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06/05/2008 | FRANCE | N°06LY02431

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 06 mai 2008, 06LY02431


Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2006, présentée pour Mme Danielle X, domiciliée 20 route de Beaune, Pardon, à Saint Genest Champanelle (63122) ;

Mme X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 0400055 du 3 octobre 2006 en tant qu'il a limité à la somme de 5 000 euros le montant de la condamnation de l'Etablissement français du sang destinée à réparer les préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;

2°) de porter la condamnation

de l'Etablissement français du sang à la somme de 77 000 euros, outre intérêts, et de ...

Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2006, présentée pour Mme Danielle X, domiciliée 20 route de Beaune, Pardon, à Saint Genest Champanelle (63122) ;

Mme X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 0400055 du 3 octobre 2006 en tant qu'il a limité à la somme de 5 000 euros le montant de la condamnation de l'Etablissement français du sang destinée à réparer les préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;

2°) de porter la condamnation de l'Etablissement français du sang à la somme de 77 000 euros, outre intérêts, et de mettre à la charge de ce dernier une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2008 :

- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur ;

- les observations de Me Larcher, avocat de l'Etablissement français du sang ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, commissaire du gouvernement ;


Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'Etablissement français du sang, substitué légalement et conventionnellement dans les droits et obligations du centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand à raison de ses activités transfusionnelles passées, à réparer les préjudices nés de la contamination transfusionnelle de Mme X par le virus de l'hépatite C ; que cette dernière fait appel de ce jugement et demande la majoration de l'indemnité accordée par les premiers juges ; que l'Etablissement français du sang, qui conteste notamment le lien de causalité entre les transfusions dont Mme X a fait l'objet en décembre 1975 et sa contamination virale, conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande présentée devant les premiers juges ;


Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable » ;




Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en première instance, que Mme X a fait l'objet d'une intervention chirurgicale en décembre 1975 pour rupture d'une grossesse extra-utérine ; qu'à cette occasion elle a été transfusée avec quatre produits sanguins élaborés et fournis par le centre de transfusions sanguines de Clermont-Ferrand, lequel n'avait pas de personnalité juridique distincte du centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand à l'époque des faits ; que Mme X a été informée de sa séropositivité au virus de l'hépatite C en décembre 2001 ; que les enquêtes transfusionnelles menées dans le cadre de l'expertise susmentionnée n'ont pu aboutir ; que ce faisceau d'éléments confère un degré suffisamment élevé de vraisemblance à l'hypothèse selon laquelle la contamination de la requérante aurait pour origine les transfusions incriminées, alors même que Mme X a fait l'objet de soins dentaires au cours de son existence, d'une anesthésie générale en décembre 1975 et d'une intervention pour éliminer des varices sur un membre inférieur en 1986 ; que dans ces conditions, faute d'apporter la preuve de l'innocuité des produits sanguins transfusés, l'Etablissement français du sang, qui ne saurait se borner à faire état de la diversité des sources de contamination possibles, ne démontre pas que les produits litigieux ne sont pas à l'origine de la contamination de la victime ; que, dès lors, le lien de causalité entre les transfusions incriminées et la contamination dont a été victime Mme X doit être regardé comme établi ; qu'il en résulte que c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné l'Etablissement français du sang, substitué dans les droits et obligations du centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand à raison de ses activités transfusionnelles antérieures, à réparer les dommages subis par Mme X du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C, alors même que ce virus était inconnu lors de la réalisation des transfusions ;

Considérant, en outre, que la requérante a recherché devant le tribunal administratif la responsabilité de l'Etablissement français du sang à raison d'un manquement fautif dans son devoir d'information, contrairement à ce que soutient ce dernier ; que si l'Etablissement français du sang allègue qu'il a informé Mme X de sa séropositivité au virus de l'hépatite C, laquelle était connue de lui depuis le dernier don de sang effectué par la victime en décembre 1995, il n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que l'intéressée aurait fait l'objet d'une telle information avant décembre 2001, date à laquelle Mme X a appris sa contamination à l'occasion d'un bilan préopératoire ; que ce défaut d'information constitue également une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etablissement français du sang ;


Sur les droits à réparation de Mme X :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme X reste atteinte, au jour de l'expertise, d'une hépatite C chronique dont le virus n'a aucune activité hépatotoxique ; que si la requérante n'a pas été contrainte de subir une biopsie hépatique et un traitement antiviral, compte tenu de la neutralité du virus, elle doit s'astreindre à une surveillance médicale régulière tout en demeurant dans l'incertitude quant à l'évolution de son état de santé ; qu'il résulte du rapport d'expertise que l'asthénie présentée par la requérante ne trouve pas son origine dans la contamination mais que cette dernière est venue aggraver des souffrances morales déjà présentes chez la victime ; que l'expert n'a pas retenu l'existence d'un préjudice d'agrément imputable à la présence du virus dans l'organisme de l'intéressée et a fixé à 0,5 sur une échelle de 7 le préjudice de la douleur, eu égard au caractère réduit des explorations médicales nécessaires pour surveiller la pathologie dont s'agit ; que si l'expert n'a pas fixé de taux d'incapacité permanente partielle, compte tenu de l'absence de consolidation de l'état de santé de la requérante, cette circonstance ne s'oppose pas à ce qu'il soit statué sur les préjudices résultant de la contamination litigieuse ; que dans ces conditions, eu égard à l'état d'anxiété lié à l'éventualité d'une évolution défavorable de la maladie et compte tenu de la nécessité pour l'intéressée de s'astreindre à des contrôles médicaux réguliers, les premiers juges ont fait une insuffisante évaluation des préjudices de la victime en limitant à 5 000 euros ses droits à réparation ; que Mme X, qui produit les résultats d'une analyse médicale, postérieure au jugement attaqué, qui témoignent de l'apparition d'une activité hépatotoxique et d'une progression de la fibrose hépatique, soutient sans être contredite que son affection s'est aggravée ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par Mme X dans ses conditions d'existence et des souffrances physiques et morales endurées, lesdites souffrances morales ayant été aggravées, en l'espèce, par le retard fautif avec lequel elle a été informée de sa contamination et des risques qui pouvaient en résulter pour son entourage, en portant à 15 000 euros l'indemnité que l'Etablissement français du sang a été condamné à lui verser par le jugement attaqué, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal dans les conditions fixées par ce jugement ;

Considérant, en revanche, que Mme X ne peut prétendre à l'indemnisation spéciale, au demeurant non chiffrée, qu'elle sollicite et qu'elle qualifie de « préjudice spécifique de contamination » dès lors que la contamination par le virus de l'hépatite C ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable distinct de celui réparé au titre des troubles de toute nature dans les conditions d'existence ;


Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ;

Considérant que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme X, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit sur leur fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La somme que l'Etablissement français du sang a été condamné à payer à Mme X par le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 0400055 du 3 octobre 2006 est portée à 15 000 euros. Cette somme portera intérêts dans les conditions fixées par le jugement attaqué.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 3 octobre 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etablissement français du sang versera à Mme X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X et les conclusions de l'Etablissement français du sang présentées devant la Cour sont rejetées.
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N° 06LY02431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY02431
Date de la décision : 06/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. QUENCEZ
Rapporteur ?: M. Joël BERTHOUD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : NOLOT SANDRINE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-05-06;06ly02431 ?
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