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01/07/2008 | FRANCE | N°06LY01252

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 01 juillet 2008, 06LY01252


Vu la requête, enregistrée le 14 juin 2006, présentée pour M. Bernard X, domicilié ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 050405 du 20 avril 2006 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser des préjudices subis à raison de l'illégalité d'une décision implicite de rejet de sa demande d'admission à la retraite, à compter du 1er septembre 2004, avec jouissance immédiate de la pension conformément aux dispositions du a) du 3 du I de l'

article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) de c...

Vu la requête, enregistrée le 14 juin 2006, présentée pour M. Bernard X, domicilié ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 050405 du 20 avril 2006 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser des préjudices subis à raison de l'illégalité d'une décision implicite de rejet de sa demande d'admission à la retraite, à compter du 1er septembre 2004, avec jouissance immédiate de la pension conformément aux dispositions du a) du 3 du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 73 590,67 euros, outre intérêts de droit et capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2008 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Aebischer, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, professeur certifié, alors âgé de 55 ans, a demandé, par une lettre du 8 janvier 2004 adressée au recteur de l'académie de Clermont-Ferrand, sa mise à la retraite, avec pension à jouissance immédiate, à compter du 1er septembre 2004, en invoquant sa qualité de père de trois enfants, en se prévalant des dispositions du a) du 3°) du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'après avoir contesté, devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, la légalité de refus implicites opposés à sa demande, M. X, qui a continué, en raison de ces refus, à exercer ses fonctions, dans le cadre d'une cessation progressive d'activité, au cours de l'année scolaire 2004-2005, a finalement été admis à la retraite comme père de 3 enfants, à compter du 1er septembre 2004, par un arrêté ministériel du 6 août 2005, sans toutefois percevoir sa pension de retraite avant le 1er octobre 2005 ; qu'il fait appel du jugement du 20 avril 2006 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser des préjudices subis à raison de l'illégalité de la décision implicite de rejet de sa demande d'admission à la retraite, à compter du 1er septembre 2004, avec jouissance immédiate de la pension ;

Sur la fin de non-recevoir opposée aux conclusions indemnitaires de la demande de M. X par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Considérant que M. X a adressé au ministre de l'éducation nationale une réclamation, en date du 7 novembre 2004, reçue par ledit ministre le 10 novembre 2004, ainsi qu'en a justifié le requérant par la production, en première instance, de l'avis de réception du pli recommandé contenant cette réclamation, tendant notamment au versement d'une indemnité en réparation des préjudices subis à raison du refus de l'admettre à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension, à compter du 1er septembre 2004 ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir, opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie aux conclusions indemnitaires de la demande de M. X, au motif de l'absence de liaison du contentieux, doit être écartée ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant, en premier lieu, qu'il n'est plus contesté que le refus initialement opposé à la demande d'admission à la retraite de M. X à compter du 1er septembre 2004, avec jouissance immédiate de la pension, était entaché d'une illégalité, en ce qu'il méconnaissait le principe d'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le Traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole nº 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l'Union européenne, qui s'oppose à ce que la jouissance immédiate d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui assurent ou ont assuré l'éducation de trois enfants au moins, soit réservée aux femmes, alors que les hommes assurant ou ayant assuré l'éducation de trois enfants au moins seraient exclus du bénéfice de cette mesure ; que l'illégalité de ce refus constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. X a été privé de sa pension civile de retraite durant la période du 1er septembre 2004 au 1er octobre 2005, et s'il a versé des cotisations de retraite durant cette même période, il a perçu un traitement et des indemnités dont il n'est pas établi qu'ils auraient été d'un montant inférieur, déduction faite des frais professionnels engagés, à celui de la pension qu'aurait dû percevoir, durant cette même période, le requérant, qui ne peut soutenir que les heures de service qu'il a effectuées auraient dû être rémunérées au tarif des heures supplémentaires ; que, par suite, l'absence de versement de sa pension de retraite ou d'une rémunération des heures de service sur la base du tarif des heures supplémentaires n'a pas causé à M. X un préjudice financier dont il serait fondé à demander à être indemnisé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en revanche, il résulte de l'instruction que M. X, qui était fondé, ainsi qu'il a été dit, à demander le bénéfice de la jouissance immédiate de sa pension de retraite à compter du 1er septembre 2004, et auquel ne peut donc être reproché l'absence de demande de radiation des cadres à cette même date sans le bénéfice de cette pension, a subi, à raison du refus illégal qui a été opposé à cette demande, des troubles dans ses conditions d'existence dès lors qu'il n'a pu, notamment, bénéficier du repos auquel il pouvait prétendre, et a été contraint de poursuivre ses activités professionnelles ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de l'indemnité à laquelle M. X peut prétendre, en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité de 8 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 avril 2006, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des troubles dans ses conditions d'existence subis à raison de l'illégalité de la décision implicite de rejet de sa demande d'admission à la retraite, à compter du 1er septembre 2004, avec jouissance immédiate de la pension ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. X peut prétendre, pour l'indemnité de 8 000 euros qui devra lui être versée, aux intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2004, date de réception par le ministre de l'éducation nationale, de sa demande tendant notamment au paiement d'une indemnité au titre de ses troubles dans les conditions d'existence ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que pour l'application de l'article 1154 du code civil aux termes duquel « Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière », la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. X a demandé, par mémoire enregistré au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 25 janvier 2006 la capitalisation des intérêts ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions de M. X tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susmentionné du 20 avril 2006 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à M. X une indemnité de 8 000 euros en réparation du préjudice subi.

La somme ainsi allouée sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2004. Les intérêts échus à la date du 25 janvier 2006, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.

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N° 06LY01252


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY01252
Date de la décision : 01/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. AEBISCHER
Avocat(s) : WEYL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-07-01;06ly01252 ?
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