Vu la requête, enregistrée le 9 novembre 2007, présentée pour M. Fateh X, domicilié ... ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0704315 en date du 29 juin 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 26 juin 2007, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;
2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'organiser, par tous les moyens, son retour sur le territoire national dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à verser à son conseil sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2008 :
- le rapport de Mme Serre, présidente,
- les observations de Me Vernet, avocat de M. X et de Me Schmitt, avocat du préfet du Rhône ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ...sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, est entré régulièrement sur le territoire français le 13 mars 2004 puis s'y est maintenu à l'issue de la durée de validité de son visa de court séjour sans être titulaire d'une autorisation de séjour ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 26 juin 2007, il était dans le cas prévu par les dispositions du 2° du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a été retenu par le préfet comme fondement légal de la mesure d'éloignement, et ce, nonobstant la mention, dans cette décision, du refus de délivrance de titre de séjour qui a été opposé à M. X le 22 juin 2005 ;
Considérant toutefois, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. X, né en Algérie en 1971, a vécu en France de 1974 à 1983, où travaillait son père depuis 1960, avec sa mère, ses trois frères et sa soeur, (trois d'entre eux étant nés en France) et est reparti avec eux en Algérie, continuant toutefois sa scolarité en langue française ; que sa mère est revenue depuis en France ainsi que ses frères et sa soeur qui y étaient nés et ont la nationalité française ; que lui-même se sentant isolé en Algérie, est revenu en France en 2004 et s'est bien réintégré ; que, dans ces circonstances particulières, même s'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale en Algérie, où il a vécu entre onze et trente-trois ans et où demeure encore son frère ainé, M. X est fondé à soutenir que l'arrêté contesté a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et que le préfet a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander l'annulation de l'arrêté portant reconduite à la frontière et par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que l'exécution du présent arrêt n'implique pas que le préfet organise le retour de M. X sur le territoire français ; que les conclusions tendant à une telle injonction ne peuvent donc être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : « L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de mettre à la charge de, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge» ; que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions susvisées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Robin, avocat de M. X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à payer à son conseil ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 29 juin 2007 du Tribunal administratif de Lyon rejetant la demande de M. X est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 26 juin 2007, par lequel le préfet du Rhône a ordonné la reconduite à la frontière de M. X ainsi que la décision du même jour fixant le pays de destination sont annulés.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser une somme de 1 200 euros à l'avocat de M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la rémunération correspondant à la part contributive de l'Etat pour la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
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N° 07LY02495