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14/02/2008 | FRANCE | N°07LY00376

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 14 février 2008, 07LY00376


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 15 février 2007, présentée pour Mme Lianna X, domiciliée à l'..., par Me Alain Couderc, avocat au barreau de Lyon ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606330 en date du 26 octobre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 5 octobre 2006, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de

la décision distincte du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité com...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 15 février 2007, présentée pour Mme Lianna X, domiciliée à l'..., par Me Alain Couderc, avocat au barreau de Lyon ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606330 en date du 26 octobre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 5 octobre 2006, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt et de procéder à un réexamen de sa situation administrative dans le délai de 2 mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2008 :

- le rapport de M. Fontanelle, président ;

- les observations de Me Bechet, avocat de Mme X ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;

Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité arménienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 29 avril 2006, de la décision du préfet du Rhône du 26 avril 2006 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 5 octobre 2006, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511 ;1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;


En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent (…). Le médecin inspecteur (…) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale (…) » ; qu'aux termes de l'article 7 ;5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, alors en vigueur : « Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (…), le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. (…) Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (…) » et qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999, pris pour l'application de ces dispositions : « Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; / - et la durée prévisible du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. (…) » ;

Considérant que si Mme X soutient souffrir de lombalgies chroniques gênant sa mobilité et faisant l'objet d'un traitement médicamenteux ainsi que d'un syndrome anxio-dépressif majeur non encore pris en charge médicalement, il ressort de l'avis émis le 13 mars 2006 par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Rhône, que l'état de santé de Mme X nécessite une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui peut être effectuée en Arménie, pays vers lequel elle peut voyager sans risque ; que cet avis médical, que les certificats médicaux produits par la requérante ne permettent pas de remettre en cause, a pu régulièrement être pris au vu du seul rapport médical produit par l'intéressée, sans consultation médicale préalable de cette dernière, et est suffisamment motivé, nonobstant la circonstance que le médecin inspecteur de santé publique avait émis un avis contraire le 11 août 2005, le secret médical interdisant audit médecin de révéler des informations sur la pathologie de l'intéressée et la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les affections dont souffre Mme X seraient en liens avec d'éventuels évènements traumatisants vécus en Arménie ; que, par suite, la décision du 26 avril 2006 par laquelle le préfet du Rhône a opposé un refus à la demande de titre de séjour déposée par Mme X, qui a été prise sans que le préfet, qui a notamment procédé à l'examen préalable de la situation personnelle de l'intéressée au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'estime lié par l'avis du médecin inspecteur de santé publique, a été édictée à l'issue d'une procédure régulière et ne méconnaît pas les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne les autres moyens :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peut faire l'objet (…) d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10 ° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) » ;
Considérant que pour les motifs ci-avant énoncés dans le cadre de l'examen de l'exception d'illégalité du refus de séjour, l'arrêté de reconduite à la frontière en litige n'a pas méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11, dans sa rédaction alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie (…) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;(…) » ; qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » et qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (…) des tribunaux, des autorités administratives (…), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X est entrée sur le territoire français le 21 décembre 2003, à l'âge de 24 ans, avec ses deux enfants âgés de 5 et 1 ans ; qu'elle a eu un troisième enfant, né en France le 31 mars 2005 ; que si elle soutient être orpheline depuis l'âge de neuf ans, veuve du père de ses deux premiers enfants depuis 2003 et ne plus avoir de contact avec le père de son troisième enfant, ce dernier ne dispose pas d'un droit au séjour sur le territoire français et elle n'établit pas ne plus avoir d'attaches en Arménie, où ses deux premiers enfants sont nés et pourront poursuivre leur scolarité peu avancée ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de la requérante en France, nonobstant ses efforts d'insertion dans la société française et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation et ne viole pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si Mme X soutient avoir subi des persécutions de la part des autorités arméniennes, du fait de son appartenance à l'église évangéliste pentecôtiste, et fait valoir que son retour en Arménie, où elle se retrouverait isolée, lui occasionnerait un choc psychologique qui, en raison de ses problèmes de santé psychique et physique, serait assimilable à un traitement inhumain et dégradant, elle n'établit pas, par son récit et les pièces produites, la réalité des persécutions alléguées, ni qu'elle se retrouverait isolée en Arménie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
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N° 07LY00376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 07LY00376
Date de la décision : 14/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : ALAIN COUDERC

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-02-14;07ly00376 ?
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