Vu la requête, enregistrée à la Cour le 21 novembre 2008, présentée par le Préfet de la Haute-Savoie ;
Le Préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0803196, en date du 9 octobre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a :
- annulé pour excès de pouvoir son arrêté du 17 juin 2008 par lequel il a, d'une part, retiré à M. Isa X la carte de séjour temporaire qui lui avait été délivrée pour la période du 13 novembre 1995 au 12 novembre 1996 et les deux cartes de résident qui lui avait été délivrées pour les périodes respectives du 13 novembre 1996 au 12 novembre 2006 et du 13 novembre 2006 au 12 novembre 2016 , d'autre part, refusé l'admission exceptionnelle de M. X au séjour et, enfin, obligé ce dernier à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixé le pays de destination en cas d'exécution forcée ;
- lui a enjoint de statuer à nouveau sur la demande de M. X dans le mois de la notification du jugement ;
- condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros à M. X en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;
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Il soutient que le Préfet de la Haute-Savoie, informé du caractère frauduleux du mariage dès 2004, lequel a été annulé par le tribunal de grande instance de Thonon le 16 octobre 2006, aurait dû refuser de procéder, le 12 décembre 2006, au renouvellement de la carte de résident de sorte que, ne l'ayant pas fait, l'administration ne pouvait plus se prévaloir de la fraude pour procéder par la suite au retrait du titre de séjour renouvelé pour la période du 13 novembre 2006 au 12 novembre 2016 ; qu'il ne s'est pas marié dans le seul but d'obtenir un titre de séjour ; que, par conséquent, l'annulation du mariage pour bigamie n'est pas susceptible de justifier le retrait opéré ; que le Préfet de la Haute-Savoie ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L 314-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en fait, il ne vivait pas en situation de polygamie au moment de la délivrance de la première carte de résident, n'ayant aucune relation avec sa première épouse ; que, dès lors qu'il avait sa résidence habituelle depuis plus de dix ans sur le territoire français, le préfet ne pouvait pas refuser son admission exceptionnelle au séjour, au titre de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans avoir préalablement saisi la commission départementale du titre de séjour instituée par l'article L 312-1 du même code ; qu'en lui refusant l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet a fait une inexacte application de cette disposition et méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 24 juin 2009 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Sur la décision portant retrait des titres de séjour :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en raison de son mariage avec une ressortissante française le 28 janvier 1995, M. X, ressortissant kosovar né le 25 mars 1962, est entré en France le 17 avril de la même année et a obtenu une carte de séjour temporaire qui lui a été délivrée pour la période du 13 novembre 1995 au 12 novembre 1996, puis une carte de résident pour la période du 13 novembre 1996 au 12 novembre 2006, laquelle a été renouvelée pour la période du 13 novembre 2006 au 12 novembre 2016 ; que le mariage n'a pu être prononcé qu'au vu d'un document falsifié faisant état de la situation de célibataire de M. X, alors qu'il était déjà marié avec une compatriote ; que ce mariage, rendu possible par la fraude, d'ailleurs annulé depuis pour bigamie par les instances judiciaires, et qui a servi de fondement à la délivrance des titres de séjour, ne pouvait emporter aucun effet à l'égard de l'administration qui était en droit de retirer, à tout moment, les titres de séjour qui, en conséquence de ce mariage, avaient été délivrés à l'intéressé ; que le Préfet de la Haute-Savoie est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a estimé que la carte de résident n'avait pas été obtenue frauduleusement pour annuler son arrêté du 17 juin 2008 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens présentés par M. X ;
Considérant, en premier lieu, que le Préfet de la Haute-Savoie n'a pas fondé le retrait sur les dispositions de l'article L 314-5 du code de l'entrée et du séjour, qui autorisent le retrait de la carte de résident délivrée à un ressortissant vivant en état de polygamie, mais sur l'existence d'une fraude ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation desdites dispositions est inopérant ;
Considérant, en second lieu, que, comme il l'a été dit ci-dessus, le Préfet de la Haute-Savoie pouvait, à tout moment, procéder au retrait de la carte de résident délivrée le 12 décembre 2006, obtenue par fraude, alors même le mariage avait déjà été annulé par une décision du Tribunal de Grande instance de Thonon-les-Bains en date du 16 octobre 2006 et qu'il aurait eu connaissance du caractère frauduleux de son mariage ;
Sur la décision portant refus d'admission exceptionnelle au séjour :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. X, informé par le préfet de son intention de procéder au retrait de sa carte de résident et invité à produire ses observations par un courrier du 26 février 2008, a répondu, le 4 mars suivant, en appelant l'attention de l'autorité administrative sur les désagréments qui en résulteraient pour lui en raison de l'ancienneté de son séjour en France où sa vie était organisée depuis de nombreuses années pour conclure en demandant de lui laisser sa carte de résident, il n'a pas, ce faisant, présenté une demande de carte de séjour temporaire en application des dispositions sus rappelées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, quand bien même le Préfet de la Haute-Savoie a estimé devoir examiner la situation de M. X au regard de ces dispositions, celui-ci ne saurait utilement invoquer, à l'encontre de la décision refusant de régulariser sa situation à titre exceptionnel, le défaut de consultation, pour avis, de la commission départementale du titre de séjour prévue par les dispositions précitées dudit article L. 313-14 en cas de demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que si M. X expose qu'il vit en France depuis 13 ans, travaille en Suisse, en tant que frontalier, et a acquis un bien immobilier pour lequel il rembourse mensuellement un crédit, ces circonstances, alors que l'intéressé s'est prévalu de documents falsifiés pour contracter un mariage lui permettant de s'installer et de résider en France, de surcroît entaché de bigamie, ne permettent pas de considérer que l'arrêté attaqué a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ;
Considérant que le présent arrêt ne nécessite aucune mesure d'exécution ; qu'au surplus, M. X n'a présenté aucune demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour ; que les conclusions de ce dernier tendant à ce qu'il soit prescrit au Préfet de la Haute-Savoie de réexaminer sans délai sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. X, partie perdante tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 1500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 9 octobre 2008 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X au Tribunal administratif de Grenoble et les conclusions présentées par M. X devant la Cour administrative d'appel de Lyon sont rejetées.
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N° 08LY02547