Vu la requête enregistrée le 19 février 2001, présentée pour la COMPAGNIE AXA ASSURANCES, dont le siège est 370 rue Saint-Honoré à Paris (75001), par Me Chetivaux, avocat au barreau de Paris ;
La COMPAGNIE AXA ASSURANCES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 964009 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 1er décembre 2000, en ce qu'il a rejeté la demande de la compagnie d'assurances UAP, à laquelle elle succède, présentée en qualité de subrogée dans les droits de la ville de Chambéry, tendant à la condamnation, premièrement, de MM. X et Y à lui verser, outre les intérêts et leur capitalisation, la somme de 284 204,59 francs, deuxièmement, de la société Quadri Plus à lui verser la somme de 95 373,13 francs, troisièmement, de la société Véritas à lui verser la somme de 30 681,18 francs et, quatrièmement, de la société Sorreba à lui verser la somme de 1 138 433,17 francs en réparation des désordres ayant affecté l'étanchéité du sous-sol de la médiathèque de Chambéry ;
2°) à titre principal, de condamner in solidum MM. X et Y, les sociétés Quadri Plus, Sorreba et Véritas à lui verser la somme de 1 733 635,75 francs TTC en réparation desdits désordres ;
3°) subsidiairement, de condamner, premièrement, MM. X et Y à lui verser la somme de 102 997,16 francs, deuxièmement, la société Quadri Plus à lui verser la somme de 306 369,55 francs, troisièmement, la société Véritas à lui verser la somme de 34 332,28 francs, quatrièmement, la société Sorreba à lui verser la somme de 1 223 893,79 francs en réparation des mêmes désordres ;
4°) d'assortir la condamnation des intérêts au taux légal à compter de la date de versement de l'indemnité d'assurances, et de la capitalisation des intérêts ;
5°) de condamner les mêmes à lui verser une somme de 50 000 francs au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2007 :
- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;
- les observations de Me Sebag, avocat de la COMPAGNIE AXA FRANCE, de Me Duras, avocat de MM. Y et X, de Me Baine, avocat de la société Quadri Plus, de Me Pompei, avocat du la société Véritas, de Me Bonnet, avocat de la société Sorreba et de Me Walgenwitz, avocat de la société Spie Tondella ;
- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité des conclusions de la requête :
Considérant que les conclusions tendant, d'une part, à la condamnation individuelle ou in solidum avec d'autres constructeurs de la société BRS, d'autre part, à la condamnation individuelle de la société Quadri Plus au delà de la somme de 95 373,13 francs, de la société Véritas au-delà de la somme de 30 681,18 francs, de la société Sorreba au-delà de 1 138 433,17 francs, enfin, à la condamnation solidaire de MM. X et Y, des sociétés Quadri Plus, Sorreba et Véritas sont nouvelles en appel ; qu'elles sont irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant, en premier lieu, qu'une action subrogatoire ne saurait être portée par le subrogé devant un ordre de juridiction autre que celui appelé à connaître de l'action qui aurait été engagée par le subrogeant ; que les juridictions de l'ordre administratif, compétentes pour connaître de l'action qu'aurait pu engager la ville de Chambéry pour obtenir des constructeurs, sur le fondement de leurs obligations nées des contrats publics de louage d'ouvrage, l'indemnisation des infiltrations ayant affecté, avant la réception de l'ouvrage, le sous-sol de la médiathèque, sont également compétentes pour statuer sur le recours engagé sur le même fondement par l'assureur de la ville, invoquant sa qualité de subrogé dans les droits du maître de l'ouvrage ; que, par suite, l'exception d'incompétence des sociétés Quadri Plus et BRS doit être écartée ;
Considérant, en second lieu, que l'appréciation du droit de subrogation de l'assureur repose sur les articles L. 121-12 et L. 242-1 du code des assurances dont il appartient au juge compétent de faire application sans recours préalable à la juridiction judiciaire ; que, par suite, la COMPAGNIE AXA FRANCE n'est pas fondée à soutenir qu'il n'appartiendrait qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire d'apprécier ses droits en fonction des stipulations de la police d'assurance reproduisant purement et simplement les dispositions de l'article L. 242-1 ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 1249 du code civil : « La subrogation dans les droits du créancier au profit d'une personne qui le paye est ou conventionnelle ou légale.» ;
