Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2006, présentée pour Mme Catherine X, domiciliée ... ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0202087 du 13 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail de la deuxième section de la Haute-Savoie du 5 octobre 2001 autorisant le centre médical L'Hermitage à la licencier pour motif économique, ensemble la décision confirmative du ministre de l'emploi et de la solidarité du 28 mars 2002 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2008 :
- le rapport de M. Clot, président-assesseur ;
- les observations de Me Larmande pour la société Médinord santé - Les Hôtels de Montagne ;
- et les conclusions de M. Aebischer, commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non recevoir opposée par la société Médinord santé - Les Hôtels de Montagne :
Considérant que par décision du 5 octobre 2001, confirmée par le ministre de l'emploi et de la solidarité le 28 mars 2002, l'inspecteur du travail de la deuxième section de la Haute-Savoie a autorisé le centre médical L'Hermitage, aux droits duquel vient la société Médinord santé - Les Hôtels de Montagne, à licencier Mme X, déléguée du personnel suppléante ; que l'intéressée a accepté les mesures d'accompagnement de ce licenciement, comportant notamment le versement d'une « indemnité transactionnelle complémentaire à l'indemnité de licenciement » ; que ladite société soutient que cette transaction ayant mis fin au litige, la demande de Mme X dirigée contre les décisions administratives susmentionnées n'était pas recevable ; que toutefois, les salariés investis de fonctions représentatives ne peuvent renoncer par avance aux dispositions protectrices d'ordre public instituées en leur faveur ; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée par la société Médinord santé - Les Hôtels de Montagne ne peut être accueillie ;
Sur la légalité des décisions des 5 octobre 2001 et 28 mars 2002 :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 425-1 du code du travail, aujourd'hui reprises à l'article L. 2411-5, relatives aux conditions de licenciement des délégués du personnel, titulaires ou suppléants, les salariés légalement investis de ces fonctions bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;
Considérant que la société Médinord santé a présenté successivement deux demandes tendant à être autorisée à créer à Saint-Priest en Jarez (Loire) un établissement de soins de suites d'une capacité de 40 à 45 lits ; que, sur avis défavorable du comité régional de l'organisation sanitaire et sociale, un refus lui a été opposé par le préfet de région le 28 octobre 1996 et par le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation de Rhône-Alpes le 7 octobre 1998 ; qu'au mois d'octobre 1999, la société Médinord santé a acquis la société Les Hôtels de Montagne, qui exploitait au Plateau d'Assy (Haute-Savoie) le centre médical de soins de suites L'Hermitage, d'une capacité de 82 lits ; qu'elle a ensuite saisi l'administration d'une nouvelle demande d'autorisation de créer à Saint-Priest en Jarez un établissement de soins de suites, par transfert de lits du centre médical L'Hermitage et suppression de 10 lits ; que par décision du 4 octobre 2000 la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation a autorisé le transfert de 60 des 82 lits du centre médical L'Hermitage « en vue de la création d'un établissement de soins de suites et de réadaptation à Saint-Priest en Jarez » ; que dans sa demande du 12 septembre 2001 à l'inspecteur du travail, tendant à être autorisée à licencier pour motif économique Mme X, déléguée du personnel suppléante, le centre médical L'Hermitage a invoqué la fermeture de cet établissement, à la suite du transfert et de la suppression de lits susmentionnés ; que si la décision du 4 octobre 2000 de l'agence régionale de l'hospitalisation, autorisant ce transfert, mentionne que cette opération « répond en partie à l'une des préconisations du schéma régional d'organisation sanitaire visant au rééquilibrage géographique dans la répartition des lits de soin de suites et de réadaptation », il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle fût imposée par l'autorité compétente ; que, par ailleurs, le centre médical L'Hermitage, dont le taux d'occupation était de 98 % en 1998 et 1999 et de 96 % en 2000, ne connaissait aucune difficulté de caractère économique ou financier ; que, dès lors, ni sa fermeture, justifiée par le fait qu'il avait cessé d'être rentable à la suite du transfert de 60 lits et de la suppression de 10 autres, sur les 82 qu'il comportait ni, par voie de conséquence, la décision de licencier Mme X, ne peuvent être regardées comme reposant sur un motif économique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 5 octobre 2001 autorisant son licenciement et de la décision confirmative du ministre de l'emploi et de la solidarité du 28 mars 2002 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 400 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Médinord santé - Les Hôtels de Montagne, qui est dans la présente instance la partie perdante, bénéficie de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 13 janvier 2006, la décision de l'inspecteur du travail de la deuxième section de la Haute-Savoie du 5 octobre 2001 autorisant le licenciement de Mme X et la décision confirmative du ministre de l'emploi et de la solidarité du 28 mars 2002 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Mme X la somme de 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la société Médinord santé - Les Hôtels de Montagne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 06LY00523