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12/02/2008 | FRANCE | N°07LY00183

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 12 février 2008, 07LY00183


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 janvier 2007, présenté par le PREFET DE L'YONNE ;

Le PREFET DE L'YONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603017 - 0603018 en date du 27 décembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Dijon a annulé ses arrêtés du 18 décembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme X ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Dijon ;
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Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 janvier 2007, présenté par le PREFET DE L'YONNE ;

Le PREFET DE L'YONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603017 - 0603018 en date du 27 décembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Dijon a annulé ses arrêtés du 18 décembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme X ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Dijon ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers prévus par l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2008 :

- le rapport de M. Fontanelle, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivant : (…) 6° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X, de nationalité nigériane, qui avaient obtenu des autorisations provisoires de séjour afin de pouvoir faire soigner en France leur enfant malade, se sont vu refuser, par décisions du PREFET DE L'YONNE du 3 octobre 2006, notifiées le 4 octobre 2006, le renouvellement de ces documents ; qu'ainsi, à la date des arrêtés attaqués, le 18 décembre 2006, ils étaient dans le cas prévu par les dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1 du code de l 'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 311-12 du même code : «Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étranger de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, sous réserve qu'il justifie résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. (…) » ; qu'aux termes de l'article 7 ;5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, alors en vigueur : « (…), le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. (…) Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur (…) » et qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 susvisé : « ( …) le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; - et la durée prévisible du traitement. Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales. » ;

Considérant que pour annuler les arrêtés de reconduite à la frontière en litige, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Dijon a jugé que contrairement à ce qu'avait estimé le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de l'Yonne dans son avis du 8 septembre 2006, qui différait de ceux qu'il avait précédemment émis sans qu'il soit justifié d'une évolution de l'état de santé de l'intéressé, il ressort des pièces du dossier que l'état de santé du plus jeune des deux enfants du couple X nécessite une prise en charge médicale dont il n'est pas établi qu'elle puisse s'effectuer au Nigéria, eu égard à la précarité des conditions sanitaires dans ce pays ; que, dès lors, les décisions du 3 octobre 2006 par lesquelles le PREFET DE L'YONNE a refusé à M. et Mme X le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour dont ils avaient précédemment été munis sont illégales ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, par avis régulier du 8 septembre 2006, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a estimé que l'enfant des époux X, né le 26 mars 2004, qui ne souffre pas d'une pathologie grave, peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Nigéria et que le défaut de prise en charge médicale ne serait pas de nature à entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que la circonstance que ses deux avis précédents étaient contraires ne l'obligeait pas à formuler une motivation spécifique pour justifier son changement d'appréciation, alors que le secret médical lui interdisait de révéler des informations sur la pathologie de l'intéressé et la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine ; que le rapport médical établi par un praticien du centre hospitalier d'Auxerre, le 2 mars 2006, qui précise que l'état général de l'enfant, qui souffre d'un syndrome asthmatique chronique bien contrôlé par le traitement médicamenteux bi-quotidien administré, est tout-à-fait satisfaisant et requiert uniquement une surveillance médicale régulière et un traitement médicamenteux ambulatoire, n'est pas de nature à remettre en cause l'avis susmentionné du médecin inspecteur de santé publique, notamment en ce qui concerne la possibilité, pour l'enfant, de bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée au Nigéria ; que, par suite, le PREFET DE L'YONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Dijon a jugé que ses décisions du 3 octobre 2006 servant de base légale aux mesures d'éloignement en litige étaient entachées d'erreur de droit ;
Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X, tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ;

Considérant que les décisions du 3 octobre 2006 susmentionnées, dont M. et Mme X entendent exciper de l'illégalité à l'encontre des mesures d'éloignement en litige, ne sont entachées ni d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X, tous deux âgés de trente-six ans et en situation irrégulière, sont présents en France depuis seulement un peu plus de trois ans et que rien ne fait obstacle à ce qu'ils repartent ensemble, accompagnés de leurs deux enfants âgés de trois et deux ans, au Nigéria ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de M. et Mme X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, les arrêtés contestés n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ils ont été pris ; qu'ils n'ont ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, ils ne sont pas davantage entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'YONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Dijon a annulé ses arrêtés du 18 décembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme X ;

DECIDE :


Article 1er : le jugement n° 0603017-0603018 en date du 27 décembre 2006 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Dijon sont rejetées.
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N° 07LY00183


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 07LY00183
Date de la décision : 12/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : DOMINIQUE CLEMANG

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-02-12;07ly00183 ?
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