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31/12/2007 | FRANCE | N°07LY00187

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 5ème chambre, 31 décembre 2007, 07LY00187


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 janvier 2007, présenté par le PREFET DES HAUTES-ALPES ;

Le PREFET DES HAUTES-ALPES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700110 en date du 17 janvier 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 11 janvier 2007, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Zubeyir X à destination de la Turquie, et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de sé

jour ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal ...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 janvier 2007, présenté par le PREFET DES HAUTES-ALPES ;

Le PREFET DES HAUTES-ALPES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700110 en date du 17 janvier 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 11 janvier 2007, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Zubeyir X à destination de la Turquie, et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2007 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité turque, est entré irrégulièrement sur le territoire français au mois de mars 2004 et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de l'arrêté attaqué, le 11 janvier 2007 ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet (…) d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (…) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. » ;

Considérant que pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DES HAUTES-ALPES à l'encontre de M. X, le 11 janvier 2007, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que cette mesure d'éloignement méconnaissait les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a produit, devant le premier juge, un rapport médical établi le 12 novembre 2006 par un médecin agréé, suite à un examen de M. X réalisé trois jours plus tôt ; que ce document fait état de ce que M. X est suivi depuis le mois de novembre 2006 pour un état dépressif majeur nécessitant des soins pendant une durée prévisible de deux ans et qu'un défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, toutefois, si le médecin indique que la prise en charge médicale requise ne pourrait pas s'effectuer en Turquie, en raison du fait qu'il y a vécu les évènements à l'origine de son traumatisme, les pièces du dossier et les déclarations contradictoires de M. X quant au motif de sa venue en France et à l'existence de difficultés rencontrées avec les autorités policières et judiciaires turques, ne permettent pas de tenir pour établie la réalité des faits allégués et notamment des mauvais traitements que M. X aurait subis de la part des autorités de son pays ; qu'ainsi, en l'absence de lien avéré entre l'affection dont il souffre et d'éventuels événements traumatisants qu'il aurait vécus en Turquie, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X ne pourrait pas effectivement poursuivre, dans son pays d'origine, les soins que son état de santé requiert ; que, par suite, le PREFET DES HAUTES-ALPES est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X méconnaissait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a annulé, pour ce motif, la mesure d'éloignement en litige ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DES HAUTES-ALPES, qui n'était pas informé des problèmes de santé rencontrés par l'intéressé à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière, n'aurait pas procédé à un examen préalable de la situation personnelle de M. X avant de prendre à son encontre la mesure d'éloignement en litige, ni qu'il se serait estimé en situation de compétence liée pour prendre cette décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 4º La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente.(…) » et qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement (…) ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X s'est vu refuser l'asile par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 2 août 2004, confirmée par la Commission de recours des réfugiés le 28 avril 2005 ; que l'intéressé a sollicité le réexamen de sa demande d'asile ; que, par décision du 3 octobre 2006, notifiée le même jour, le PREFET DES HAUTES-ALPES lui a refusé l'admission provisoire au séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décision du 17 octobre 2006, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande de réexamen d'admission au statut de réfugié ; qu'ainsi, le PREFET DES HAUTES-ALPES a pu légalement, en application des dispositions précitées de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sans attendre que la Commission de recours des réfugiés ait statué sur le recours, non suspensif, formé devant elle par l'intéressé le 2 novembre 2006, prendre à l'encontre de M. X, l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux, le 11 janvier 2007 ;

Considérant, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « ( …) la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : / (…) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (…) » ;

Considérant que, pour les motifs énoncés ci-avant dans le cadre de l'examen de la légalité de la mesure d'éloignement au regard des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du même code n'ont pas été méconnues par cette décision ;


Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si M. X soutient que sa vie serait menacée en cas de retour en Turquie, pays où il aurait été persécuté et maltraité en raison de son engagement politique en faveur de la cause kurde et où il aurait fait l'objet d'un mandat d'arrêt par contumace en date du 9 juin 2006, pour aide et assistance apportées à une organisation terroriste, les pièces du dossier et notamment les déclarations contradictoires de l'intéressé ne permettent pas de tenir pour établis les faits allégués ni les risques et menaces qu'il encourrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine ; que le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision désignant la Turquie comme pays de destination de la reconduite à la frontière, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES HAUTES-ALPES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 11 janvier 2007, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Zubeyir X à destination de la Turquie et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour ;


DECIDE :


Article 1er : Le jugement n° 0700110 du 17 janvier 2007 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.
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N° 07LY00187


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 07LY00187
Date de la décision : 31/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-12-31;07ly00187 ?
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