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26/06/2008 | FRANCE | N°03LY01090

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 5, 26 juin 2008, 03LY01090


Vu la requête enregistrée le 25 juin 2003, présentée par M. Raymond X, domicilié ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9901624 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 23 avril 2003, en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la délibération n° 9 du 15 mars 1999 par laquelle le conseil municipal a approuvé le rachat par la société des eaux de Grenoble (SEG) d'actions de sa sous-traitante, la société Grenobloise des eaux et de l'assainissement (SGEA) ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite délibération ;

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°) de condamner la ville de Grenoble à lui verser la somme de 1 200 euros au titre de l'arti...

Vu la requête enregistrée le 25 juin 2003, présentée par M. Raymond X, domicilié ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9901624 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 23 avril 2003, en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la délibération n° 9 du 15 mars 1999 par laquelle le conseil municipal a approuvé le rachat par la société des eaux de Grenoble (SEG) d'actions de sa sous-traitante, la société Grenobloise des eaux et de l'assainissement (SGEA) ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite délibération ;

3°) de condamner la ville de Grenoble à lui verser la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2008 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;

- les observations de M. X ;

- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, qu'à la date à laquelle il a prononcé ses conclusions sur le litige de première instance, le commissaire du gouvernement n'assumait plus les fonctions de représentant de la ville de Grenoble au conseil d'administration de la régie municipale Grenoble Communication , lesquelles avaient pris fin, en vertu de la délibération du 29 décembre 1998, à la même échéance que la mandature du conseil municipal élu en 1995 ; que, par suite, les moyens tirés de sa partialité et de l'atteinte au droit à un procès équitable manquent en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que le Tribunal ayant expressément écarté l'erreur manifeste d'appréciation de l'intérêt communal qui s'attacherait au rachat moyennant le prix convenu entre les parties, par la société d'économie mixte délégataire, du capital de sa sous-traitante, le moyen tiré de l'omission à statuer sur ce moyen pris en ses différentes branches, manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en contentieux de l'excès de pouvoir l'appréciation des éléments de fait résulte des pièces du dossier ou de justifications de l'impossibilité de les produire ; que, par suite, M. X ne saurait utilement soutenir que l'instruction de première instance aurait rompu le principe d'égalité entre les parties et renversé la charge de la preuve au seul motif que le Tribunal a regardé comme établies les affirmations de la ville de Grenoble relatives à l'impossibilité matérielle de communiquer au conseiller municipal qui en avait fait la demande le résultat de consultations informelles sur le projet de transaction ;

Sur le fond du litige :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ; que l'exercice de ce droit s'apprécie en fonction de l'utilité des documents dont la communication est demandée pour la participation des membres de l'assemblée aux projets de délibérations qui leur sont soumis ; que M. X n'identifie pas les documents demandés au préalable qu'il n'aurait pu consulter et qui lui auraient été nécessaires au regard de l'objet du projet de délibération inscrit à l'ordre du jour de la séance du 15 mars 1999 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 : Les comités techniques paritaires sont consultés pour avis sur les questions relatives : 1°) A l'organisation des administrations intéressées ; 2°) Aux conditions générales de fonctionnement de ces administrations (...) ; que l'opération financière approuvée par le conseil municipal, qui implique deux personnes morales distinctes de la commune, n'est pas susceptible d'affecter l'organisation ou le fonctionnement des services de la ville de Grenoble ; que, par suite, la délibération n'avait pas à être précédée de la consultation du comité technique paritaire de la collectivité ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que des conseillers municipaux ayant pris part aux délibérations litigieuses étaient membres du conseil d'administration de la SEG, société d'économie mixte locale délégataire du service de l'eau et de l'assainissement, n'a pas pour effet de les faire regarder comme personnellement intéressés au sens de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales : Les communes (...) peuvent, dans le cadre des compétences qui leur sont reconnues par la loi, créer des sociétés d'économie mixte locales qui les associent à une ou plusieurs personnes privées et, éventuellement, à d'autres personnes publiques (...) pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial (...) ; qu'aux termes de l'article L. 1524-5 du même code : (...) Toute prise de participation d'une société d'économie mixte locale dans le capital d'une société commerciale fait préalablement l'objet d'un accord de la ou des collectivités territoriales (...) actionnaires disposant d'un siège au conseil d'administration (...) ; qu'en vertu des dispositions précitées, l'organe délibérant d'une collectivité territoriale associée d'une société d'économie mixte locale, saisi d'un projet de prise de participation de cette société au capital d'une société commerciale, doit examiner si l'opération présente un intérêt pour l'exécution du service public dont l'exploitation a été déléguée ;

