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18/12/2008 | FRANCE | N°06LY00721

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 18 décembre 2008, 06LY00721


Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2006, présentée pour l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DE L'ELEVAGE ET DE SES PRODUCTIONS, venant aux droits de l'ONILAIT, représenté par son directeur ;

L'Office précité demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-3168 en date du 31 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de l'ONILAIT du 22 mai 2002 demandant à la Sarl France Crème de reverser une somme de 428 919,22 euros correspondant à des restitutions à l'exportation, et mis à sa charge la moitié des frais d'expertise f

ixés à 1 079,59 euros ;

2°) d'annuler le jugement n° 02-3168 en date du 18 ma...

Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2006, présentée pour l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DE L'ELEVAGE ET DE SES PRODUCTIONS, venant aux droits de l'ONILAIT, représenté par son directeur ;

L'Office précité demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-3168 en date du 31 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de l'ONILAIT du 22 mai 2002 demandant à la Sarl France Crème de reverser une somme de 428 919,22 euros correspondant à des restitutions à l'exportation, et mis à sa charge la moitié des frais d'expertise fixés à 1 079,59 euros ;

2°) d'annuler le jugement n° 02-3168 en date du 18 mai 2004 par lequel le Tribunal adminisratif de Lyon a prescrit ladite expertise ;

3°) de rejeter la demande de la société France Crème devant le tribunal administratif ;

4°) de mettre à la charge de la société France Crème le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code rural ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2008 :

- le rapport de M. Fontbonne, président-assesseur ;

- les observations de Me Richard, avocat de la Sarl France Crème ;

- et les conclusions de M. Besson, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête d'appel :

Sur la recevabilité de la demande de la société France Crème devant le tribunal administratif :

Considérant que la demande introductive d'instance de la société France Crème devant le tribunal administratif fait valoir que la décision de l'ONILAIT est fondée sur des faits matériellement inexacts ; que sa requête satisfait ainsi aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que la fin de non-recevoir opposée sur ce point par l'ONIE doit être écartée ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 18 mai 2004 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que c'est à bon droit qu'en l'absence d'éléments suffisants présentés par les deux parties pour lui permettre de statuer en toute connaissance de cause que le Tribunal administratif de Lyon a par son premier jugement du 18 mai 2004, prescrit une expertise ; que les conclusions de l'ONIE tendant à l'annulation de ce jugement qui est suffisamment motivé doivent être rejetées ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 31 janvier 2006 :

Considérant que la société France Crème a obtenu pour les années 1995 et 1996 le versement par l'Office national interprofessionnel des produits laitiers (ONILAIT) des restitutions à l'exportation pour un montant de 302 608,29 euros au titre de l'exportation hors CEE de crème fouettée présentée en bombes aérosols ; que s'agissant d'un produit transformé, le montant de la restitution est calculé en fonction de la quantité de produits de base éligibles à l'aide entrant dans la composition du produit ; que les restitutions sont versées au vu de la formule de fabrication du produit décrite par l'entreprise sur un formulaire dénommé « liste analytique » et de ses déclarations sur les quantités de produits de base utilisées consistant en l'espèce en sucre et matière grasse ; qu'à l'issue d'un contrôle sur place effectué par les services des douanes, la société n'a été en mesure de produire ni comptabilisé matière, ni fiches de fabrication, ni analyses de laboratoire ; que, par la décision litigieuse du 22 mai 2002, l'ONILAIT a estimé qu'en l'absence de comptabilité-matière afférente aux lots de fabrication exportés, la société ne pouvait justifier de ses déclarations relatives aux quantités de produits de base incorporés dans lesdits lots et a demandé le reversement de la restitution indument perçue assorti d'une pénalité de 126 310,93 euros ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7-1. du règlement CEE n° 122/94 du 30 mai 1994 établissant pour le produit en cause les modalités d'application du régime d'octroi des restitutions à l'exploitation : « l'intéressé doit fournir aux autorités compétentes, à l'appui de sa déclaration, tous les documents et toutes les informations que ces dernières estiment opportuns. En vue de vérifier l'exactitude de la déclaration qui leur est faite, les autorités habilitées à cet effet utilisent tout moyen de contrôle approprié... » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1-2 du règlement CEE n° 4045/89 du 21 décembre 1989 : « ... aux fins du présent règlement on entend par documents commerciaux l'ensemble des livres, registres, notes et pièces justificatives, la comptabilité, les dossiers de production et de qualité, et la correspondance, relatifs à l'activité professionnelle de l'entreprise ainsi que les données commerciales sous quelque forme que ce soit, y compris sous forme informatique, pour autant que ces documents ou données soient en relation directe ou indirecte avec les opérations visées au paragraphe 1. » ; qu'aux termes de l'article 2 du même règlement : « 1. Les états membres procèdent à des contrôles des documents commerciaux des entreprises en tenant compte du caractère des opérations à contrôler ... » ; qu'aux termes de l'article 3 : « 1. L'exactitude des principales données soumises au contrôle est vérifiée, dans les cas appropriés, par le biais de recoupements en nombre adéquat, comprenant notamment :

- des comparaisons avec les documents commerciaux fournisseurs, des clients des transporteurs ou d'autres tiers présentant un lien direct ou indirect avec les opérations effectuées dans le cadre du système de financement par le FEOGA, section « garantie » ;

- des contrôles physiques de la quantité et de la nature des stocks ;

