Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 mai 2005, présentée pour M. Bruno X, domicilié ... ;
M. X demande à la Cour:
1°) d'annuler le jugement n° 0301630 du 1er mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement de 2%, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999 et 2000, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat à son profit la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du:
- le rapport de M. Bernault, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. Raisson, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. X engagé le 4 février 2002 et portant sur la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2000, le service des impôts, ayant constaté que M X avait ouvert un compte auprès du Crédit Suisse de Genève et y avait déposé, les 9 septembre et 11 octobre 1999, deux chèques d'un montant de 200 000 francs chacun, a notifié à l'intéressé, le 15 Y 2002, sur le fondement des dispositions des articles 1649 A et 1649 quater A du code général des impôt, un rehaussement de 400 000 francs au titre de l'année 1999 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et des redressements en base de 61 178 francs et 59 978 francs dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 1999 et 2000, ces sommes représentant les intérêts perçus sur cette somme de 400 000 francs ; qu'il s'en est suivi des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu , de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement de 2%, que M. X a vainement contestées devant le directeur des services fiscaux, puis devant le Tribunal administratif de Dijon ; qu'il fait appel du jugement en date du 1er mars 2005 par lequel ce Tribunal a rejeté sa demande en décharge des impositions en cause ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :
Sur l'imposition d'une somme de 400 000 F en 1999 au titre de bénéfices non commerciaux :
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 A du code général des impôt : « Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables. » ; et qu'aux termes de l'article 1649 quater A du même code : « les personnes physiques qui transfèrent vers l'étranger ou en provenance de l'étranger des sommes, titres ou valeurs sans l'intermédiaire d'un organisme soumis aux dispositions du titre 1er du livre V du code monétaire et financier, ou d'un organisme cité à l'article L. 518-1 dudit code, doivent en faire la déclaration dans les conditions fixées par décret. Une déclaration est établie pour chaque transfert à l'exclusion des transferts dont le montant est inférieur à 50 000 francs . Les sommes, titres ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables lorsque le contribuable n'a pas rempli les obligations prévues aux premier et deuxième alinéa » ;
Considérant qu'il ressort de ces dispositions qu'il appartient au redevable, lorsqu'il n'a pas révélé au service des impôts l'existence de comptes ouverts à son nom ou à sa disposition au sein d'organismes établis à l'étranger, ou lorsqu'il n'a pas révélé des transferts de fonds en direction ou en provenance de l'étranger, d'apporter la preuve que les sommes transférés à l'étranger ou en provenant ne constituent pas des revenus imposables ; qu'en revanche ces dispositions n'autorisent pas par elles-mêmes l'administration à taxer à l' impôt sur le revenu les opérations effectuées sur notre territoire et ayant abouti à la constitution des sommes transférées dès lors qu'il existe au moins une présomption du caractère non imposable de ces opérations ;
Considérant, en premier lieu, que le requérant a justifié la somme de 200 000 francs déposée le 9 septembre 1999 sur son compte au Crédit Suisse et provenant d'un chèque tiré sur le compte d'une Mme Florence Y comme constituant un prêt consenti par cette personne ; qu'il a produit la photocopie du chèque en cause, qui porte une mention manuscrite de Mme Y « somme prêtée à titre amical provenant de l'expropriation de ma maison de ... » ; qu'il prouve avoir émis des chèques au profit de la même personne, s'élevant aux montants de 5 000 francs le 2 avril 2001, 80 000 francs le 21 novembre 2001, 10 000 euros le 28 juin 2002, 2 000 euros le 12 août 2003, 1 500 euros le 1er novembre 2003, 1 000 euros le 9 décembre 2003, 500 euros le 16 janvier 2004, 500 euros le 21 février 2004, 300 euros le 22 avril 2004, et enfin 1 700 euros le 10 août 2004 ; qu'ainsi, alors que Mme Y a versé au requérant 200 000 francs le 9 septembre 1999, 85 000 francs ont été versés en retour à cette même personne avant le début de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle ; que, dans les circonstances de l'espèce, il doit être admis que l'intéressé apporte des éléments suffisant à établir que la somme en litige est bien constitutive d'un prêt qu'il avait commencé à rembourser avant le début du contrôle ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que le requérant explique le versement de 200 000 francs sur son compte au Crédit Suisse intervenu le 11 octobre 1999 comme provenant du compte bancaire ouvert à son nom dans les écritures du CIC Lyonnaise de banque, dont le solde était à cette date créditeur de 232 205,42 francs ; que l'administration, qui ne nie pas cette origine, fait valoir que ce solde n'est pas lui-même justifié, dès lors que le requérant n'aurait pas justifié du caractère non imposable des sommes créditées à ce compte et concourant au solde susindiqué ; que, cependant, il ressort du dossier d'appel que l'intéressé a apporté des justificatifs suffisants en ce qui concerne ses salaires et un prêt bancaire de 20 000 francs qu'il invoquait comme concourant à ce solde ; que, s'agissant de la somme de 300 000 francs virée sur le compte bancaire CIC le 7 septembre 1999 et provenant d'une société Krier et Partners, le requérant explique qu'il a remis une somme de 300 000 francs le 20 Y 1999 à une certaine Mme Dufrene sous la forme d'un chèque établi par lui au profit de la société Winterthur le 20 Y 1999, que ce chèque a été débité de son compte le 29 Y 1999, et que cette somme