La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/04/2008 | FRANCE | N°03LY00416

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 5, 01 avril 2008, 03LY00416


Vu, enregistrés les 7 mars 2003 et 30 mai 2003, la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour M. et Mme X et leurs enfants, domiciliés au ... ;

Ils demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 9903953 du 9 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a déclaré les Hospices civils de Lyon responsables de l'hémiplégie dont M. X a été victime à la suite de la biopsie dont il a fait l'objet à l'hôpital neurologique de Lyon le 31 juillet 1992 et de les condamner à leur verser l'intégralité des sommes demandées en

réparation des préjudices allégués ;

2°) de mettre à la charge des Hospi...

Vu, enregistrés les 7 mars 2003 et 30 mai 2003, la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour M. et Mme X et leurs enfants, domiciliés au ... ;

Ils demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 9903953 du 9 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a déclaré les Hospices civils de Lyon responsables de l'hémiplégie dont M. X a été victime à la suite de la biopsie dont il a fait l'objet à l'hôpital neurologique de Lyon le 31 juillet 1992 et de les condamner à leur verser l'intégralité des sommes demandées en réparation des préjudices allégués ;

2°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 10 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 94-678 du 8 août 1994 ;

Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2008 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les observations de Me Abel, avocat des consorts X, et de Me Roudil, avocat de Premalliance Prévoyance ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, commissaire du gouvernement ;


Considérant que M. X, alors âgé de 46 ans, a été admis à l'hôpital alors qu'il présentait divers troubles de la mémoire et du langage notamment, avec des difficultés sensitives de l'hémicorps droit ; qu'à la suite d'une biopsie réalisée le 31 juillet 1992 à l'hôpital neurologique de Lyon, il a été victime d'une hémiplégie droite massive et d'une aggravation sévère des troubles du langage et des difficultés arthriques ; que, par un jugement en date du 9 janvier 2003, le Tribunal administratif de Lyon a déclaré les Hospices civils de Lyon entièrement responsables des conséquences dommageables de l'intervention pratiquée sur M. X et condamné ces derniers à lui verser une indemnité de 88 980,92 euros, à son épouse une somme de 22 867,35 euros et à chacun des deux enfants les sommes de 6 097,96 euros, mettant en outre à la charge des Hospices civils de Lyon les frais d'expertise d'un montant de 4 799,86 euros ; qu'il a par ailleurs condamné les Hospices civils de Lyon au paiement d'une somme de 392 202,04 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble ; que M. et Mme X et leurs enfants demandent à la Cour la prise en charge de certains postes de préjudices ou leur réévaluation et contestent dans son montant la créance de la caisse d'assurance maladie ;


Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que contrairement à ce que prétend la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble, la requête des consorts X, qui comporte l'exposé des éléments de fait et de droit sur laquelle elle repose, est suffisamment motivée ;


Sur les conclusions de Premalliance Prévoyance :

Considérant que Premalliance Prévoyance, qui avait été mise en cause en première instance, n'a saisi le Tribunal d'aucune conclusion tendant au remboursement des prestations servies à M. X; qu'elle n'est dès lors pas recevable à présenter une telle demande pour la première fois en appel ;
Sur l'étendue de la responsabilité encourue par les Hospices civils de Lyon :

Considérant que les Hospices civils de Lyon font valoir que la faute qui leur est reprochée a seulement concouru à l'aggravation d'une affection préexistante dont souffrait déjà M. X au moment de son admission à l'hôpital de telle sorte que le taux d'IPP imputable à cette faute serait de 55 % ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'incapacité permanente dont souffre M. X, qui a été estimée à 75 %, et dont les Hospices civils de Lyon ne démontrent pas le caractère exagéré, résulte directement de l'hémiplégie massive l'ayant frappé à la suite de l'intervention fautive pratiquée à l'hôpital neurologique de Lyon et ne constitue pas une simple aggravation des troubles dont il était atteint antérieurement ;

Sur les droits respectifs de M. X et de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble :

Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi susvisée du 5 juillet 1985 : « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux relations entre le tiers payeur et la personne tenue à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne, quelle que soit la nature de l'événement ayant occasionné ce dommage » ; qu'aux termes de l'article 29 de cette même loi dans sa version issue de la loi susvisée du 8 août 1994 : « Seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur : … 5. Les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurance régies par le code des assurances » ; qu'aux termes de l'article 30 de cette même loi : « Les recours mentionnés à l'article 29 ont un caractère subrogatoire » ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que les prestations versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurance régies par le code des assurances, qui ont le caractère d'indemnités journalières de maladie et de prestations d'invalidité, ouvrent droit à un recours subrogatoire, par détermination de la loi, contre la personne tenue à réparation ou son assureur ; que, pour évaluer les droits de la victime la Cour doit tenir compte, pour les postes de préjudices correspondant notamment aux frais liés au handicap et aux pertes de revenus, des prestations d'invalidité et des indemnités journalières versées par ces organismes et qui peuvent être regardées comme prenant partiellement en charge ces préjudices ;

Considérant que ni les requérants ni les Hospices civils de Lyon ne démontrent que la CPAM de Grenoble ne justifierait pas des débours exposés et de leur lien avec les préjudices dont M. X demande réparation ;
En ce qui concerne les dépense de santé :

Considérant que la CPAM de Grenoble a exposé des dépenses de santé pour un montant de 106 978,50 euros au profit de M. X ; que le montant de l'indemnité mise à la charge des Hospices civils de Lyon en réparation de ce poste de préjudice doit être fixé à 106 978,50 euros au bénéfice de la CPAM de Grenoble ;

En ce qui concerne les frais liés au handicap :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert, que l'état de M. X exige l'assistance, non médicalisée et non spécialisée, six heures par jour, d'une tierce personne ; qu'en l'espèce, le coût d'une telle assistance peut être estimé à 16 000 euros par an ; que viennent en déduction de ce montant la somme de 6 840 euros versée annuellement par Premalliance Prévoyance, qui s'analyse comme une prestation d'invalidité et, pour la période postérieure au 1er juin 2006, la somme de 11 832 euros versée annuellement, également à ce titre, par la caisse ; que depuis le 1er juin 2006, les dépenses entraînées par l'assistance d'une tierce personne sont ainsi intégralement compensées par les sommes versées à cet effet par la caisse, qui n'en demande pas le remboursement, et par Premalliance Prévoyance ; qu'en revanche, pour la période antérieure au 1er juin 2006, et courant à compter du 1er août 1994, date à laquelle a pris fin la période d'incapacité temporaire totale de M. X, le montant de l'indemnité annuelle due à ce dernier par les Hospices civils de Lyon pour les frais d'assistance d'une tierce personne s'élève à 9 160 euros ; que les travaux nécessaires à l'adaptation du domicile de M. X, dont il justifie à hauteur de 8 180,38 euros, doivent également donner lieu au versement par les Hospices civils de Lyon à ce dernier d'une indemnité de ce montant ;
En ce qui concerne les pertes de revenus :

Considérant que M. X a été en incapacité temporaire totale pendant une période de deux ans à compter du 31 juillet 1992 qui, pour la période s'étendant de juillet 1992 à janvier 1993, a entraîné des pertes de revenus entièrement compensées par les indemnités journalières versées par la CPAM de Grenoble et par Premalliance Prévoyance pour des montants s'élevant respectivement à 5 277,82 euros et à 1 933,70 euros ; que, pour la période postérieure à janvier 1993 jusqu'à son départ à la retraite en 2006, il résulte de l'instruction que, compte tenu des salaires perçus par M. X, dont il ne justifie qu'à hauteur de 178 000 francs, de ses qualifications et de l'évolution de carrière prévisible, celui-ci, dont le taux d'incapacité permanente a été évalué à 75 %, a exposé des pertes de revenus s'élevant globalement à la somme de 530 000 euros ; qu'il a perçu à titre de prestations d'invalidité des sommes de 279 945 euros de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble et de 247 889,07 euros de Premalliance Prévoyance ; que les pertes de revenus ainsi exposées par M. X ont été réparées à concurrence du montant total de ces prestations, soit au total 527 834,07 euros ; que M. X a droit au versement, par les Hospices civils de Lyon, d'une indemnité de 2 165,93 euros correspondant au solde de la part du poste de préjudice non couverte par les prestations ci ;dessus ; qu'il y a lieu d'allouer à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble une somme totale de 285 222,82 euros, à la charge des Hospices civils de Lyon, correspondant aux indemnités journalières et aux prestations d'invalidité versées à M. X ;