- des comparaisons avec la comptabilité des mouvements financiers en amont ou en aval des opérations effectuées dans le cadre du système de financement par le FEOGA, section « garantie » ;

2. Plus particulièrement lorsque les entreprises sont obligées de tenir une comptabilité matière spécifique conformément aux dispositions communautaires ou nationales, le contrôle de cette comptabilité comprend, dans les cas appropriés, la confrontation de celle-ci avec les documents commerciaux et, le cas échéant, avec les quantités en stock de l'entreprise » ;

Considérant qu'il appartient aux organismes d'intervention agricole d'apporter la preuve qui leur incombe de l'inexatitude des décarations faites par les bénéficiaires des restitutions à l'exploitation ; que cette preuve peut en particulier résulter de l'analyse d'échantillons de la marchandise prélevés par les autorités chargées du contrôle en douane ; que, toutefois, lors de contrôles effectués postérieurement à l'opération d'exportation et lorsque des analyses ne sont plus susceptibles d'être effectuées, les organismes d'intervention agricole peuvent procéder à des contrôles sur pièces et apporter par tout moyen la preuve de l'inexactitude des déclarations du bénéficaire des restitutions à l'exploitation ; que, dans le cas où un organisme d'intervention agricole avance des éléments de fait révélant avec un degré suffisamment élevé de vraissemblance le caractère inexact de déclarations, il appartient au juge d'apprécier si l'inexactitude des déclarations est établie ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'expertise prescrite par le tribunal administratif que les éléments comptables produits par la société mettent en évidence une concordance globale suivant une périodicité mensuelle entre les quantités de produits de base achetés pour l'ensemble des fabrications, la formule de fabrication déclarée et les quantités des produits transformés vendus tant sur le marché national et communautaire qu'hors CEE ; que, cependant en l'absence d'éléments permettant d'isoler la part de produits de base utilisés, affectée aux quantités exportées hors CEE cette concordance globale ne peut elle-même constituer une justification ; que la société soutient, toutefois, qu'un ensemble d'éléments qu'elle a produit au contentieux justifient que toute sa fabrication est de composition homogène, quelle que soit sa destination ;

Considérant que l'analyse versée au dossier à laquelle a fait procéder la société tchèque qui a acheté des produits de la société France Crème se borne à conclure à leur conformité aux exigences sanitaires sans se prononcer sur leur teneur en matière grasse et sucre ; que si les analyses effectuées par les laboratoires Ercem et Enilia mettent en évidence une conformité à la formule de fabrication, elles correspondent à des prélèvements réalisés sur des points de vente situés en France ; que, si les analyses effectuées sur des produits fabriqués en sous-traitance par une société française et une société néerlandaise mettent également en évidence une conformité à la formule de fabrication, aucun élement ne permet de déterminer si ces produits ont ensuite été commercialisés sur le marché national et communautaire ou hors CEE ; que trois bulletins d'analyse du laboratoire des Douanes de Lyon afférentes à des lots exportés, portent essentiellement sur la détermination du poids net des produits et ne donnent aucune indication sur leur teneur en matière grasse ; qu'en revanche, deux analyses du laboratoire des douanes portant sur des lots exportés mettent en évidence une conformité à la formule de fabrication et aux déclarations de la société ;

Considérant qu'il résulte ainsi du débat contentieux que la société France Crème qui n'a pas été en mesure initialement de produire les documents commerciaux qui lui étaient demandés, à savoir comptabilité-matière, fiches de fabrication et analyses de laboratoire, n'a, par ailleurs, produit, hormis deux analyses favorables, aucun autre document probant ; que, toutefois, de son côté l'ONILAIT qui ne peut utilement faire état de contrôles défavorables réalisés en 1997, ne peut se prévaloir d'aucune anomalie constituant un commencement de preuve d'une production non homogène au cours des années 1995 et 1996 ; que, par suite, alors même que les analyses favorables portent seulement sur deux lots sur plus d'une centaine de lots concernés, l'ONILAIT ne peut, au regard de la seule circonstance que la société n'a pas présenté les documents commerciaux qui lui étaient réclamés, être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe de l'inexactitude des déclarations qui lui ont été fournies ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'ONIE venant aux droits de l'ONILAIT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par son jugement du 31 janvier 2006, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 22 mai 2002 du directeur de l'ONILAIT et déchargé la société France Crème du reversement de la somme de 428 919,22 euros ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, et en l'absence de circonstances particulières justifiant une répartition différente, les frais d'expertise taxés à la somme de 2 195,18 euros doivent être mis à la charge de l'ONIE partie perdante ; que l'article 4 du jugement du 31 janvier 2006 partageant par moitié lesdits frais entre les deux parties, doit être annulé ;

Considérant que les conclusions de l'ONIE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'il est partie perdante ; que, sur le fondement de ces mêmes dispositions il y a lieu, en revanche, de mettre à sa charge le versement à la société France Crème d'une somme de 1 200 euros ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DE L'ELEVAGE ET DE SES PRODUCTIONS (ONIE) est rejetée.

Article 2 : L'article 4 du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 31 janvier 2006 est annulé.

Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de l'ONIE pour un montant de 2 195,18 euros, toutes taxes comprises.

Article 4 : sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'ONIE versera à la société France Crème une somme de 1 200 euros.

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N° 06LY00721


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY00721
Date de la décision : 18/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Gérard FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : SCP GOUTAL et ALIBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-12-18;06ly00721 ?
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