Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 28 mai 2007, présentée pour M. El Houssaine X, de nationalité marocaine, élisant domicile au cabinet de son conseil, Me Calvet-Baridon, au ... ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702698 en date du 27 avril 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 avril 2007, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme étant celui à destination duquel cette mesure de police serait exécutée et de la décision portant la même date ordonnant son placement en rétention administrative ;
2°) d'annuler l'arrêté et les décisions susmentionnés pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans le délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à venir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2008 :
- le rapport de M. Bézard, président ;
- les observations de Me Calvet-Baridon, avocat de M. X et de M. Guinet, représentant le préfet du Rhône ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant marocain célibataire et sans enfant, est entré régulièrement sur le territoire français en 1999, à l'âge de dix-neuf ans ; qu'il a poursuivi des études supérieures de commerce de 2000 à 2004, période durant laquelle il a été muni de cartes de séjour temporaire portant la mention étudiant, et a progressé régulièrement dans ses études ; que s'il a interrompu ces dernières en 2005, il était convoqué, le 25 avril 2007, pour des épreuves d'admissibilités aux concours d'admissions parallèles aux grandes écoles ; que son père, entré en France en 1973, et sa mère et son frère handicapé, qui sont venus rejoindre ce dernier en 2004 dans le cadre d'une procédure de regroupement familial, sont titulaires d'une carte de résident valable dix ans ; que, dès lors, dans les circonstances très particulières de l'espèce, en prenant à l'encontre de M. X l'arrêté de reconduite à la frontière contesté, le préfet du Rhône a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les décisions par lesquelles le préfet du Rhône a désigné le pays de destination de la reconduite à la frontière et a ordonné le placement de M. X en rétention administrative doivent également être annulées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ledit jugement doit, dès lors, être annulé ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas. » ;
Considérant, qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Rhône de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours et de se prononcer à nouveau sur sa situation administrative dans le délai de deux mois suivant la notification qui lui a été faite du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que ledit conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat une somme de mille euros au profit dudit conseil, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : le jugement n° 0702698 du 27 avril 2007 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, ensemble l'arrêté du 25 avril 2007, par lequel le préfet du Rhône a ordonné la reconduite à la frontière de M. X, la décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme étant le pays à destination duquel ladite mesure de police devait être exécutée et la décision portant la même date ordonnant le placement de ce dernier en rétention administrative sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours et de se prononcer à nouveau sur sa situation administrative dans le délai de deux mois suivant la notification qui lui sera faite du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de mille euros au conseil de M. X, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
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N° 07LY01117