En ce qui concerne la subrogation légale de la COMPAGNIE AXA FRANCE :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : « L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. (…).» ; qu'aux termes de l'article L. 242-1 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, que reproduisent les stipulations de la police d'assurance souscrite au bénéfice de la ville de Chambéry auprès de la compagnie UAP : « Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage (…) fait réaliser des travaux de bâtiment, doit souscrire (…) une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792 ;1 (…) du code civil. (… ) / Cette assurance prend effet après l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement visé à l'article 1792-6 du code civil. Toutefois, elle garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque : avant la réception, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations ; après réception, après mise en demeure restée infructueuse, l'entrepreneur n'a pas exécuté ses obligations.» ; qu'en vertu des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 2270 combinés du code civil, les constructeurs, qu'ils soient maîtres d'oeuvre, techniciens ou entrepreneurs liés par un contrat de louage au maître de l'ouvrage sont responsables de plein droit des désordres de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination lorsqu'ils sont survenus dans un délai de dix ans à compter de la réception ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la police souscrite par le maître de l'ouvrage en vertu de l'article L. 242-1 du code des assurances ne couvre que les désordres d'une certaine gravité qui n'entrent plus dans le champ des obligations contractuelles des constructeurs, soit que n'étant pas apparents à la fin des travaux, ils n'ont pu donner lieu à réserves et sont survenus après la réception qui met fin aux obligations nées du contrat de louage, soit qu'apparus avant la réception, le maître de l'ouvrage a dû résilier le contrat de louage après avoir constaté la défaillance du constructeur mis en demeure d'y remédier ;
Considérant que les infiltrations affectant le sous-sol de la médiathèque de Chambéry sont survenues avant la réception de l'ouvrage et ont fait l'objet de réserves ; que la prise en charge des travaux nécessaires à leur réparation relevait des obligations contractuelles des constructeurs dès lors que la défaillance de ces-derniers n'a pas été constatée et que les contrats de louage n'ont pas été résiliés ; que l'indemnisation allouée par la compagnie UAP à la ville de Chambéry et correspondant au coût de reprise de ces malfaçons de nature contractuelle ne saurait, en conséquence, se rattacher à la couverture des risques de la police « dommages ouvrage » souscrite au bénéfice de ladite collectivité sur le fondement de l'article L. 242-1, pour la couverture des désordres post-contractuels ; que la COMPAGNIE AXA FRANCE, qui vient aux droits de la compagnie UAP, ne saurait se prévaloir de l'exécution des obligations nées de ce contrat d'assurance pour soutenir qu'elle serait subrogée, en vertu de l'article L. 121-12 du code des assurances, dans les droits de la ville de Chambéry et que cette qualité lui donnerait un droit de créance sur les constructeurs à raison des manquements aux obligations nées des marchés publics passés en vue de la réalisation de la médiathèque ;
En ce qui concerne la subrogation conventionnelle de la COMPAGNIE AXA FRANCE :
Considérant qu'aux termes de l'article 1250 du code civil : « Cette subrogation est conventionnelle : 1°) Lorsque le créancier recevant son payement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le payement » ;
Considérant que si le maire de Chambéry a, le 15 février 2001, transféré à la COMPAGNIE AXA FRANCE « tous les droits et actions en responsabilité délictuelle, quasi ;délictuelle ou contractuelle qu'elle détient à l'encontre de tous les responsables de ces dommages directs ou indirects », ladite quittance subrogative délivrée six ans après l'indemnisation des désordres, n'a pu habiliter conventionnellement l'assureur à se substituer au maître de l'ouvrage pour obtenir des constructeurs l'achèvement de l'exécution des contrats de louage et le paiement des travaux de reprise de l'étanchéité du cuvelage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMPAGNIE AXA FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de condamnation individuelle de MM. X et Y, des sociétés Quadri Plus, Véritas et Sorreba à lui rembourser le montant de l'indemnité qu'elle a versée à la ville de Chambéry ; que les conclusions sus mentionnées doivent, dès lors, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés non compris dans les dépens :
Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la COMPAGNIE AXA FRANCE doivent être rejetées ;
Considérant, en deuxième lieu, que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la COMPAGNIE AXA FRANCE à verser 1 000 euros, chacun en ce qui le concerne, à M. X, à M. Y, à la société Véritas et à la société Quadri Plus ainsi que 533,57 euros à la société Sorreba ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Soletanche France et par la société Spie Tondella contre la société Quadri Plus ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la COMPAGNIE AXA FRANCE est rejetée.
Article 2 : La COMPAGNIE AXA FRANCE versera 1 000 euros, chacun en ce qui le concerne, à M. X, à M. Y, à la société Véritas et à la société Quadri Plus ainsi que 533,57 euros à la société Sorreba au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la société SA Soletanche France et de la société Spie Tondella présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative contre la société Quadri Plus sont rejetées.
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N° 01LY00351