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12/02/2008 | FRANCE | N°07LY00406

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 12 février 2008, 07LY00406


Vu, I, sous le n° 07LY00406, la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 février 2007, présentée pour Mme Eldina X, domiciliée ..., par Me Lerein, avocat au barreau de Grenoble ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700222 en date du 22 janvier 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 28 décembre 2006, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à

la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le p...

Vu, I, sous le n° 07LY00406, la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 février 2007, présentée pour Mme Eldina X, domiciliée ..., par Me Lerein, avocat au barreau de Grenoble ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700222 en date du 22 janvier 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 28 décembre 2006, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer à nouveau sur sa demande de titre de séjour dans le délai de trente jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 850 euros, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

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Vu, II, sous le n° 07LY00407, la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 février 2007, présentée pour M. Sejdalija X, domicilié au Secours populaire, 7 rue Jules Barut à Annecy (74000), par Me Lerein, avocat au barreau de Grenoble ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700223 en date du 22 janvier 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 28 décembre 2006, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer à nouveau sur sa demande de titre de séjour, dans le délai de trente jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 850 euros, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2008 :

- le rapport de M. Fontanelle, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;


Considérant que les requêtes n° 07LY00406 et 07LY00407 de M. et Mme X présentent à juger des questions semblables ; que, dès lors, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le préfet de la Haute-Savoie ;

Sur la légalité des arrêtés de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme X, de nationalité bosnienne, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification, les 3 et 4 juillet 2006, des décisions du préfet de la Haute-Savoie du 12 juin 2006 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date des arrêtés attaqués, le 28 décembre 2006, ils étaient dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité des décisions du 12 juin 2006 :

Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que ces décisions n'auraient pas été précédées, de la part du préfet, d'un examen de la situation personnelle des intéressés, tant au niveau de leur vie privée que familiale, au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » et qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (…) des tribunaux, des autorités administratives (…), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que si M. et Mme X font valoir qu'ils ont reconstruit leur vie en France, où leur fils est né en 2006, où ils sont bien intégrés et où M. X bénéficie d'une promesse d'embauche, il ressort toutefois des pièces des dossiers qu'ils sont entrés en France depuis moins de deux ans à la date des décisions portant refus de séjour et qu'il n'existe aucun obstacle à la reconstitution de leur cellule familiale en Bosnie-Herzégovine, pays dans lequel ils ne sont pas dépourvus d'attaches familiales ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour des requérants en France, les décisions du 12 juin 2006 n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'elles n'ont, ainsi, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en troisième lieu, que les stipulations du préambule et des articles 9-1 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; que, dès lors, M. et Mme X ne peuvent utilement s'en prévaloir pour exciper de l'illégalité des décisions du 12 juin 2006 ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit :(…) 11º A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (…) » ;

Considérant que si Mme X entend se prévaloir de son état de santé pour exciper de l'illégalité de la décision du 12 juin 2006, il ressort toutefois des pièces du dossier la concernant qu'elle n'a fait mention de son état de santé auprès de l'administration qu'à compter du mois de juillet 2006 et formulé une demande de carte de séjour à ce titre qu'au mois d'août de la même année, soit postérieurement à la décision de refus de titre de séjour en litige ; que, dès lors, le moyen sera écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, que M. et Mme X ne peuvent utilement se prévaloir des énonciations contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 31 octobre 2005, laquelle est dépourvue de caractère réglementaire ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision du 22 août 2006 :

Considérant que la décision du préfet de la Haute-Savoie du 22 août 2006 rejetant la demande de régularisation à titre exceptionnel de leur situation que les intéressés avaient déposée sur le fondement de la circulaire ministérielle du 13 juin 2006 est, en l'absence de modification des circonstances de droit et de fait, purement confirmative de celles du 12 juin 2006 et ne constitue pas le fondement des mesures d'éloignement en litige ; que, par suite, M. et Mme X ne peuvent utilement contester cette décision ;




En ce qui concerne les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre :(…)10º L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (…) » ;

Considérant que si Mme X fait valoir qu'elle souffre d'un syndrome de stress post-traumatique nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut aurait pour elle des conséquences graves, il ressort toutefois des pièces du dossier la concernant qu'elle a bénéficié d'un suivi médicamenteux et neuropsychologique pour des troubles similaires en 2003 et 2004 en Bosnie-Herzégovine ; que, dès lors, et alors que les éventuelles difficultés de prise en charge financière des frais médicaux sont inopérantes, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pourra bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine ; que, par suite, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre n'a méconnu, ni les dispositions du 11° de l'article L. 313-11, ni celles du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que pour les motifs sus-mentionnés dans le cadre de l'examen de l'exception d'illégalité des refus de séjour du 12 juin 2006, les arrêtés de reconduite à la frontière n'ont méconnu, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'ils ne sont pas davantage entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que M. et Mme X ne peuvent utilement se prévaloir des stipulations du préambule et des articles 9-1 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour demander l'annulation des arrêtés décidant leur reconduite à la frontière ;

Sur les décisions distinctes fixant le pays de destination

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si les époux X font valoir qu'ils encourent des risques en cas de retour dans leur pays d'origine, ils n'établissent pas, par les pièces qu'ils produisent, faire l'objet de menaces réelles, actuelles et personnelles ; que, dans ces conditions, les décisions distinctes fixant le pays de renvoi n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que leurs conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par eux et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;


DECIDE :


Article 1er : Les requêtes de M. et Mme X sont rejetées.
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N° 07LY00406 - 07LY00407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 07LY00406
Date de la décision : 12/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : CLEMENTINE FRANCES ET AUDREY LEREIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-02-12;07ly00406 ?
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