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10/06/2009 | FRANCE | N°08LY01164

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 10 juin 2009, 08LY01164


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 21 mai 2008, présentée pour Mme Jasmina Y épouse X, domiciliée ... ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707440, en date du 15 janvier 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2007 du préfet du Rhône portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et d'une décision désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'

expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 21 mai 2008, présentée pour Mme Jasmina Y épouse X, domiciliée ... ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707440, en date du 15 janvier 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2007 du préfet du Rhône portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et d'une décision désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention vie privée et familiale , et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous huit jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 27 mai 2009 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision du préfet du Rhône du 28 septembre 2007, refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme X, énonce les éléments de fait et les considérations de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ; que Mme X, de nationalité bosniaque, fait valoir qu'ayant été victime de maltraitances en Bosnie, elle souffre depuis lors d'un syndrome post traumatique, étant angoissée et sujette à des phénomènes de reviviscence, ainsi que des troubles du sommeil, de sorte que son état de santé nécessite un suivi psychologique et un traitement médical appropriés, et que son renvoi dans son pays d'origine où les traitements requis ne sont pas disponibles aurait des conséquences d'une extrême gravité sur son état de santé ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis du médecin inspecteur, que si l'état de santé de Mme X nécessite effectivement une prise en charge médicale, l'intéressée peut bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine ; que, dès lors, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ;

Considérant que Mme X est, selon ses déclarations, entrée en France le 14 janvier 2005 ; qu'elle est mariée à un compatriote lui-même en situation irrégulière sur le territoire français ; que le couple a deux filles, l'ainée née en Bosnie-Herzégovine le 24 mars 2004 et la seconde en France le 30 décembre 2005 ; qu'elle ne parle pas français et ne justifie pas avoir en France des liens familiaux autres que son mari et ses enfants ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine ; que rien ne s'oppose à ce que son époux, de même nationalité et lui-même en situation irrégulière, l'accompagne en vue de reconstituer la cellule familiale en Bosnie Herzégovine ; que dans ces conditions et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision par laquelle le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme X n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précitées ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'en refusant de faire droit à la demande de titre de séjour de Mme X, le préfet du Rhône n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de l'article 52 de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'intégration et à l'immigration, applicable à l'espèce : I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. / (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration (...) ; que l'article L. 511-4 du même code détermine les catégories d'étrangers qui, par exception à ces dispositions, ne peuvent pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

Considérant que l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, toutefois, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant que l'arrêté du préfet du Rhône faisant notamment obligation à Mme X de quitter le territoire français, qui comporte une décision motivée de rejet de sa demande de titre de séjour, comporte aussi le visa des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui fondent cette obligation ; que cet arrêté doit, par suite, être regardé comme suffisamment motivé au regard des exigences de l'article 1er de la loi susmentionnée ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour les même motifs que ceux qui ont été précédemment énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, la décision portant obligation pour Mme X de quitter le territoire français, ne porte pas, à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; ; que si l'état de santé de Mme X nécessite une prise en charge médicale, l'intéressée est en mesure de recevoir des soins appropriés dans son pays d'origine ; qu'en assortissant sa décision de refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers précitées ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que la décision fixant le pays à destination duquel sera reconduite Mme X, énonce les éléments de fait, ainsi que les considérations de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est suffisamment motivée ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que Mme X, originaire de Kamenica, commune appartenant aujourd'hui à la République Srpska, a fui sa région natale pour se rendre sur le territoire de la Fédération de Bosnie Herzégovine en 1992, où elle a vécu jusqu'en 2005 ; que les expulsions successives dont elle a fait l'objet ont été effectuées en application de la loi bosnienne afin de permettre aux propriétaires de recouvrer leurs logements ; que par ailleurs elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des menaces alléguées ; qu'enfin Mme X dispose d'une carte nationale d'identité et de documents d'état civil délivrés par la Fédération de Bosnie Herzégovine, lui permettant ainsi de s'y installer ; que dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précitées et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

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N° 08LY01164


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY01164
Date de la décision : 10/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SANDRINE RODRIGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-06-10;08ly01164 ?
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