Considérant que, d'une part, la ville de Grenoble établit que la prise de contrôle de la société SGEA doit permettre à la société SEG d'absorber sa filiale, d'échapper au versement d'une indemnité de résiliation du contrat de sous-traitance et d'effacer amiablement toutes les conséquences de la délégation illégalement consentie au groupe Lyonnaise des Eaux en 1989 ; que la conclusion de ce contrat de sous-traitance ne révélant aucun fait de corruption, M. X n'est pas fondé à soutenir que le consentement des parties aurait été vicié, de telle sorte qu'il n'aurait fait naître aucune obligation à la charge de ladite société d'économie mixte ; qu'ainsi, l'objet de l'opération présente un intérêt pour l'exécution du service public délégué à la société d'économie mixte ; que, d'autre part, alors que l'acquisition de titres à une valeur supérieure à leur valeur réelle n'est susceptible de révéler une atteinte aux intérêts du service délégué que si les avantages sont manifestement insuffisants pour compenser les charges auxquelles cette prise de contrôle exposerait la société d'économie mixte, la ville de Grenoble soutient sans être contredite que faute d'acquérir le capital de la société SGEA et d'en avoir pris le contrôle, la société SEG se serait exposée à verser une somme de 43 700 000 francs au titre de l'indemnité de résiliation susmentionnée ; que, dès lors, le rachat des actions au prix de 21 850 000 francs doit être regardé, à supposer même que ce prix soit supérieur à la valeur réelle de ces actions, comme ayant permis à la société SEG de réaliser une économie d'un montant équivalent ; qu'en estimant que l'avantage ainsi procuré au service délégué représentait une contrepartie suffisante à ce prix, alors même que les résultats d'exploitation de la société SGEA s'étaient dégradés au cours des exercices précédents, le conseil municipal n'a entaché sa délibération d'aucune erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne la sauvegarde des intérêts du service délégué ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'approbation du rachat d'actions de la société SGEA par la société SEG ne reposant pas sur les décisions individuelles prises en matière d'affectation de personnels communaux, le moyen tiré de l'exception d'illégalité des détachements de ces agents est inopérant ;

Considérant, en troisième lieu, que la délibération litigieuse ayant pour objet d'effacer toutes les conséquences de la délégation de service public conclue en 1989, M. X ne saurait utilement exciper de la nullité ou de l'illégitimité de ce contrat et de ces avenants ainsi que de l'illégalité de leurs actes détachables ;

Considérant, en quatrième lieu, que la délibération litigieuse n'ayant pas approuvé de clause contractuelle engageant la ville de Grenoble à renoncer à l'exercice de recours juridictionnels, le moyen tiré de la violation de l'article L. 2131-10 du code général des collectivités territoriales qui interdit l'insertion de telles clauses dans les contrats conclus par les communes, est inopérant ;

Considérant, en cinquième lieu, que la délibération litigieuse n'ayant ni pour objet ni pour effet d'autoriser le rachat par la ville de Grenoble d'actions de la société SGEA, le moyen tiré de la violation de l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales qui interdit toute prise de participation d'une commune dans le capital d'une société commerciale, est inopérant ;

Considérant, en sixième lieu, que la délibération litigieuse n'ayant aucune incidence sur le budget de la ville de Grenoble, le moyen tiré de la violation des articles L. 2224-1 et L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales qui interdisent les transferts de charges du budget annexe du service de l'eau sur le budget général, est inopérant ;

Considérant, en septième lieu, que le moyen tiré de la violation du principe de la liberté du commerce et de l'industrie n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en huitième lieu, que le conseil municipal ayant, ainsi qu'il est dit plus haut, approuvé le rachat d'actions de la société SGEA par la société SEG dans un but conforme à celui qu'envisagent les articles L. 1521-1 et L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales, le détournement de pouvoir n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés non compris dans les dépens :

Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de M. X doivent être rejetées ; que, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions de la ville de Grenoble ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la ville de Grenoble présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 03LY01090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 03LY01090
Date de la décision : 26/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-07-02-04 PROCÉDURE. POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR. APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE RESTREINT. - APPRÉCIATION PORTÉE PAR LE CONSEIL MUNICIPAL SUR L'INTÉRÊT QUE PRÉSENTE, POUR L'EXÉCUTION DU SERVICE PUBLIC DÉLÉGUÉ À UNE SEM, UN PROJET DE PARTICIPATION DE CETTE SEM, DONT LA COMMUNE DÉTIENT DES PARTS, AU CAPITAL D'UNE SOCIÉTÉ COMMERCIALE.

z54-07-02-04z Aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales : Toute prise de participation d'une société d'économie mixte locale dans le capital d'une société commerciale fait préalablement l'objet d'un accord de la ou des collectivités territoriales (…) actionnaires disposant d'un siège au conseil d'administration (…). En vertu de ces dispositions, l'organe délibérant d'une collectivité territoriale associée d'une société d'économie mixte locale (SEM), saisi d'un projet de prise de participation de cette société au capital d'une société commerciale, doit examiner si l'opération présente un intérêt pour l'exécution du service public dont l'exploitation a été déléguée. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur l'appréciation portée par le conseil municipal sur la sauvegarde des intérêts du service délégué.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: M. BESLE
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN - FABIANI - THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-06-26;03ly01090 ?
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