements peuvent être réputés faits en l'acquit des intermédiaires français, et si certaines des pièces produites peuvent donner à penser que la SARL CFTM, en tant que cliente, était censée régler, en apparence, certains des fournisseurs de ses fournisseurs directement au nom de ceux-ci, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que les opérations reprochées entraient dans les prévisions de l'article 258 D du code général des impôts, et, d'autre part, la défaillance avérée et non discutée des fournisseurs français de la requérante vis-à-vis de leurs obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée montre qu'il s'agissait d'un circuit de fraude ; que si la société requérante fait valoir que les livraisons ont bien été effectuées et que les paiements sont bien intervenus, il demeure que les factures correspondantes ont été émises par des personnes qui, d'une part, n'étaient pas les fournisseurs réels des marchandises, et, qui, d'autre part, n'ont pas reversé au Trésor la taxe sur la valeur ajoutée facturée à la société requérante et déduite par elle ; que, compte tenu des liens existant entre la société CFTM et ses fournisseurs apparents, la SARL CFTM ayant avec les sociétés Conseils pratique et 520 Distribution un associé commun, qui est par ailleurs dirigeant de droit de ces deux dernières sociétés, ainsi qu'entre la SARL CFTM et la société Euroimpex, dont une entreprise associée a bénéficié, le 23 septembre 1999, d'un important virement financier non justifié de 452 250 francs, la SARL requérante ne peut soutenir qu'elle pouvait légitimement ignorer que les factures n'avaient pas été émises par les fournisseurs réels des marchandises et qu'elle les avait utilisées de bonne foi ; que le service des impôts était donc fondé, en vertu des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts et de l'article 223-1 de l'annexe II à ce code, à remettre en cause la déduction de la taxe portée sur ces factures ; que, dès lors qu'elle doit être regardée comme ayant participé à un circuit de fraude, la SARL CFTM ne peut se prévaloir des stipulations des articles 4 et 17 de la directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977, ni de celles de la directive CE n° 92/111/CE du 14 décembre 1992 ;

En ce qui concerne l'invocation de la doctrine administrative :

Considérant que si la société requérante entend également s'appuyer sur la doctrine administrative et mentionne à ce titre les BOI 3 A-7-93, n° 36 du 6 août 1993 et 3-CA-92 n° 256 du 31 juillet 1992, ainsi que la documentation administrative 3 D-113 du 2 novembre 1996, elle se borne à mentionner ces documents, sans citer leur contenu et sans expliquer en quoi ils donnent une interprétation plus favorable des textes qui lui sont opposés ; que les moyens qu'elle entend tirer de ces doctrines administratives sont ainsi dépourvus des précisions permettant leur prise en considération et ne peuvent donc qu'être écartés ; que la citation faite de la documentation administrative de base aux termes de laquelle la taxe qui a grevé une acquisition intracommunautaire est déductible dans les conditions de droit commun n'ajoute rien à la loi fiscale ;

S'agissant de la retenue à la source de l'article 119 bis du code général des impôts :

Considérant qu'en vertu de l'article 119 bis du code général des impôts, les revenus distribués au profit de personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France font l'objet d'une retenue à la source ; que l'administration fiscale a soumis à cette imposition la somme de 452 250 francs, correspondant à un virement en date du 23 septembre 1999 au bénéfice de la société italienne Iliffe Euro impex SARL, qui a son siège à Bardonnecchia ; que l'administration fait valoir qu'aucune facture émanant de cette société n'a été produite pour justifier ce virement ; que la société requérante soutient que cette somme est la contrepartie d'une livraison de marchandises à un de ses fournisseurs français apparents, réglée dans le cadre d'une délégation de paiement ; que, toutefois, elle ne justifie pas de l'existence de délégations de paiement entre, d'une part, la société Iliffe Euro impex SARL, qui n'est pas un de ses fournisseurs, et, d'autre part, ses fournisseurs français ou les autres sociétés de droit italien ou luxembourgeois auprès desquelles elle s'approvisionnait effectivement ; qu'elle n'établit pas davantage la réalité d'une novation, alors que, selon l'article 1273 du code civil, la novation ne se présume point, et que, selon l'article 1277 du même code la simple indication faite, par le débiteur, d'une personne qui doit payer à sa place, et, par le créancier, d'une personne qui doit recevoir pour lui, n'opère pas novation ; que, par suite, ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Lyon, l'administration doit être regardée comme établissant que le versement à la société Iliffe Euro impex, qui n'a donné lieu à aucune contrepartie, constitue une libéralité devant faire l'objet d'une retenue à la source, en application des dispositions susmentionnées ;

