Vu la requête, enregistrée le 14 février 2007, présentée pour M. Francisco X, domicilié ... ;
M. X demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 0501120 du 5 décembre 2006 en ce qu'il a limité à la somme de 3 000 euros le montant de la condamnation de l'Etablissement français du sang destinée à réparer les préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;
2°) à titre principal, de porter la condamnation de l'Etablissement français du sang à la somme de 9 000 euros et de mettre à la charge de ce dernier une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise aux fins d'évaluer ses préjudices et de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser une indemnité provisionnelle de 3 000 euros ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juillet 2008 :
- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'Etablissement français du sang, substitué légalement et conventionnellement dans les droits et obligations du Centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand en sa qualité d'ex-gestionnaire d'un centre de transfusion sanguine, à réparer les préjudices nés de la contamination transfusionnelle de M. X par le virus de l'hépatite C ; que ce dernier fait appel de ce jugement et demande la majoration de l'indemnité accordée par les premiers juges ; que l'Etablissement français du sang, qui conteste le lien de causalité entre les transfusions dont M. X a fait l'objet en février et mars 1976 et sa contamination virale, formule des conclusions principales tendant au rejet de l'ensemble des prétentions indemnitaires de l'intéressé ; qu'il doit ainsi être regardé comme concluant non seulement au rejet de la demande à fin d'indemnité présentée en première instance par M. X et réitérée en appel, mais aussi à l'annulation du jugement attaqué, qui a fait droit partiellement à cette demande ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable » ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée en référé, que M. X a été hospitalisé du 10 au 13 février 1976 à la clinique de la Plaine à Clermont-Ferrand pour y subir une intervention chirurgicale dont les complications ont nécessité un second acte opératoire ; qu'à cette occasion il a été transfusé avec 13 unités de sang total élaborées par le Centre de transfusion sanguine de Clermont-Ferrand qui n'avait pas de personnalité juridique distincte du Centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand à l'époque des faits ; qu'il a ensuite été transféré au Centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand où il a séjourné du 14 février au 3 mars 1976 et a été à nouveau transfusé avec 2 concentrés de globules rouges, également élaborés et fournis par le Centre de transfusion sanguine de Clermont-Ferrand, et 2 unités de plasma sec qui n'ont pas été élaborées par ce dernier centre mais dont l'origine n'a pu être déterminée ; qu'il s'est révélé séropositif au virus de l'hépatite C, à la suite d'un contrôle systématique lors d'une hospitalisation, en août 1999 ; qu'il impute sa contamination aux transfusions qui lui ont été administrées en 1976 ;
Considérant, il est vrai, que si les deux donneurs à l'origine des deux concentrés de globules rouges transfusés à la victime dans les services du centre hospitalier se sont révélés indemnes du virus de l'hépatite C postérieurement aux transfusions dont s'agit, aucune enquête transfusionnelle n'a pu être menée s'agissant des 13 unités de sang total transfusés à la clinique de la Plaine et des 2 unités de plasma sec administrées au centre hospitalier, faute d'identification possible des produits concernés ; que toutefois, il résulte de l'instruction que M. X a été exposé à d'autres sources de contamination, notamment lors des interventions chirurgicales et des anesthésies générales pratiquées en 1976 et surtout lors des neuf séances de dialyse dont il a fait l'objet, lors de son séjour du 14 février au 3 mars 1976 au Centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand, séances de dialyse qui constituaient à l'époque des faits un facteur important de transmission du virus de l'hépatite C ; que dans ces conditions, la contamination de la victime peut certes avoir son origine dans les transfusions sanguines dont il est fait état, mais aussi dans l'un des traitement susmentionnés, notamment les dialyses rénales ; qu'ainsi, en l'absence d'un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse d'une contamination transfusionnelle un degré suffisamment élevé de vraisemblance, le lien de causalité directe entre ces transfusions et la contamination de M. X ne peut être regardé comme établi, malgré l'impossibilité de procéder à une enquête transfusionnelle susceptible de démontrer l'innocuité totale des produits transfusés en 1976 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de faire procéder à une nouvelle expertise, que l'Etablissement français du sang est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a regardé sa responsabilité comme engagée à raison des conséquences dommageables de la contamination litigieuse et l'a condamné à réparer lesdites conséquences ; que les conclusions de M. X tendant à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il aurait condamné l'Etablissement français du sang à lui verser une indemnité insuffisante ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée en référé à la charge de M. X ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etablissement français du sang, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'Etablissement français du sang tendant au bénéfice des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 décembre 2006 est annulé.
Article 2 : La requête de M. X et sa demande présentée devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand sont rejetées.
Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée en référé sont mis à la charge de M. X.
Article 4 : Les conclusions de l'Etablissement français du sang tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 07LY00368