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22/09/2009 | FRANCE | N°09LY00366

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 22 septembre 2009, 09LY00366


Vu le recours, enregistré par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 février 2009 et régularisé le 23 février 2009, présenté par LE PREFET DE L'ISERE ;

LE PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900571 en date du 6 février 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 3 février 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. El Yazid A ainsi que, par voie de conséquence, ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destin

ation de la reconduite et ordonnant son maintien en rétention administrative ;

2°) ...

Vu le recours, enregistré par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 février 2009 et régularisé le 23 février 2009, présenté par LE PREFET DE L'ISERE ;

LE PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900571 en date du 6 février 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 3 février 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. El Yazid A ainsi que, par voie de conséquence, ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de la reconduite et ordonnant son maintien en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 14 mai 2009, présenté pour M. A, qui conclut au rejet du recours et demande à la Cour :

1°) d'enjoindre au PREFET DE L'ISERE de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux jours, à compter de la notification du présent arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 050 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que c'est à bon droit que le premier juge a annulé l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière pris à son encontre en considérant qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cet arrêté pouvait également être annulé pour erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 2009 :

- le rapport de M. Fontanelle, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an (...) ;

Considérant que M. A, de nationalité algérienne, est entré régulièrement en France le 10 novembre 2002 sous couvert d'un visa étudiant ; qu'il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 15 février 2007, dont la légalité a été confirmée par jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 18 mai 2007 et par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 28 décembre 2007 ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité algérienne, est entré en France le 10 novembre 2002 pour y poursuivre ses études ; que s'il soutient vivre auprès de son père, établi en France depuis 1964, il n'est toutefois pas établi qu'il serait dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à son entrée en France à l'âge de vingt-quatre ans ; qu'il est célibataire et sans enfant ; que s'il se prévaut de sa présence indispensable, depuis près de trois ans, auprès de M. Morel, handicapé et tétraplégique, il n'établit pas que sa présence serait indispensable à ce dernier, qui est suivi par une association spécialisée dans le soutien aux personnes handicapées ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, dans ces conditions, le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a, au motif pris d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, annulé son arrêté du 3 février 2009 prononçant la reconduite à la frontière de l'intéressé et ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés en première instance par M. A ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que par arrêté en date du 5 janvier 2009, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère, le PREFET DE L'ISERE a donné à M. François B, secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer en toutes matières tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses, à l'exception des mesures concernant la défense nationale et celles concernant le maintien de l'ordre, des mesures de réquisition prises en application de la loi du 11 juillet 1938 et des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit ; qu'ainsi, la délégation de signature dont justifie M. B lui donnait compétence pour signer, en tant que secrétaire général, l'arrêté attaqué ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière comporte l'énoncé des éléments de fait et de droit sur lesquelles il se fonde ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il est insuffisamment motivé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement ;

Considérant que pour les motifs sus-énoncés dans le cadre de l'examen du motif d'annulation du premier juge, l'arrêté de reconduite à la frontière n'a pas davantage méconnu les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que par arrêté en date du 5 janvier 2009, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère, le préfet de l'Isère a donné à M. François B, secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer en toutes matières tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses, à l'exception des mesures concernant la défense nationale et celles concernant le maintien de l'ordre, des mesures de réquisition prises en application de la loi du 11 juillet 1938 et des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit ; qu'ainsi, la délégation de signature dont justifie M. B lui donnait compétence pour signer, en tant que secrétaire général, la décision attaquée ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision distincte fixant le pays de destination comporte l'énoncé des éléments de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'elle est insuffisamment motivée ;

Considérant, en troisième lieu, que pour les motifs sus-énoncés, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision distincte de placement en rétention administrative :

Considérant, en premier lieu, que par arrêté en date du 5 janvier 2009, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère, le préfet de l'Isère a donné à M. François B, secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer en toutes matières tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses, à l'exception des mesures concernant la défense nationale et celles concernant le maintien de l'ordre, des mesures de réquisition prises en application de la loi du 11 juillet 1938 et des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit ; qu'ainsi, la délégation de signature dont justifie M. B lui donnait compétence pour signer, en tant que secrétaire général, la décision attaquée ;

Considérant, en deuxième lieu, que cette décision, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, vise notamment l'arrêté de reconduite à la frontière pris le même jour et mentionne l'impossibilité de départ de M. A, en l'absence de moyen de transport immédiat, et l'absence de circonstances exceptionnelles et de garanties de représentation effective présentées par l'intéressé, est, par suite, suffisamment motivée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : le placement en rétention d'un étranger dans ses locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : / (...) 3° Soit faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant, (...) ne peut quitter immédiatement le territoire français (...) ;

Considérant que M. A ne présente aucune garantie de représentation effective ; que, dès lors, le PREFET DE L'ISERE a pu légalement ordonner son placement en rétention administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que LE PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté de reconduite à la frontière du 3 février 2009 et ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination et ordonnant le placement en rétention administrative de M. A ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE L'ISERE de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux jours doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, quelque somme que ce soit au profit de Me Coutaz, avocat de M. A, au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°0900571 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A devant le tribunal administratif de Lyon et devant la Cour sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'ISERE, à M. El Yazid A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Lu en audience publique, le 22 septembre 2009.

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N° 09LY00366

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY00366
Date de la décision : 22/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-09-22;09ly00366 ?
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