S'agissant de l'amende infligée sur le fondement de l'article 1788 septies du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes de l'article 1788 septies du code général des impôts : Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne un rappel de droits correspondants assorti d'une amende égale à 5 % du rappel pour lequel le redevable bénéficie d'un droit à déduction. ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ce texte que l'amende qu'il institue ne peut être appliquée que lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire ; qu'en raison de l'absence de réalité économique des acquisitions comptabilisées auprès des sociétés 520 Distribution, Euro impex, et Conseil pratique, la déduction de la taxe grevant ces opérations, qui s'élève à 2 676 287 francs au titre de l'année 1999 et à 1 690 683 francs au titre de l'année 2000, a été à bon droit refusée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; que c'est donc à tort que le service des impôts a appliqué l'amende de 5 % sur le rappel de taxe correspondant à ces opérations ; que la SARL CFTM est par suite fondée à demander sur ce point la réformation du jugement attaqué ; qu'en revanche, c'est à juste titre que l'administration a appliqué l'amende de 5 % à d'autres opérations, s'élevant à 2 320 252 francs en 1999 et 1 398 154 francs en 2000, dont le caractère d'acquisitions intracommunautaires ouvrant droit à déduction n'est pas contesté par la société requérante, et qu'elle n'avait pas déclarées comme telles ;

S'agissant de la pénalité fiscale de l'article 1763 A :

Considérant qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts : Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1763 A. ; qu'aux termes dudit article 1763 A : Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une pénalité égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. ; qu'il résulte de l'instruction que le service des impôts a demandé à la SARL CFTM l'identité des destinataires de sommes versées par elle, à raison de 265 747 francs en 1999 et 2 543 371 francs en 2000 ; que, dans sa réponse à la notification de redressements, la société requérante s'est bornée à soutenir, sans apporter d'éléments probants, que les sommes en cause étaient versées en contrepartie de prestations de services ou de livraisons de marchandises ; qu'elle doit ainsi être regardée comme ayant refusé de désigner les bénéficiaires des revenus distribués identifiés par l'administration, au sens des dispositions de l'article 117 du code général des impôts ; que si elle soutient que les bénéfices réputés distribués seraient inexistants, puisque les charges rejetées correspondaient à des achats réellement effectués, il ressort de l'instruction, et notamment des explications fournies par le ministre, que les sommes formant la base de la pénalité sont des virements réalisés en direction de personnes autres que les fournisseurs, apparents ou réels, de l'entreprise ; qu'il s'agit donc de sommes qui pouvaient être légalement présumées distribuées sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; que, par suite, elle n'est pas fondée à demander la décharge de la pénalité de 100 % appliquée par les services fiscaux sur les sommes précitées ;

S'agissant de la majoration de 80 % pour manoeuvre frauduleuse :

Considérant qu'il ressort des faits ci-dessus rappelés que la SARL CFTM a, en se faisant facturer par des entreprises françaises avec lesquelles elle était liée des achats de marchandises dissimulant des acquisitions intra-communautaires qu'elle n'a pas déclarées en tant que telles, tandis que ces entreprises, de leur côté, n'acquittaient pas les montants de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle déduisait, mis en oeuvre un procédé ayant pour but d'égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par ailleurs, ce même procédé a conduit à une majoration injustifiée des achats et, consécutivement, à un insuffisance de base imposable à l'impôt sur les sociétés de 244 371 euros ; qu'ainsi l'administration établit l'existence de manoeuvres frauduleuses de nature à justifier, par application de l'article 1729 du code général des impôts, la majoration de 100 % dont ont été assortis les droits de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés en litige ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL CFTM est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en tant qu'elle visait l'amende de 5 % de l'article 1788 septies du code général des impôts appliquée aux acquisitions comptabilisées auprès des sociétés 520 Distribution, Euro impex, et Conseil pratique ;

Sur les conclusions de la SARL CFTM tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La SARL CFTM est déchargée de la fraction de l'amende de 5 % de l'article 1788 septies du code général des impôts correspondant aux acquisitions comptabilisées au titre des années 1999 et 2000 auprès des sociétés 520 Distribution, Euro impex, et Conseil pratique.

Article 2 : Le surplus de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Compagnie Française de Téléphonie Mobile (CFTM) et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. Bernault, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Jourdan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 septembre 2009.

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N° 06LY00284 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY00284
Date de la décision : 28/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : SOCIETE FISCAVOC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-09-28;06ly00284 ?
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