lui a été restituée sous la forme d'un virement du même montant provenant de cette société Krier et Partners, immatriculé au RCS d'Antibes,et qui a été liquidée en 2000 ; qu'il résulte de l'instruction que Mme Dufrene se donnait alors un rôle d'intermédiaire entre des demandeurs de crédits bancaires et des banques suisses et que la société Krier et Partners avait pour activité le courtage en assurance et le conseil en gestion de patrimoine et le conseil financier ; qu'eu égard à la proximité dans le temps des deux opérations, au fait qu'il n'est pas contesté que M. X était à l'époque en recherche de crédit, et à la nature des activités respectives des différents intervenants, il doit être considéré que le redevable apporte des justifications suffisantes concernant le crédit de 300 000 francs susévoqué ; que, s'agissant de la somme de 400 000 francs apparue en crédit le 15 février 1999 sur le compte ouvert au CIC, le requérant établit qu'il s'agit d'un remboursement d'un compte courant qu'il possédait dans les écritures d'une société SARL La Rotonde ; que si le ministre fait valoir que la preuve de ce remboursement ne constitue pas la preuve du caractère non imposable de la somme de 400 000 francs, cet argument est sans portée, dès lors que la détention d'un compte courant faisant ressortir un solde positif constitue par elle-même une présomption de la propriété de ce solde, et que, dans le cadre des dispositions des articles 1649 quater et 1649 quater A, une telle présomption suffit à justifier les transferts observés, en l'absence d'élément contraire apporté par l'administration ; que, s'agissant de la somme de 70 000 francs créditée sur le compte CIC Lyonnaise de banque, provenant d'un chèque tiré sur le Crédit Mutuel émis le 23 Y 1999 par Mme X, épouse du requérant, l'intéressé explique que cette somme provient de deux sommes, l'une, de 11 000 francs, provenant du solde créditeur du compte de Monsieur X ouvert dans les écritures du Crédit Mutuel, compte qui venait d'être alimenté par deux remises de chèques opérées les 28 août et 23 décembre 1998, et l'autre, de 59 331,54 francs, provenant du déblocage du compte épargne de Monsieur X ; que ces explications justifient suffisamment, dans le cadre juridique de l'espèce, de l'origine de la somme de 70 000 francs ; qu'enfin, si le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie fait valoir que le versement, intervenu le 27 août 1999, d'une somme de 150 000 francs correspondant aux dividendes reçus de la SARL Auto Bilan Creusot n'a pas pu concourir à la constitution du solde créditeur de 232 205,42 francs existant au 11 octobre 1999, puisqu'un débit du même montant est intervenu dès le 2 septembre 1999, cet argument ne peut qu'être écarté en l'absence de balance de trésorerie ou de demande de justification systématique des crédits bancaires apparus au cours d'une période d'imposition déterminée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X établit que c'est à tort que l'administration des impôts et les premiers juges ont estimé que la somme de 400 000 francs était constitutive de revenus non dénommés imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;
Sur l'imposition de deux sommes de 61 178 francs et 59 978 francs au titre des années 1999 et 2000 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers :
Considérant que si, en application des dispositions de l'article 125 du code général des impôts le fait générateur de l'imposition des intérêts qui rémunèrent le dépôt de sommes d'argent est le seul fait soit du paiement de ces intérêts de quelque manière qu'il soit effectué soit de leur inscription au débit ou au crédit d'un compte, cette règle doit être écartée s'il est établi que l'écriture, au moment où elle a été passée, avait un caractère fictif en raison des intentions comme des actes de son auteur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'examen d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de M. Claude Grandjean, prise le 25 Y 2003 par un vice-président du Tribunal de grande instance de Paris, que le compte ouvert au Crédit Suisse au nom du requérant, et sur lequel la somme susévoquée de 400 000 francs avait été déposée, avait fait l'objet d'une procuration au bénéfice de M. Grandjean, et que ce dernier, par escroquerie, a accaparé cette somme, ne restituant à l'intéressé à titre d'« intérêts » qu'un montant inférieur au capital ; que si le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie fait valoir que M. X n'a produit aucune décision de justice établissant que M. Grandjean n'aurait pas procédé aux placements annoncés et qu'il aurait entretenu sa confiance en créditant son compte du montant des intérêts convenus grâce aux fonds remis par de nouveaux clients, les faits consignés dans l'ordonnance du 25 Y 2003 ne sont contredits par aucune pièce du dossier et doivent être regardés comme établis ; que, par conséquent, il doit être considéré que les intérêts servis à raison de la somme de 400 000 francs en principal n'ont constitué qu'un remboursement partiel du capital engagé et n'étaient par suite pas imposables à l'impôt sur le revenu ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande et ne l'a pas déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement de 2 % mises à sa charge au titre de l'année 1999 à raison de la taxation des sommes de 400 000 francs et 61 178 francs et au titre de l'année 2000 à raison de l'imposition de la somme de 59 978 francs ;
Sur les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat au profit de M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .
DECIDE :
Article 1er : le jugement n° 0301630 du 1er mars 2005 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : M. X est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement de 2 % mises à son nom au titre de l'année 1999 à raison de la taxation des sommes de 400 000 francs et 61 178 francs et au titre de l'année 2000 à raison de l'imposition de la somme de 59 978 francs.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 05LY00830