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04/12/2007 | FRANCE | N°06LY01397

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2007, 06LY01397


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 30 juin 2006, présentée pour M. Vladimir X, domicilié au ..., par Me Claude Coutaz, avocat au barreau de Grenoble ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502421et 0502422 du 18 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part de la décision du 30 mars 2004, par laquelle le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a rejeté sa demande d'asile territorial

et, d'autre part, de la décision du 19 avril 2004, par laquelle le préfet de...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 30 juin 2006, présentée pour M. Vladimir X, domicilié au ..., par Me Claude Coutaz, avocat au barreau de Grenoble ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502421et 0502422 du 18 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part de la décision du 30 mars 2004, par laquelle le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a rejeté sa demande d'asile territorial et, d'autre part, de la décision du 19 avril 2004, par laquelle le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) de prescrire au ministre de l'intérieur, dans le cas où la décision déférée devrait être annulée pour un motif de fond, d'admettre M. X au bénéfice de l'asile territorial pour que lui soit délivrée une carte de séjour d'un an avec autorisation de travail, dans les trente jours qui suivront la notification du jugement à intervenir, sous astreinte définitive de 200 euros par jour de retard par application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative et, dans le cas où la décision devrait être annulée pour un motif de forme, de prendre à nouveau une décision sur la demande d'asile territorial de M. X dans les trente jours qui suivront la notification du jugement à intervenir, sous astreinte définitive de 200 euros par jour de retard ;

4°) de prescrire au préfet de l'Ardèche, dans le cas où la décision déférée devrait être annulée pour un motif de fond, de délivrer à M. X une carte de séjour d'un an avec autorisation de travail, dans les trente jours qui suivront la notification du jugement à intervenir, sous astreinte définitive de 200 euros par jour de retard par application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative et dans le cas où la décision devrait être annulée pour un motif de forme, de prendre à nouveau une décision sur la demande de titre de séjour de M. X dans les trente jours qui suivront la notification du jugement à intervenir, sous astreinte définitive de 200 euros par jour de retard ;

5°) de condamner l'Etat à payer à l'avocat de M. X la somme de 820 euros au titre des frais qu'il aurait exposés à l'occasion du présent litige si l'aide juridictionnelle sollicitée n'était pas accordée, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2007 :

- le rapport de M. Berthoud, président ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la décision ministérielle refusant l'asile territorial :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 98-503 du 23 juin 1998 : « L'étranger qui demande l'asile territorial est tenu de se présenter à la préfecture de sa résidence et, à Paris, à la préfecture de police. Il y dépose son dossier, qui est enregistré. Une convocation lui est remise, afin qu'il soit procédé à son audition… », qu'aux termes de l'article 2 de ce même décret : « L'étranger est entendu en préfecture au jour que lui a fixé la convocation. Il peut demander au préalable l'assistance d'un interprète et peut être accompagné d'une personne de son choix. Lors de l'audition, le récépissé mentionné à l'article 4 du décret du 30 juin 1946 précité est remis à l'intéressé. L'audition donne lieu à un compte rendu écrit », qu'aux termes de l'article 9 de ce même décret : « Le ministre de l'intérieur statue en urgence : lorsque l'étranger qui demande l'asile territorial se trouve en rétention administrative, en application de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée ; lorsque la présence de l'intéressé sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public ; lorsque la demande d'asile territorial est de nature abusive, frauduleuse ou dilatoire. Dans ce cas, l'étranger est entendu sans délai. Par dérogation aux articles 1er et 2, il ne lui est remis ni convocation ni récépissé. Le compte rendu de l'audition est aussitôt transmis au ministre de l'intérieur » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en dehors des cas mentionnés à l'article 9 précité du décret du 23 juin 1998, l'étranger qui dépose une demande visant à obtenir l'asile territorial doit disposer d'un délai suffisant pour préparer son audition et qu'ainsi, l'administration ne saurait procéder, en dehors de ces cas, à l'audition de l'intéressé au moment où il dépose sa demande ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a déposé son dossier de demande d'asile territorial auprès du ministre de l'intérieur le 2 septembre 2003 ; que s'il a été effectivement auditionné par les services de la préfecture, cette audition est intervenue le 2 septembre 2003, soit le même jour que le dépôt de son dossier ; qu'il n'a ainsi pas disposé d'un délai suffisant pour préparer utilement cette audition ; qu'il est constant que M. X ne se trouvait pas en rétention administrative et ne constituait pas une menace pour l'ordre public ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué que sa demande d'asile territorial aurait présenté un caractère abusif, frauduleux ou dilatoire ; que dans ces conditions, le ministre de l'intérieur ne pouvait recourir à la procédure d'urgence prévue par l'article 9 du décret susmentionné ; que, par suite, la décision de refus d'asile territorial, prise au terme d'une procédure irrégulière, est entachée d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui refusant l'asile territorial ;

Sur la décision préfectorale refusant le titre de séjour :

Considérant que M. X demande l'annulation de la décision par laquelle le préfet de l'Ardèche, après lui avoir notifié le refus d'asile opposé par le ministre, a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale », laquelle n'a pas à ce jour fait l'objet d'un retrait, contrairement à ce que soutient l'administration ; que M. X reprend à son encontre ses moyens de première instance, tirés de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour, de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, et de la violation de l'article 6-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient commis une erreur en écartant ces moyens par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter ;

Considérant par ailleurs que les refus de titre de séjour opposés tant à lui qu'à son épouse n'ayant ni pour objet ni pour effet de les séparer de leurs enfants ou de faire obstacle à l'unification de leur foyer, M. X ne saurait invoquer ni l'article 9-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, qui fait obstacle à ce que l'enfant soit séparé de ses parents contre son gré, ni l'article 10 de ladite convention, qui concerne seulement les demandes tendant à entrer dans un Etat partie ou à le quitter à des fins de réunification familiale ;
Considérant qu'il suit de là que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon, qui s'est fondé à bon droit sur la situation de droit et de fait existant à la date du refus opposé par le préfet, a rejeté sa demande à fin d'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (… ) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » et qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet » ;

Considérant qu'il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un refus d'asile territorial et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ; qu'il y a donc lieu de prescrire au ministre de l'intérieur de réexaminer la situation de M. X dans le délai de 60 jours suivant la notification du présent arrêt sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ; qu'en revanche, les conclusions de M. X tendant à ce que la Cour adresse une injonction sous astreinte au préfet de l'Ardèche ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant, d'une part, que M. X, pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. X n'a pas demandé, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la mise à la charge de l'Etat de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;

DECIDE :


Article 1er : Le jugement n° 0502421-0502422 du 18 avril 2006 du Tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de la décision du 30 mars 2004 par laquelle le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a rejeté sa demande d'asile territorial, est annulé.
Article 2 : La décision du 30 mars 2004 par laquelle le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a refusé l'asile territorial est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales de réexaminer la demande d'asile de M. X dans le délai de 60 jours suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
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N° 06LY01397


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY01397
Date de la décision : 04/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BERTHOUD
Rapporteur ?: M. Joël BERTHOUD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : COUTAZ CLAUDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-12-04;06ly01397 ?
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