La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2008 | FRANCE | N°07LY00304

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 12 février 2008, 07LY00304


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 7 février 2007, présenté pour le PREFET DU RHONE, par Me Schmitt, avocat au barreau de Lyon ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700010 en date du 10 janvier 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 26 décembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Dustrik X ainsi que sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressée a la nationali

té comme destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande prés...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 7 février 2007, présenté pour le PREFET DU RHONE, par Me Schmitt, avocat au barreau de Lyon ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700010 en date du 10 janvier 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 26 décembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Dustrik X ainsi que sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressée a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2008 :

- le rapport de M. Fontanelle, président ;

- les observations de Me Bescou, avocat de Mme X ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 6° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé ; (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (…) » et qu'aux termes de l'article L. 742-6 dudit code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office.(…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité arménienne, a vu sa demande d'asile rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, par décision du 23 novembre 2004, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 22 avril 2005 ; qu'elle a sollicité, par courrier du 25 mai 2005 reçu par le PREFET DU RHONE le 30 mai 2005, la délivrance d'une nouvelle autorisation provisoire de séjour en vue de déposer une demande de réexamen de son dossier d'asile, en alléguant notamment l'existence de recherches dirigées contre son fils de la part des autorités policières arméniennes, pour différents motifs et en particulier suite à une plainte pour viol, en 2002, de sa compagne, alors mineure, déposée par le père de cette dernière, sans apporter, à l'appui de ses allégations, aucune pièce justificative ; que, par décision du 8 septembre 2005 notifiée le 13 du même mois, le PREFET DU RHONE a refusé de lui délivrer une nouvelle autorisation provisoire de séjour en sa qualité de demandeur d'asile ; que lors du dépôt de son dossier de réexamen de sa demande d'asile, le 20 septembre 2005, Mme X n'a produit qu'une traduction, non identifiée et établie sur papier libre, d'un document se présentant comme un courrier daté du 15 juillet 2005 d'un procureur-adjoint du parquet de la République d'Arménie indiquant que suite à la plainte déposée par le père de la compagne de son fils, ce dernier était recherché et faisait l'objet d'une instruction au plan criminel ; que cette pièce était dépourvue de toute valeur probante ; qu'ainsi, Mme X n'apportait, au soutien de sa demande, aucun élément nouveau de nature à justifier le réexamen de sa situation au regard du droit d'asile ; que, dès lors, c'est à bon droit que le PREFET DU RHONE a regardé cette nouvelle demande comme entrant dans le champ d'application du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, les dispositions combinées précitées du 6° de l'article L. 511-1 et de l'article L. 742-6 du même code autorisaient le PREFET DU RHONE à prendre, le 26 décembre 2006, une mesure d'éloignement à l'égard de Mme X, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'intéressée avait saisi la commission des recours des réfugiés d'un recours à l'encontre de la décision du 30 septembre 2005 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande de réexamen ; que, par conséquent, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que Mme X n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a annulé, pour ce motif, la mesure d'éloignement en litige ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme X ;

Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière du 26 décembre 2006 énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; que, dès lors, il ne saurait être regardé comme insuffisamment motivé ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X est entrée en France le 3 août 2004, à l'âge de quarante-neuf ans ; que si son fils, sa compagne et leurs deux enfants mineurs résident en France, son fils ne dispose que d'un droit précaire au séjour sur le territoire français ; qu'elle n'allègue pas être prise en charge par son fils, ni qu'elle dépendait de ce dernier lorsqu'elle vivait en Arménie, pays où elle est restée près d'un an et demi après le départ de son fils, en décembre 2002 ; qu'elle n'établit pas que son état de santé s'opposerait à son éloignement ni être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de Mme X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si Mme X soutient avoir été victime de discriminations en raison de son mariage avec un ressortissant de nationalité azerbaïdjanaise ainsi que de violences de la part du père de la compagne de son fils qui n'acceptait pas la relation de ces derniers, elle n'établit pas, par son récit et les pièces qu'elle produit, qu'elle serait exposée à des menaces réelles et personnelles en cas de retour en Arménie ; que, par suite, la décision distincte fixant ce pays comme destination de la reconduite n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 26 décembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X, ainsi que sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressée a la nationalité comme destination de la reconduite ;


DECIDE :


Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en date du 10 janvier 2007 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif est rejetée.
1

2
N° 07LY00304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 07LY00304
Date de la décision : 12/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : DOMINIQUE SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-02-12;07ly00304 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award