En ce qui concerne l'incidence professionnelle du dommage corporel :

Considérant que, eu égard aux conditions de stabilité d'emploi dans le Groupe Schneider Electric, il sera fait une juste appréciation des pertes subies par M. X sur sa pension de retraite du fait du caractère prématuré de sa cessation d'activité en les évaluant à la somme de 20 000 euros ; que cette somme est mise entièrement à la charge des Hospices civils de Lyon au profit de M. X ;

En ce qui concerne le préjudice personnel :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des préjudices personnels subis par M. X, qui comprennent notamment les troubles personnels dans ses conditions d'existence, ses préjudices d'agrément et esthétique et ses souffrances physiques, en les évaluant globalement à 88 293,88 euros, dont l'intégralité sera mise à la charge des Hospices civils de Lyon et, en l'absence de recours subrogatoire de la CPAM sur ce poste de préjudice, versée à M. X ;
En ce qui concerne les autres dépenses liées au dommage corporel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la société Premalliance Prévoyance a versé une somme d'un montant de 171 517,63 euros au titre du capital décès, le contrat passé à ce titre constituait une assurance de personne soumise aux règles prévues aux articles L. 131-1 et suivants du code des assurances ; qu'il résulte notamment de l'article L. 131-2 de ce code qu'en cas d'accident survenu par la faute d'un tiers, l'assureur après paiement de la somme correspondant à la garantie souscrite ne peut être subrogé aux droits de la victime à l'encontre de ce tiers ; que cette somme, qui ne constitue pas une prestation d'invalidité au sens de l'article 29 ci-dessus de la loi susvisée du 5 juillet 1985 et ne revêt aucun caractère indemnitaire n'a pas à être prise en compte pour le calcul de ce poste de dépense ni au titre d'aucun autre poste ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CPAM de Grenoble ne peut prétendre à une indemnité différente de celle qu'elle a obtenue en première instance ; que M. X est fondé à demander une indemnité de 118 640,19 euros ainsi qu'une indemnité de 9 160 euros par an au titre de la tierce personne entre le 1er août 1994 et le 1er juin 2006 ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué ;

Sur les droits de Mme X et de leurs deux enfants :

Considérant qu'en fixant à 22 867,35 euros pour Mme X et à 6 097,96 euros pour chacun de leurs deux enfants les indemnités dues par les Hospices civils de Lyon en réparation des préjudices personnels subis par ces derniers, le Tribunal ne s'est pas livré à une appréciation inexacte des circonstances de l'espèce ;


Sur les conclusions de la CPAM de Grenoble :

Considérant que la somme que les Hospices civils de Lyon ont été condamnés à verser à la CPAM de Grenoble portera intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 1999 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 1er juin 2007 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande à cette date ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon le paiement à M. et Mme X et leurs enfants d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble sur ce même fondement ;

DECIDE :


Article 1er : La somme de 88 980,92 euros que les Hospices civils de Lyon ont été condamnés à payer à M. X est portée à 118 640,19 euros, une indemnité annuelle de 9 160 euros au titre de la tierce personne, entre le 1er août 1994 et le 1er juin 2006, étant également mise à leur charge au bénéfice de M. X.
Article 2 : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble les intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 1999 sur la somme de 392 202,04 euros mise à leur charge au profit de cette dernière par le jugement attaqué. Ces intérêts échus à la date du 1er juin 2007 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêt.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 9 janvier 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les Hospices civils de Lyon verseront à M. et Mme X et à leurs enfants une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
1

2
N° 03LY00416


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 03LY00416
Date de la décision : 01/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. QUENCEZ
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : GILLES DEVERS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-04-01;03ly00416 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award